2 avril 2020 ¡ª Ce n¡¯est qu¡¯en se rassemblant que le monde pourra faire face ¨¤ la pand¨¦mie de COVID-19 et ¨¤ ses bouleversantes cons¨¦quences. Lors d¡¯une rencontre virtuelle d¡¯urgence qu¡¯ils ont eue jeudi dernier, les dirigeants du G20 ont pris des mesures qui vont dans la bonne direction. Mais nous sommes encore loin d¡¯avoir une r¨¦ponse globale bien articul¨¦e et coordonn¨¦e qui r¨¦ponde ¨¤ l¡¯ampleur sans pr¨¦c¨¦dent du ph¨¦nom¨¨ne auquel nous sommes confront¨¦s.

Nous sommes encore bien loin de voir la courbe des infections s¡¯aplanir. La maladie a d¡¯abord mis 67 jours pour infecter 100 000 personnes. Bient?t, 100 000 personnes et plus seront infect¨¦es quotidiennement. Sans une action concert¨¦e et courageuse, le nombre de nouveaux cas va tr¨¨s certainement se chiffrer en millions, poussant les syst¨¨mes de sant¨¦ au point de rupture, faisant plonger les ¨¦conomies et faisant sombrer les gens dans le d¨¦sespoir ¨C les plus pauvres ¨¦tant les plus durement frapp¨¦s.

Nous devons nous pr¨¦parer au pire et tout faire pour l¡¯¨¦viter. Pour cela, voici un appel ¨¤ l¡¯action en trois points, qui se fonde sur la science, sur la solidarit¨¦ et sur des politiques intelligentes.

Il s¡¯agit en premier lieu de supprimer la transmission du coronavirus. 

Cela requiert une action d¨¦termin¨¦e de d¨¦pistages pr¨¦coces et de recherche des personnes contacts, compl¨¦t¨¦e par des mises en quarantaine, des traitements et des mesures visant ¨¤ prot¨¦ger les premiers intervenants, le tout combin¨¦ avec des mesures de restriction des mouvements et des contacts. De telles mesures, en d¨¦pit des perturbations qu¡¯elles entra?nent, doivent se poursuivre jusqu¡¯¨¤ ce que des th¨¦rapies et un vaccin ¨¦mergent. 

Il est crucial que cet effort de taille, qui demande de la coop¨¦ration, soit guid¨¦ par l¡¯Organisation mondiale de la Sant¨¦ ¨C un membre de la famille des Nations Unies ; les pays qui agissent seuls ¨C comme il se doit lorsqu¡¯il s¡¯agit de leur peuple ¨C ne feront pas le travail lorsqu¡¯il s¡¯agit comme ici d¡¯?uvrer pour tous.

En deuxi¨¨me lieu, il s¡¯agit de s¡¯attaquer aux dimensions sociales et ¨¦conomiques d¨¦vastatrices de cette crise.  

Le virus se r¨¦pand comme un incendie et il est probable qu¡¯il atteigne rapidement les pays du Sud, o¨´ les syst¨¨mes de sant¨¦ font face ¨¤ des contraintes, o¨´ les gens sont plus vuln¨¦rables et o¨´ des millions de personnes vivent dans des bidonvilles dens¨¦ment peupl¨¦s ou dans des campements surpeupl¨¦s pour r¨¦fugi¨¦s et personnes d¨¦plac¨¦es internes. Aliment¨¦ par de telles conditions, le virus pourrait d¨¦vaster le monde en d¨¦veloppement et r¨¦appara?tre ensuite l¨¤ o¨´ il avait auparavant ¨¦t¨¦ ¨¦limin¨¦. Dans un monde interconnect¨¦ comme le n?tre, nous ne sommes pas plus forts que ne l¡¯est le syst¨¨me de sant¨¦ le plus faible.

Cette pand¨¦mie nous a rappel¨¦, de la mani¨¨re la plus brutale qui soit, le prix que nous payons pour toute faiblesse dans les syst¨¨mes de sant¨¦, dans la protection sociale et dans les services publics.

Il est clair que nous devons combattre le virus pour toute l¡¯humanit¨¦, en nous concentrant sur les gens, en particulier sur ceux qui sont les plus affect¨¦s : les femmes, les personnes ?g¨¦es, les jeunes, les travailleurs ¨¤ bas salaires, les petites et moyennes entreprises, le secteur informel et les groupes vuln¨¦rables. 

Les Nations Unies viennent de publier des rapports montrant comment la contagion virale est devenue une contagion ¨¦conomique et exposant le financement n¨¦cessaire pour supporter les chocs. Le Fonds mon¨¦taire international (FMI) a d¨¦clar¨¦ que nous sommes entr¨¦s dans une r¨¦cession aussi grave voire pire qu¡¯en 2009. 

Nous avons besoin d¡¯une r¨¦ponse multilat¨¦rale globale ¨¦quivalant ¨¤ un pourcentage ¨¤ deux chiffres du produit int¨¦rieur brut mondial. 

Les pays d¨¦velopp¨¦s peuvent y parvenir par eux-m¨ºmes et certains le font effectivement. Mais nous devons accro?tre massivement les ressources disponibles pour le monde en d¨¦veloppement en augmentant la capacit¨¦ du FMI ¨C par la d¨¦livrance de droits de tirage sp¨¦ciaux ¨C ainsi que celle des autres institutions financi¨¨res internationales afin que l¡¯ensemble de ces institutions puissent rapidement injecter des ressources dans les pays qui en ont besoin. Je sais que cela est difficile, car les nations se retrouvent d¨¦j¨¤ ¨¤ augmenter leurs d¨¦penses int¨¦rieures d¡¯un montant record. Mais ces d¨¦penses seront vaines si nous ne contr?lons pas le virus.

Des contrats d¡¯¨¦changes financiers (swaps) coordonn¨¦s entre banques centrales peuvent ¨¦galement apporter des liquidit¨¦s aux ¨¦conomies ¨¦mergentes. L'all¨¦gement de la dette doit ¨¦galement ¨ºtre une priorit¨¦ ¨C y compris par des exon¨¦rations imm¨¦diates sur les paiements d'int¨¦r¨ºts pour 2020. 

En troisi¨¨me lieu, il s¡¯agit de mieux se r¨¦tablir.

Nous ne pouvons tout simplement pas revenir l¨¤ o¨´ nous ¨¦tions avant que la COVID-19 ne nous frappe, avec des soci¨¦t¨¦s inutilement vuln¨¦rables aux crises. Cette pand¨¦mie nous a rappel¨¦, de la mani¨¨re la plus brutale qui soit, le prix que nous payons pour toute faiblesse dans les syst¨¨mes de sant¨¦, dans la protection sociale et dans les services publics. Elle a soulign¨¦ et exacerb¨¦ les in¨¦galit¨¦s, et avant tout l¡¯in¨¦galit¨¦ entre les sexes, mettant ¨¤ nu la mani¨¨re dont l'¨¦conomie formelle a ¨¦t¨¦ soutenue gr?ce ¨¤ un travail de soins invisible et non r¨¦mun¨¦r¨¦. Elle a mis en relief les d¨¦fis actuels en mati¨¨re de droits de l¡¯homme, notamment la stigmatisation et les violences contre les femmes. 

Le moment est venu de redoubler d¡¯efforts pour construire des ¨¦conomies et des soci¨¦t¨¦s plus inclusives et durables et qui soient plus r¨¦silientes face aux pand¨¦mies, au changement climatique et aux autres d¨¦fis mondiaux. Le r¨¦tablissement doit mener ¨¤ une ¨¦conomie diff¨¦rente. Notre feuille de route reste le Programme et les Objectifs de d¨¦veloppement durable ¨¤ l¡¯horizon 2030.

Le syst¨¨me des Nations Unies est enti¨¨rement mobilis¨¦ pour apporter son soutien aux r¨¦ponses des pays, pour mettre nos cha?nes d'approvisionnement ¨¤ la disposition du monde et pour plaider en faveur d¡¯un cessez-le-feu mondial. 

Mettre un terme ¨¤ la pand¨¦mie partout est ¨¤ la fois un imp¨¦ratif moral et une question d¡¯int¨¦r¨ºt personnel ¨¦clair¨¦. En ce moment insolite, nous ne pouvons pas recourir aux outils habituels. Des temps extraordinaires exigent des mesures extraordinaires. Nous nous trouvons face ¨¤ un test colossal qui demande de nous tous et pour tous une action d¨¦cisive, coordonn¨¦e et innovante.  

*La version anglaise de cet article a ¨¦t¨¦ publi¨¦e dans le quotidien The Guardian, le 2 avril 2020.