Isata Bendu Mahoi, Ministre du Genre et de l'Enfance de la Sierra Leone, a r茅cemment particip茅 脿 la 68猫me session de la Commission sur la condition de la femme (CSW) au si猫ge des Nations Unies 脿 New York. Elle a fait part 脿 Kingsley Ighobor de ses initiatives en mati猫re d'autonomisation, des d茅fis auxquels elle est confront茅e en tant que personnalit茅 politique et de son message aux jeunes femmes d'Afrique. Voici des extraits de l'entretien :
Afrique Renouveau : Quelles sont les meilleures pratiques que vous aimeriez partager avec d'autres pays en ce qui concerne le travail de votre gouvernement pour l'autonomisation des femmes ?
Dr Mahoi : Tout le monde sait ce que nous avons v茅cu en Sierra Leone - guerre, Ebola, glissements de terrain, inondations, etc. Dans tous ces cas, ce sont les femmes qui ont le plus souffert, mais nous nous sommes relev茅s. Aujourd'hui, nous veillons 脿 ce que l'autonomisation des femmes soit au c艙ur du d茅veloppement.听
Nous avons ratifi茅 de nombreux accords internationaux tels que la Convention sur l'茅limination de toutes les formes de discrimination 脿 l'茅gard des femmes (CEDAW), le Protocole 脿 la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, 茅galement connu sous le nom de Protocole de Maputo, et la D茅claration de P茅kin, etc. Nous sommes donc sur la bonne voie en ce qui concerne la transposition de ces trait茅s et la mise en 艙uvre de nos mandats et obligations en tant que pays.
Sur le plan national, nous avons adopt茅 de nombreuses lois relatives au genre, telles que la loi de 2007 sur la d茅volution des successions, la loi de 2007 sur la violence domestique et la loi de 2009 sur le mariage et le divorce coutumiers. Pour moi, ces lois sont d茅pass茅es, m锚me si elles constituaient 脿 l'茅poque des pas dans la bonne direction.
Ces derni猫res ann茅es, nous avons revu certaines de ces lois et nous essayons de combler les lacunes existantes. Par exemple, en 2019, nous avons r茅vis茅 la loi sur les infractions sexuelles de 2012, afin d'imposer des peines plus s茅v猫res aux auteurs de violences sexuelles. Le pr茅sident Julius Maada Bio a d茅montr茅 sa passion pour le bien-锚tre des femmes en d茅clarant en 2019 l'茅tat d'urgence pour les viols et les violences sexuelles.
Nous avons mis en place un tribunal type pour les infractions sexuelles afin de juger les cas de violence sexuelle 脿 l'encontre des mineurs et d'imposer des sanctions s茅v猫res. Ces affaires font d茅sormais l'objet d'une proc茅dure acc茅l茅r茅e. Nous avons promulgu茅 la loi sur l'茅galit茅 des sexes et l'autonomisation des femmes (GEWE) en 2022, afin de r茅affirmer notre engagement en faveur de l'autonomisation des femmes et des filles. Nous avons 茅galement adopt茅 la loi sur les droits fonciers coutumiers, qui garantit aux femmes le droit de poss茅der, de d茅tenir, d'utiliser et d'h茅riter des terres.
Tous ces efforts se traduisent par des r茅sultats tangibles.
Actuellement, notre parlement se targue d'une repr茅sentation accrue des femmes, avec 42 d茅put茅s sur 149. Auparavant, ce chiffre 茅tait bien inf茅rieur. Le nombre de femmes membres du cabinet minist茅riel est pass茅 de cinq 脿 dix, auxquelles s'ajoutent onze femmes vice-ministres.
La mise en 艙uvre de la loi sur l'茅galit茅 des sexes et l'茅mancipation des femmes progresse-t-elle ?
Comme je l'ai mentionn茅 pr茅c茅demment, le nombre de femmes d茅put茅es a augment茅, de m锚me que le nombre de femmes ministres et de leurs adjointes. Cette tendance s'茅tend 脿 d'autres nominations 脿 des postes de direction par le pr茅sident, les autres niveaux de gouvernement et les partis politiques suivant le mouvement.听
Mon minist猫re milite pour que les lois, les politiques et les strat茅gies qui favorisent l'茅mancipation des femmes soient pleinement mises en 艙uvre. C'est pourquoi nous avons cr茅茅 le secr茅tariat 脿 l'茅galit茅 des sexes et 脿 l'autonomisation des femmes (GEWE) au sein de notre minist猫re, avec le soutien de la Banque mondiale. Ce secr茅tariat a recrut茅 un consultant et d'autres membres du personnel pour suivre les activit茅s li茅es au genre des minist猫res, des d茅partements et des agences du gouvernement.听
Les Nations Unies ont soutenu la formation d'unit茅s focales sur le genre au sein des minist猫res. Ces unit茅s rassembleront des donn茅es pour un rapport qui sera publi茅 d'ici la fin de l'ann茅e 2024. Nous utilisons le cadre de gestion et de responsabilisation des Nations Unies pour ce rapport. Des Nations Unies a engag茅 un sp茅cialiste pour nous aider 脿 d茅velopper l'outil de responsabilisation avec des indicateurs - des indicateurs tels que, si le pr茅sident se rend dans un pays 茅tranger ou 脿 une conf茅rence, a-t-il mentionn茅 quelque chose au sujet du genre ? A-t-il parl茅 de l'茅mancipation 茅conomique des femmes ?
Existe-t-il des programmes d'inclusion financi猫re en faveur des femmes ?
Oui. Notre gouvernement, par l'interm茅diaire de la Banque de Sierra Leone, a lanc茅 ce que nous appelons le Fonds Munafa, pour favoriser l'inclusion financi猫re, en mettant l'accent sur les femmes engag茅es dans des petites et moyennes entreprises (PME). Gr芒ce 脿 ce fonds, les femmes peuvent obtenir des pr锚ts aupr猫s des banques commerciales 脿 des taux d'int茅r锚t peu 茅lev茅s.听
Comment avez-vous r茅ussi 脿 obtenir la coop茅ration des banques commerciales pour cette initiative ?
Comme vous le savez, la banque centrale r茅glemente de nombreux aspects des banques commerciales. Il y a donc eu des n茅gociations et des engagements. Nous lancerons bient么t un projet d'inclusion financi猫re de la Banque mondiale ciblant les femmes. La Commission nationale pour l'action sociale (NACSA) a 茅galement lanc茅 r茅cemment une initiative d'inclusion financi猫re qui a 茅t茅 pilot茅e dans certains districts. Gr芒ce 脿 cette initiative, les femmes peuvent obtenir des pr锚ts 脿 des taux d'int茅r锚t minimes.
D'une mani猫re g茅n茅rale, le secteur priv茅 est-il impliqu茅 dans vos programmes ?
Nous avons commenc茅 脿 collaborer avec le secteur priv茅. Nous voulons voir les r茅sultats de cette premi猫re ann茅e au sein du gouvernement, puis nous 茅tendrons nos efforts au secteur priv茅.听
Quoi qu'il en soit, mon minist猫re est d茅j脿 en contact avec le secteur priv茅 pour 茅valuer le niveau d'emploi des femmes et les r么les qu'elles occupent. Gr芒ce 脿 ces interactions, nous voulons souligner l'importance de la promotion des femmes 脿 des postes de direction et de d茅cision.
Comment la loi sur les droits fonciers coutumiers aide-t-elle les femmes ?
脌 l'origine, certaines femmes ne pouvaient pas poss茅der de terres, m锚me si elles 茅taient autoris茅es 脿 les poss茅der en copropri茅t茅 avec leur mari ou d'autres membres de leur famille, comme leurs fr猫res. Lorsqu'un p猫re d茅c猫de et qu'il faut d茅cider 脿 qui revient la propri茅t茅 de la terre, une enfant de sexe f茅minin n'avait droit 脿 aucune propri茅t茅. Aujourd'hui, tout cela est en train de changer, car sans propri茅t茅 fonci猫re pour les femmes, l'茅mancipation 茅conomique sera fragile. Nous avons maintenant des lois qui permettent aux femmes de poss茅der des terres et des biens.
Les efforts que vous d茅ployez pour lutter contre la violence 脿 l'茅gard des femmes, y compris la violence sexuelle, donnent-ils des r茅sultats tangibles ?
Oui, nous constatons des r茅sultats, m锚me si nous devons pousser un peu plus loin pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fix茅s.听
Depuis nos interventions, de nombreux changements ont eu lieu. Auparavant, les gens avaient peur de signaler les cas de viol, en particulier au sein de la famille ou de la communaut茅, par crainte de la stigmatisation. Aujourd'hui, les gens se sentent plus 脿 l'aise pour signaler de tels incidents.听
Dans le pass茅, d茅noncer un membre de la famille pour viol pouvait conduire 脿 锚tre consid茅r茅 comme un paria. Cependant, gr芒ce aux interventions du gouvernement, des organisations de la soci茅t茅 civile et des partenaires de d茅veloppement, les gens commencent 脿 comprendre que le viol est une question d'int茅r锚t public.
L'acc猫s limit茅 aux services pour les personnes r茅sidant dans des communaut茅s 茅loign茅es ou difficiles 脿 atteindre constitue un d茅fi. Pour y rem茅dier, nous avons cr茅茅 des guichets uniques dans les h么pitaux de diff茅rents districts et mis en place une ligne d'assistance t茅l茅phonique gratuite o霉 les gens peuvent s'adresser aux prestataires de services.听
En tant que femme 茅voluant dans un domaine politique domin茅 par les hommes, quels sont les d茅fis que vous rencontrez ?
C'est un peu difficile quand certains hommes commencent 脿 peine 脿 accepter le fait que les femmes sont leurs 茅gales. Parfois, les hommes pensent qu'ils sont les seuls 脿 pouvoir le faire. Mais ce n'est pas le cas. Nous avons des femmes fortes qui ont besoin d'opportunit茅s et d'espace pour travailler. Nous avons 茅t茅 marginalis茅es pendant bien trop longtemps.听
Aujourd'hui, nous parlons de masculinit茅 positive. En nous consid茅rant comme des partenaires du d茅veloppement plut么t que comme des rivaux, nous favorisons l'inclusion et la collaboration. Une fois que l'on change les st茅r茅otypes, tout le monde s'y retrouve.听
Des initiatives telles que la strat茅gie d'engagement masculin lanc茅e en 2020 et la prochaine campagne Real Man nous aideront 脿 cultiver des champions masculins qui soutiennent notre travail.
Quelle est votre id茅e de la r茅ussite 脿 la fin de votre mandat dans votre fonction actuelle ?
Je veux introduire des strat茅gies innovantes qui permettent aux femmes de saisir les opportunit茅s qui s'offrent 脿 elles.听
Je veux 茅galement m'assurer que nous 茅liminons les obstacles qui entravent les progr猫s des femmes et que nous garantissons l'茅galit茅 d'acc猫s aux ressources et aux opportunit茅s.听
J'aspire 脿 accompagner nos jeunes pendant leurs ann茅es d'universit茅, en leur offrant un mentorat et des conseils pour qu'ils deviennent des individus confiants et autonomes. Je veux voir une Sierra Leone o霉 les femmes n'ont plus besoin de mendier ou de n茅gocier leurs droits.听
Quel est votre dernier message aux jeunes, en particulier aux jeunes femmes, en Afrique ?
Restez r茅silientes et s没res de vous. Prenez place 脿 la table avec d茅termination. Rejetez l'influence des drogues. Nourrissons une g茅n茅ration de jeunes qui ma卯trisent la technologie et qui sont pr锚ts 脿 conduire des changements transformateurs en Afrique.
