Les femmes rurales au-devant de la sc¨¨ne
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Les femmes rurales au-devant de la sc¨¨ne
Afrique Renouveau: Quels ¨¦taient les r¨¦alisations et d¨¦fis majeurs de votre premier mandat?
Phumzile Mlambo-Ngcuka : Au cours des quatre derni¨¨res ann¨¦es, nous avons principalement encourag¨¦ les pays ¨¤ promulguer des lois et des normes en faveur de l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes, contre la violence domestique ou et le viol dans plus de 60 pays ¨¤ tel point que chaque ann¨¦e nous avons? aid¨¦ ces lois ¨¤ passer, et, lorsque les infractions ¨¦taient tol¨¦r¨¦es ou impunies, nous avons recommand¨¦ aux pays d¡¯amender ou d¡¯abroger leurs textes. Actuellement, 150 pays ont encore des lois discriminatoires envers les femmes. En tant qu¡¯interm¨¦diaire impartial, ONU Femme a su renforcer la confiance avec les gouvernements.? Nous pourrions faire encore davantage avec plus de moyens.
Des pays africains ont-ils r¨¦duit ou supprim¨¦ des lois qui perp¨¦tuent la discrimination fond¨¦e sur le sexe?
Oui, nous f¨¦licitons le Malawi qui a promulgu¨¦ une loi modifiant l¡¯?ge l¨¦gal pour se marier [port¨¦ ¨¤ au moins 18 ans]. Au Kenya, des r¨¦formes juridiques et ¨¦lectorales sont en cours pour une participation accrue des femmes ¨¤ la vie politique. L¡¯?gypte a adopt¨¦ des lois visant ¨¤ favoriser la participation des femmes dans les administrations locales et nous avons assist¨¦ ¨¤ une augmentation exponentielle du nombre de femmes se pr¨¦sentant et remportant les ¨¦lections.
Quelles sont vos priorit¨¦s ?
La mise en oeuvre des lois. Depuis Beijing [la Conf¨¦rence mondiale sur les femmes de 1995], plusieurs pays adoptent des lois en faveur de l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes, toutefois l¡¯impact n¡¯est pas ¨¤ la hauteur des attentes en raison d¡¯une application limit¨¦e, par cons¨¦quent, les pratiques et traditions demeurent inchang¨¦es. Au cours des deux derni¨¨res ann¨¦es, nous avons travaill¨¦ avec les chefs traditionnels et la communaut¨¦ religieuse afin de faire ¨¦voluer les coutumes. Nous impliquons ¨¦galement dans notre travail, les hommes et les jeunes gar?ons qui sont parties prenantes de la lutte contre les normes et pratiques discriminatoires.
Qu¡¯entendez-vous par normes et pratiques discriminatoires?
Les gens vous diront : ? Nous croyons aux droits? de l¡¯Homme, mais nous avons nos traditions. ? Les leaders communautaires nous aident ¨¤ faire ¨¦voluer cette tendance. En Zambie, apr¨¨s que le gouvernement a adopt¨¦ une loi portant l¡¯?ge minimum l¨¦gal du mariage ¨¤ 18 ans, un des leaders l¡¯a fix¨¦ ¨¤ 21 ans dans sa circonscription. Il a d¨¦clar¨¦ qu¡¯¨¤ 18 ans, une fille doit ¨¦tudier, et non se marier. En Ouganda, le pr¨¦sident a martel¨¦ l¡¯importance de l¡¯¨¦ducation des filles pour lutter contre le mariage pr¨¦coce. Le pays a promulgu¨¦ une loi en ce sens d¨¦veloppe des initiatives communautaires pour sa mise en oeuvre, et milite pour l¡¯autonomisation ¨¦conomique des femmes afin que le mariage ne soit pas une ¨¦chappatoire ¨¤ la pauvret¨¦.
Les gens sont-ils r¨¦ticents ¨¤ l¡¯id¨¦e d¡¯abandonner des pratiques ancestrales?
Jusqu¡¯ici le bilan n¡¯est pas d¨¦plorable. Nous misons sur les communaut¨¦s locales afin que notre organisation ne soit pas tenue d¡¯¨ºtre sur place en permanence. Au Malawi, une femme-chef, Theresa Kachindamoto, avec laquelle nous avons ¨¦tabli de bons rapports de travail, a depuis 2004 mis un terme ¨¤ 2 549 mariages d¡¯enfants, une initiative sans pr¨¦c¨¦dent qui a co?t¨¦ ¨¤ certains sous-chefs leur poste.
L¡¯autre priorit¨¦ est l¡¯autonomisation des femmes. Nous avons lanc¨¦ le R¨¦seau des femmes leaders, qui vise ¨¤ renforcer le leadership au niveau local afin de satisfaire les besoins de la circonscription concern¨¦e. Nous voulons voir les femmes au niveau communautaire participer d¡¯une seule voix ¨¤ la prise de d¨¦cisions, notamment l¡¯interdiction du mariage d¡¯enfants.
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Quelle est la finalit¨¦?
L¡¯objectif est de rendre les femmes autonomes avec ou sans l¡¯aide de l¡¯ONU, afin que nous ne nous limitions qu¡¯¨¤ un r?le d¡¯accompagnement. Aucun pays au monde n¡¯a instaur¨¦ l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes ou une d¨¦mocratie solide sans la participation des femmes, sans la soci¨¦t¨¦ civile, sans un certain degr¨¦ de f¨¦minisme.
? quel point la situation des femmes est-elle pr¨¦occupante dans les zones de conflit?
La situation est d¨¦plorable. Au Soudan du Sud, le degr¨¦ de violence est navrant. Les femmes vivant dans les camps sont viol¨¦es par les hommes qui y vivent, par les forces de l¡¯ordre cens¨¦es les prot¨¦ger, et parfois par leurs propres parents. Si elles en sortent, elles s¡¯exposent au risque d¡¯enl¨¨vement et de viol. Elles constituent des cibles de choix dans les r¨¨glements de comptes. On assiste ¨¤ la m¨ºme situation en R¨¦publique centrafricaine, o¨´, en raison de conflits ou de l¡¯anarchie totale, les femmes paient le lourd tribut de la guerre, du fait de l¡¯humiliation et de la souffrance qu¡¯elles subissent. Cependant, les femmes ne se laissent pas faire. Au Soudan du Sud, elles se mobilisent. Au Burundi, des femmes m¨¦diatrices jouent un r?le d¨¦terminant dans la pr¨¦vention des conflits. En Somalie, elles se regroupent pour accro?tre leur repr¨¦sentation au Parlement.
Une ¨¦tude r¨¦cente d¨¦montre que lorsque les femmes participent ¨¤ la r¨¦solution des conflits, la paix est durable.
Lorsque les femmes jouent un r?le de m¨¦diatrice, les perspectives de paix n¨¦goci¨¦e sont meilleures. Les femmes ne s¡¯asseyent pas ¨¤ la table des n¨¦gociations pour r¨¦gler des comptes, mais pour parvenir ¨¤ une v¨¦ritable r¨¦conciliation, qui passe par des cliniques qui soignent, des ¨¦coles qui ¨¦duquent ou une agriculture qui nourrit. Elles souhaitent que les compensations profitent ¨¤ l¡¯ensemble de la communaut¨¦. Pour que la paix soit durable, elle doit ¨ºtre inclusive. Les femmes repr¨¦sentent au moins 50 % de la population dans la plupart des pays. Elles font les frais des conflits et m¨¦ritent que leurs besoins soient pris en compte et d¡¯¨ºtre impliqu¨¦es et repr¨¦sent¨¦es dans le processus de n¨¦gociation de la paix.
Au Liberia, elles jouent un r?le majeur dans la n¨¦gociation et la pr¨¦servation de la paix et n¡¯ont jamais failli ¨¤ leur mission de militantes pour la paix. Si vous prenez l¡¯Afrique du Sud, les femmes ont jou¨¦ un r?le pr¨¦pond¨¦rant dans l¡¯abolition de l¡¯Apartheid, et l¡¯adoption de la constitution ¡ª et ont largement apport¨¦ l¡¯opinion critique n¨¦cessaire ¨¤ la consolidation de la d¨¦mocratie. Dans une certaine mesure, le m¨ºme sch¨¦ma a ¨¦t¨¦ reproduit au Mozambique et en Namibie.
Est-ce le cas au Rwanda ¨¦galement?
Oui, pareil au Ghana.
? l¡¯exception du Rwanda o¨´ les femmes repr¨¦sentent 64 % des d¨¦put¨¦s, la parit¨¦ en politique est loin d¡¯¨ºtre atteinte.
Par rapport aux autres r¨¦gions du monde, l¡¯Afrique affiche un meilleur bilan. L¡¯Afrique du Sud affiche un taux sup¨¦rieur ¨¤ la moyenne mondiale de repr¨¦sentation des femmes en politique. Il existe des pays africains o¨´ le taux de participation des femmes ¨¤ la vie politique est sup¨¦rieur ¨¤ celui de pays en paix et plus riches. Mais nous ne devons pas nous en contenter.
Pourquoi focaliser votre action sur les femmes vivant en zone rurale derni¨¨rement?
S¡¯il existe un segment de population l¨¦s¨¦, c¡¯est bien celui des femmes vivant en zone rurale. Nous voulons placer les personnes laiss¨¦es pour compte au-devant de la sc¨¨ne. Leurs pr¨¦occupations sont notre priorit¨¦, et nous examinons les solutions en partageant les meilleures pratiques.
Comment la pauvret¨¦ en milieu rural impacte-t-elle les mariages d¡¯enfants?
Le taux de pauvret¨¦ ¨¦tant plus ¨¦lev¨¦ en zone rurale, les filles sont plus expos¨¦es aux mariages forc¨¦s. Il est important pour nous d¡¯y mettre fin, malgr¨¦ l¡¯autorit¨¦ traditionnelle et les pratiques culturelles.
Les jeunes filles peuvent-elles r¨ºver d¡¯autonomisation et de participation ¨¤ la vie politique?
Nous avons une CSW [Commission de la condition de la femme] pour les jeunes, qui formule des recommandations. Nous veillons ¨¦galement ¨¤ ce qu¡¯au sein de la CSW, les jeunes soient encourag¨¦s ¨¤ remettre en question les normes qui mettent ¨¤ mal l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes afin de s¡¯affranchir des traditions des g¨¦n¨¦rations qui les pr¨¦c¨¨dent.
Le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU a r¨¦cemment d¨¦clar¨¦ que la parit¨¦ avait ¨¦t¨¦ atteinte au niveau des cadres sup¨¦rieurs de l¡¯ONU. Quel enseignement l¡¯Union Africaine peut-elle en tirer ?
La d¨¦termination et le fait que l¡¯impulsion vienne d¡¯en haut.? Le rythme auquel les femmes ont ¨¦t¨¦ recrut¨¦es ¨¤ l¡¯ONU tient ¨¤ la d¨¦termination du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral qui a ent¨¦rin¨¦ les nominations. Il a fait valoir ses arguments et ne s¡¯est pas arr¨ºt¨¦ aux r¨¦ponses n¨¦gatives.
En Afrique, les femmes touchent un salaire inf¨¦rieur de 30 % ¨¤ celui des hommes. Cela vous pr¨¦occupe-t-il?
Oui. Nous travaillons en partenariat avec l¡¯OIT [Organisation internationale du travail] et la soci¨¦t¨¦ civile afin de promouvoir l¡¯¨¦galit¨¦ salariale. Nous souhaitons une avanc¨¦e significative bien avant 2030. C¡¯est l¡¯une des campagnes les plus importantes et les plus simples : tout le monde sait ce que repr¨¦sente la diff¨¦rence entre un gros et un petit salaire. Les dirigeants doivent monter au cr¨¦neau et adopter les politiques ad¨¦quates.
Quelle est votre vision de la femme africaine?
La femme africaine est le pilier de la famille et de la soci¨¦t¨¦. C¡¯est ¨¦galement un leader qui se pr¨¦occupe de sa communaut¨¦. J¡¯aimerais voir plus de femmes-chefs d¡¯?tat en Afrique.? ?