51吃瓜

Mariam Kon茅 a quitt茅 le Canada il y a cinq ans pour ouvrir un cabinet d鈥檈xpert-conseil en affaires 脿 Bamako, la capitale du Mali. Le nombre de ses clients n鈥檃yant cess茅 de cro卯tre, les profits r茅alis茅s par son entreprise, Kon茅 Conseil, ont 茅galement progress茅. Les affaires marchent bien, affirme-t-elle. Son pr茅c茅dent emploi d鈥檌ng茅nieur industriel dans un cabinet d鈥檈xpert-conseil 脿 Montr茅al 茅tait stable et bien pay茅 mais Mme Kon茅 voulait relever un nouveau d茅fi dans son pays d鈥檕rigine. Ce retour comportait des risques mais il a port茅 ses fruits. 芦听Avant je travaillais pour les autres, mais maintenant je travaille pour moi-m锚me et j鈥檈mbauche aussi des gens听禄, explique-t-elle. 芦听Et je n鈥檃i aucun regret.听禄

Mme Kon茅 fait partie de ces jeunes immigrants africains qualifi茅s qui sont rentr茅s au pays, en provenance surtout d鈥橝m茅rique du Nord et d鈥橢urope occidentale. Si les ann茅es 1980 et 1990 ont 茅t茅 marqu茅es par l鈥檈xode des cerveaux 鈥� lorsque les Africains qualifi茅s partaient 脿 l鈥櫭﹖ranger en qu锚te d鈥檜ne vie meilleure, ils retournent dor茅navant chez eux. On parle d茅sormais de 芦听migration inverse听禄, ou de 芦听retour des cerveaux听禄, explique Elizabeth Chacko dans un article intitul茅 芦听From Brain Drain to Brain Gain 禄*. Ce ph茅nom猫ne se produit quand des cadres rentrent dans 芦听leur pays d鈥檕rigine pour tirer profit de la croissance et des nouvelles possibilit茅s en mati猫re d鈥檈mploi 禄.

L鈥橭rganisation internationale pour les migrations (OIM), un organisme intergouvernemental qui offre des services et des conseils aux immigr茅s et aux gouvernements, reconna卯t cette tendance. Tauhid Pasha, sp茅cialiste de haut niveau sur les migrations et le d茅veloppement humain 脿 l鈥橭IM, bas茅e 脿 Londres, a d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau que son organisation a aid茅 150 m茅decins et infirmi猫res 脿 rentrer dans diff茅rents pays d鈥橝frique. Ceux-ci ont 脿 leur tour form茅 plus de 15听000 agents sanitaires locaux dans le cadre du programme Migrations pour le d茅veloppement en Afrique, lanc茅 en 2001 par l鈥橭IM.听

Selon M. Pasha, les pays se relevant d鈥檜n conflit, comme la Somalie, ont 茅t茅 les plus grands b茅n茅ficiaires de ces programmes. 芦听Compte tenu de leurs comp茅tences, le gouvernement les recrute pour restructurer la fonction publique et les installe m锚me 脿 de hauts听postes 禄, affirme-t-il.

En outre, l鈥橭IM a aid茅 environ 2听000 personnes qualifi茅es originaires de 41 pays d鈥橝frique 脿 rentrer dans leur pays d鈥檕rigine gr芒ce au programme de retour et r茅insertion de nationaux africains qualifi茅s, mis sur pied en 1983 par l鈥橭rganisation. M锚me si les programmes de rapatriement de l鈥橭IM n鈥檕nt aid茅 qu鈥檜ne faible proportion de migrants africains vivant en Occident, de plus en plus d鈥橝fricains retrouvent le chemin du pays sans aucune aide publique.听

La tendance s鈥檌nverse tout doucement

Les analystes estiment que la plupart de ceux qui reviennent en Afrique ne participent pas aux programmes de rapatriement de l鈥橭IM, et M. Pasha reconnait qu鈥檌l est difficile d鈥櫭﹙aluer le nombre d鈥橝fricains qui rentrent au pays par leurs propres moyens. Toutefois, compte tenu de la croissance 茅conomique de l鈥橝frique et de la diminution des conflits, les immigrants africains sont d茅sormais motiv茅s. Selon un rapport de l鈥橭IM de 2010, environ 70听% des migrants d鈥橝frique de l鈥橢st, surtout des Ougandais, des K茅nyans et des Tanzaniens vivant au Royaume-Uni, 茅taient pr锚ts 脿 rentrer d茅finitivement.

Une enqu锚te r茅alis茅e sur les 茅tudiants africains des 10 meilleures 茅coles de commerce europ茅ennes et am茅ricaines par Jacana Partners, une soci茅t茅 panafricaine de capital-investissement, a r茅v茅l茅 que plus des trois quarts d鈥檈ntre eux esp猫rent pouvoir travailler en Afrique 脿 la fin de leurs 茅tudes.

Les professionnels sud-africains qui ont 茅migr茅 ont soulign茅 la hausse de la criminalit茅, de mauvaises politiques et pratiques de l鈥檈mploi qui favorisaient certains groupes dans une Afrique du Sud post-apartheid; mais un grand nombre d鈥檈ntre eux ont commenc茅 脿 retourner chez eux. Kom Huis Toe-veldtog (campagne de retour au bercail), une organisation qui aide les Sud-africains qualifi茅s 脿 rentrer chez eux, affirme avoir d茅j脿 aid茅 environ 6听000 personnes. 芦听La vie 脿 l鈥櫭﹖ranger n鈥檈st pas n茅cessairement parfaite. Malheureusement, les gens qui quittent leur pays ne s鈥檈n rendent souvent compte qu鈥檃pr猫s avoir d茅j脿 fait un 茅norme sacrifice sur le plan 茅motionnel et financier听禄, souligne l鈥橭rganisation.

Les dirigeants politiques du continent semblent 茅galement pr锚ts 脿 accueillir 脿 bras ouverts听 les Africains qui reviennent. Le Nouveau Partenariat pour le d茅veloppement de l鈥橝frique (NEPAD) a m锚me mis en place un programme destin茅 脿 la diaspora africaine qu鈥檌l juge strat茅giquement important pour l鈥橝frique. En mai 2012, le NEPAD a organis茅 un Sommet de la diaspora africaine 脿 Johannesburg (Afrique du Sud), afin d鈥檈ncourager les Africains de la diaspora 脿 soutenir l鈥檌nt茅gration 茅conomique et le d茅veloppement du continent. C鈥櫭﹖ait une invitation 脿 peine voil茅e lanc茅e aux Africains qualifi茅s pour qu鈥檌ls reviennent investir dans leur pays.

Le ph茅nom猫ne de retour semble 锚tre motiv茅 en partie par des raisons familiales. 芦听Emigrer ou ne pas 茅migrer reste une d茅cision tr猫s personnelle听禄, souligne Chofamba Innocent Sithole, un journaliste et analyste politique zimbabw茅en vivant au Royaume-Uni. Selon Michael Asiimwe, un Tanzanien et chef de service 脿 Vodacom, une soci茅t茅 de t茅l茅phonie mobile au Kenya, le d茅sir d鈥櫭猼re avec sa famille l鈥檃 oblig茅 脿 revenir. Il avait pass茅 six ans au Royaume-Uni et aux 脡tats-Unis avant de revenir en Tanzanie.

芦听Je n鈥檈n pouvais plus听禄, a-t-il d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau. 芦听J鈥檃vais rat茅 beaucoup de c茅r茅monies听: mariages, fun茅railles, anniversaires, juste parce que c鈥櫭﹖ait trop loin et trop co没teux de faire l鈥檃ller-retour.听禄

Les conditions de travail difficiles 脿 l鈥櫭﹖ranger obligent 茅galement les Africains 脿 envisager leur retour. Mme Kon茅, qui travaillait 11 heures par jour au Canada, ne travaille d茅sormais plus que six heures par jour. 芦听En Occident, vous travaillez beaucoup et la vie est centr茅e sur le mat茅riel 禄, d茅clare-t-elle, ajoutant qu鈥檃u Mali, elle a su trouver un 茅quilibre entre travail et loisirs.

Tout n鈥檈st pas rose

Les entrepreneurs, comme Mme Kon茅, peuvent se sentir les bienvenus, mais ceux qui esp猫rent entrer dans la fonction publique sont confront茅s aux dures r茅alit茅s du terrain. Les salaires des fonctionnaires sont souvent tr猫s inf茅rieurs aux salaires per莽us 脿 l鈥櫭﹖ranger et les conditions de travail sont souvent mauvaises. Nombreux sont ceux qui font face 脿 des changements radicaux dans leur mode de vie听: coupures intempestives d鈥櫭﹍ectricit茅, routes en mauvais 茅tat, m茅diocrit茅 des services de sant茅, manque d鈥檈au potable, corruption, criminalit茅 et co没ts 茅lev茅s des entreprises.

Mme Kon茅 affirme 脿 Afrique Renouveau qu鈥檌l lui a fallu environ cinq ans pour amener son entreprise 脿 son niveau actuel. Il est souvent difficile au Mali de prendre des d茅cisions rapides 脿 cause de la bureaucratie, d茅clare-t-elle. 芦听Je n鈥檡 茅tais pas habitu茅e au Canada.听禄 Ceux qui rentrent ont souvent des id茅es novatrices, mais ils d茅couvrent tr猫s vite qu鈥檌ls doivent relever les d茅fis du monde des affaires dans un environnement difficile.

Pas question de faire demi-tour

Malgr茅 ces 茅normes difficult茅s, nombreux sont ceux qui sont persuad茅s d鈥檃voir pris la bonne d茅cision en rentrant dans leur pays. 芦听Ceux qui sont actuellement sur place seront les premiers 脿 saisir les meilleures opportunit茅s听禄, explique Mme Kon茅. 芦听Je ne peux pas pr茅dire l鈥檃venir du Mali, je suis toujours l脿 et j鈥檃i d茅j脿 beaucoup investi.听禄 M锚me le conflit actuel au Mali n鈥檈ntame pas sa d茅termination 脿 poursuivre ses activit茅s.

Partout en Afrique, du Mali 脿 la Tanzanie, du S茅n茅gal et de la Somalie 脿 la Afrique du Sud, l鈥檋istoire est la m锚me听: les Africains reviennent de l鈥櫭﹖ranger, pour des raisons patriotiques, familiales ou tout simplement en raison des opportunit茅s croissantes qu鈥檕ffre le continent. Apr猫s les douleurs ant茅rieures caus茅es par la fuite des cerveaux, leur retour constitue d茅sormais un atout pour l鈥橝frique.

*Elizabeth Chacko: 鈥淔rom Brain Drain to Brain Gain: Reverse Migration to Bangalore and Hyderabad, India鈥檚 Globalizing High Tech Cities鈥�.