28 septembre 2021

Lorsque l'on devient r¨¦fugi¨¦, une personne qui a fui son pays d¡¯origine pour des raisons politiques, religieuses, ¨¦conomiques, ou encore ¨¤ cause d'une guerre, on ne perd pas seulement un foyer. On sent dispara?tre une partie de son identit¨¦, et en chemin, on perd les liens solides que l¡¯on avait tiss¨¦s avec les amis et la famille rest¨¦s au pays. On se retrouve soudain dans un nouvel environnement, sans personne sur qui compter. Imaginez le courage qu¡¯il faut pour reprendre sa vie ¨¤ z¨¦ro.?

? l'occasion du 20?juin, Journ¨¦e mondiale des r¨¦fugi¨¦s, l'lmpact Universitaire des Nations Unies (UNAI) a r¨¦alis¨¦ une s¨¦rie de podcasts et d'articles recueillant les r¨¦cits de r¨¦fugi¨¦s venus d¡¯Afghanistan, de Tha?lande/du Myanmar, du N¨¦pal/du Bhoutan, d¡¯Ha?ti et du Rwanda.?

Selon l'Agence des Nations Unies pour les r¨¦fugi¨¦s, au moins 79,5?millions de personnes dans le monde ont ¨¦t¨¦ contraintes de fuir leur foyer. On compte parmi elles 26?millions de r¨¦fugi¨¦s, dont la moiti¨¦ a moins de 18?ans. Pr¨¨s de 50?% des enfants r¨¦fugi¨¦s en ?ge d¡¯¨ºtre scolaris¨¦s ne sont inscrits dans aucune ¨¦cole et ¨¤ l¡¯heure actuelle, seuls 3?% des jeunes r¨¦fugi¨¦s poursuivent des ¨¦tudes sup¨¦rieures. Cette situation est ¨¦troitement li¨¦e au manque de soutien moral et financier, ainsi qu¡¯¨¤ des politiques publiques souvent d¨¦ficientes au sein des pays d'accueil.?

L'enseignement sup¨¦rieur offre aux r¨¦fugi¨¦s la possibilit¨¦ de transformer leur existence de mani¨¨re consid¨¦rable, ce qui peut comporter des bienfaits ¨¤ long terme tant pour les int¨¦ress¨¦s que pour leurs communaut¨¦s d'accueil. Dans cette s¨¦rie, l'UNAI vous propose de d¨¦couvrir les histoires de Neh Meh, Dawood, Aliny, Lok Darjee et Donaldo, qui se sont tourn¨¦s vers les ¨¦tudes sup¨¦rieures en vue d¡¯une meilleure vie.?

Ha?ti, petit pays des Cara?bes, souffre d'instabilit¨¦ politique et ¨¦conomique depuis des d¨¦cennies. Le 12?janvier 2010, un tremblement de terre d¡¯ampleur catastrophique a frapp¨¦ ¨¤ environ 22?kilom¨¨tres de la capitale, Port-au-Prince, d¨¦truisant le palais pr¨¦sidentiel ainsi que plusieurs ¨¦coles, h?pitaux et autres immeubles. Les bilans ont fait ¨¦tat de 220?000 ¨¤ 300?000?morts, 300?000?bless¨¦s et 1,5?million de sans-abri.

Donaldo Syllabe avait 14?ans au moment o¨´ il a vu son pays s'effondrer suite ¨¤ la catastrophe. ??Je n'oublierai jamais ce jour o¨´ j'ai d? d¨¦terrer des gens enfouis sous des tas de briques pour retrouver ma famille. Heureusement, mes parents et mes fr¨¨res et s?urs ¨¦taient en s¨¦curit¨¦. Mais en Ha?ti, beaucoup n'ont pas eu cette chance.?? ?

Cet ¨¦v¨¦nement traumatique a influ¨¦ sur la personnalit¨¦ et les projets de Donaldo. ??Cette trag¨¦die m'a rendu plus fort. Ce que j¡¯ai vu m¡¯a incit¨¦ ¨¤ vouloir devenir ing¨¦nieur pour pouvoir construire des maisons, des h?pitaux et des abris pour les personnes dans le besoin.?? Cependant, pour un jeune comme Donaldo, n¨¦ et ¨¦lev¨¦ dans une famille de six vivant dans une extr¨ºme pauvret¨¦, d¨¦crocher un dipl?me d¡¯ing¨¦nieur demeurait un r¨ºve tr¨¨s lointain. ??Nous n¡¯avions rien de pr¨¦cieux, ¨¤ part notre famille??, se souvient-il.

La m¨¨re de Donaldo l¡¯avait toujours encourag¨¦, ainsi que ses fr¨¨res et s?urs, ¨¤ faire des ¨¦tudes. ??Elle estimait que l¡¯¨¦ducation nous permettrait de r¨¦ussir un jour.??? Suivant les conseils de sa m¨¨re et son propre r¨ºve de devenir ing¨¦nieur, Donaldo ne manquait jamais un seul jour d'¨¦cole. Il avait pr¨¦vu d'aller ¨¤ l'universit¨¦ dans le but d¡¯am¨¦liorer la situation financi¨¨re de sa famille.

Jusqu'¨¤ ce que le tremblement de terre fasse voler en ¨¦clat ses projets initiaux.

??Juste apr¨¨s le s¨¦isme, notre famille a trouv¨¦ refuge en R¨¦publique dominicaine. L¨¤-bas, mon p¨¨re avait des contacts et des pistes d'emploi. Mais une semaine ¨¤ peine apr¨¨s notre arriv¨¦e, il s¡¯est fait renverser par une voiture en rentrant du travail et a perdu sa jambe. En fin de compte, au lieu de prendre un nouveau d¨¦part plein de promesses, nous ¨¦tions en train de nager en plein cauchemar.??

Tout ¨¤ coup, Donaldo s¡¯est retrouv¨¦ charg¨¦ de subvenir aux besoins de sa famille. ??Je suis all¨¦ voir l'ancien employeur de mon p¨¨re pour lui demander s¡¯il voudrait m¡¯embaucher. Il a accept¨¦ et m¡¯a affect¨¦, entre autres, au nettoyage des chantiers.?? Entretemps, comme son p¨¨re allait de mieux en mieux et que sa m¨¨re travaillait ¨¤ temps partiel, Donaldo a r¨¦ussi ¨¤ terminer ses ¨¦tudes secondaires. Son exp¨¦rience sur les chantiers a renforc¨¦ sa passion pour le m¨¦tier d¡¯ing¨¦nieur. Environ ¨¤ la m¨ºme p¨¦riode, il a entendu dire pour la premi¨¨re fois qu'il ¨¦tait possible d'aller travailler et ¨¦tudier au Br¨¦sil, ??pays relativement proche, en d¨¦veloppement constant et offrant une multitude de possibilit¨¦s??. Il a pris la d¨¦cision de se lancer. ?tant donn¨¦ les risques que comportait un tel voyage, et en raison de ressources financi¨¨res limit¨¦es, la famille de Donaldo a d¨¦cid¨¦ de l¡¯envoyer seul au Br¨¦sil.

Son sup¨¦rieur hi¨¦rarchique de l¡¯¨¦poque, pr¨ºt ¨¤ l¡¯aider, a propos¨¦ de lui acheter un vol pour l'?quateur. Avec son billet d¡¯avion et 500?dollars US en poche, Donaldo s¡¯est mis en route pour le Br¨¦sil. Apr¨¨s avoir fait une premi¨¨re escale en ?quateur, il a parcouru une partie de son trajet ¨¤ pied jusqu'au P¨¦rou avant de franchir la fronti¨¨re avec le Br¨¦sil en autocar. La faim le tenaillait sans cesse et il devait parfois dormir dans la rue. On l¡¯a arr¨ºt¨¦ une fois, car il voyageait sans autorisation. Depuis Rio Branco, ville du Br¨¦sil proche de la fronti¨¨re p¨¦ruvienne, il lui a encore fallu quatre jours pour rejoindre S?o Paulo. ? son arriv¨¦e, il a pu se mettre en rapport avec des ONG de soutien aux r¨¦fugi¨¦s. Son voyage a dur¨¦ plus de deux semaines en tout. ?

??En arrivant au Br¨¦sil, j'¨¦tais tr¨¨s na?f. Je croyais que tous mes r¨ºves allaient se r¨¦aliser et que je pourrais faire venir ma famille pour que l¡¯on puisse vivre tous ensemble.?? N¨¦anmoins, Donaldo a r¨¦ussi ¨¤ int¨¦grer l¡¯universit¨¦ priv¨¦e Centro Universit¨¢rio Capital pour pr¨¦parer son dipl?me d¡¯ing¨¦nieur. Dans l¡¯incapacit¨¦ d¡¯acquitter ses frais de scolarit¨¦, il a d? abandonner au bout de deux semestres.

Donaldo est maintenant agent immobilier ¨¤ S?o Paulo. ??Tout ce dont je r¨ºve, c'est de retourner ¨¤ l'universit¨¦?; pas seulement pour pouvoir aider ma famille, mais aussi la population noire, que ce soit au Br¨¦sil ou en Ha?ti, en r¨¦alisant des projets de logements communautaires. Aujourd'hui, mon m¨¦tier me sert ¨¤ ¨¦conomiser pour financer mes ¨¦tudes, mais ¨¤ cause de la pand¨¦mie, cela fait plus de 6?mois que je n¡¯ai pas vendu de maison. Malgr¨¦ tout, je n'abandonnerai pas, m¨ºme si j¡¯ai l¡¯impression d¡¯¨ºtre au point mort.??

Donaldo estime que sa vie au Br¨¦sil aurait pu prendre une autre tournure si les institutions d¡¯enseignement, ainsi que leurs partenaires partout dans le monde, se montraient plus d¨¦termin¨¦es ¨¤ accompagner les ¨¦tudiants r¨¦fugi¨¦s. ??Faute d'argent et d¡¯opportunit¨¦s, je ne suis toujours pas ing¨¦nieur. Mais il ne faut surtout pas perdre espoir. Je veux dire ¨¤ toutes les institutions qui g¨¨rent les programmes de bourses?: nous voulons ¨¦tudier, nous voulons ¨ºtre vus et nous voulons ¨ºtre entendus en tant qu'¨ºtres humains.??

Pour ¨¦couter l¡¯int¨¦gralit¨¦ de son r¨¦cit (en espagnol), cliquez .

Nous tenons ¨¤ remercier Rosely Rodrigues Oliveira de l'Institut Vozes sem Fronteiras et Teresa Ribeiro de l'Institut Populaire Paulo Freire de nous avoir mis en relation avec Donaldo pour la pr¨¦paration de cette s¨¦rie.

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