Education et in¨¦galit¨¦s
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Education et in¨¦galit¨¦s
Apr¨¨s l'ind¨¦pendance, les nouveaux dirigeants africains ont rapidement inscrit l'¨¦ducation en haut de la liste des priorit¨¦s? pour le d¨¦veloppement. L'¨¦ducation primaire universelle aiderait l'Afrique ¨¤ sortir de son extr¨ºme pauvret¨¦.
Avec l'aide de partenaires tels que les organisations religieuses, les gouvernements ont construit des ¨¦coles et post¨¦ des enseignants partout sur le continent. ?
Le taux de scolarisation dans le primaire d¨¦passe 80% en moyenne. Le continent a enregistr¨¦ sa plus forte augmentation du nombre d'inscriptions dans les ¨¦coles primaires au cours des derni¨¨res d¨¦cennies selon l'Organisation des Nations Unies pour l'¨¦ducation, la science et la culture (UNESCO
Malgr¨¦ ces succ¨¨s, le secteur reste marqu¨¦ par les in¨¦galit¨¦s et l'inefficacit¨¦.
Selon l'Union africaine (UA), l'augmentation r¨¦cente des inscriptions "masque d'¨¦normes disparit¨¦s, des dysfonctionnements et l'inefficacit¨¦ du syst¨¨me" dans les sous-secteurs ¨¦ducatifs que sont l'enseignement pr¨¦-primaire et les enseignements technique, professionnel et informel.
Avec environ 364 millions d'Africains ?g¨¦s de 15 ¨¤ 35 ans, le continent a la population la plus jeune du monde?
Il est g¨¦n¨¦ralement admis que l'enseignement et l'apprentissage sont de qualit¨¦ m¨¦diocre et que les in¨¦galit¨¦s et l'exclusion existent ¨¤ tous les niveaux. M¨ºme avec l'augmentation substantielle du nombre d'enfants qui acc¨¨dent ¨¤ l'¨¦ducation de base, un grand nombre n'est toujours pas scolaris¨¦.
Un rapport r¨¦cemment publi¨¦ par le Programme des Nations Unies pour le d¨¦veloppement (PNUD) intitul¨¦ Tendances des in¨¦galit¨¦s de revenus en Afrique subsaharienne : Divergence, d¨¦terminants et cons¨¦quences, souligne qu'une dans la r¨¦partition des infrastructures essentielles comme les ¨¦coles est un facteur d'in¨¦galit¨¦s de revenus.
Pour Ayodele Odusola, principal r¨¦dacteur du rapport et ¨¦conomiste en chef du PNUD, ? une ¨¦ducation de qualit¨¦ est essentielle ¨¤ la mobilit¨¦ sociale et peut donc contribuer ¨¤ r¨¦duire la pauvret¨¦, m¨ºme si elle ne r¨¦duit pas n¨¦cessairement les in¨¦galit¨¦s [de revenus]"
Pour y rem¨¦dier, les gouvernements doivent selon lui investir massivement dans le d¨¦veloppement des enfants et des jeunes par le biais de politiques et de programmes adapt¨¦s en mati¨¨re d'¨¦ducation et de sant¨¦.
Une ¨¦ducation de qualit¨¦ am¨¦liore la r¨¦partition des travailleurs qualifi¨¦s, et permet ¨¤ l'Etat de s¡¯appuyer sur un vivier pour construire une soci¨¦t¨¦ plus ¨¦quitable dans laquelle tous les citoyens, b¨¦n¨¦ficient de l'¨¦galit¨¦ des chances ind¨¦pendamment de leur niveau social. Actuellement, seules les ¨¦lites b¨¦n¨¦ficient d'une ¨¦ducation de qualit¨¦.
"Les dirigeants fortun¨¦s envoient leurs enfants ¨¦tudier dans les meilleures universit¨¦s ¨¤ l'¨¦tranger, comme Harvard. Ils reviennent apr¨¨s leurs ¨¦tudes pour diriger le pays, tandis que les ¨¦tudiants pauvres et qui sont all¨¦s dans les ¨¦coles publiques peinent ¨¤ trouver un emploi, m¨ºme dans le secteur public ?, note M. Odusola.
L'autre d¨¦fi auquel sont confront¨¦s les d¨¦cideurs politiques et les p¨¦dagogues est la faible scolarisation secondaire et tertiaire. Angela Lusigi, l'une des auteures du rapport du PNUD, affirme que si l'Afrique a fait des progr¨¨s significatifs pour combler l'¨¦cart dans le primaire, le secondaire et le tertiaire sont ¨¤ la tra?ne. Seuls quatre enfants sur 100 sont susceptibles d'int¨¦grer un ¨¦tablissement d'¨¦tudes sup¨¦rieures et de troisi¨¨me cycle, contre 36 sur 100 en Am¨¦rique latine et 14 sur 100 en Asie du Sud et de l'Ouest.
Seulement30 ¨¤ 50% des enfants en ?ge d'¨ºtre scolaris¨¦s vont ¨¤ l'¨¦cole, et 7 ¨¤ 23% des jeunes en ?ge d'¨ºtre admis dans le sup¨¦rieur sont inscrits. Les chiffres varient selon les r¨¦gions, les niveaux d'inscription les moins ¨¦lev¨¦s ¨¦tant en Afrique centrale et orientale et les plus ¨¦lev¨¦s en Afrique Australe et du Nord ".
Toujours selon Mme Lusigi, plusieurs facteurs expliquent la faiblesse de la transition de l'enseignement primaire vers l'enseignement secondaire, notamment le faible revenu des m¨¦nages, qui limite l'acc¨¨s des enfants ¨¤ l'¨¦ducation, et le manque d'investissements du gouvernement pour donner un acc¨¨s ¨¦gal ¨¤ l'¨¦ducation.
"Ce qui a vraiment fait la diff¨¦rence et permis une scolarisation primaire beaucoup plus importante a ¨¦t¨¦ la scolarisation subventionn¨¦e, financ¨¦e ¨¤ la fois par les ressources publiques et l'aide au d¨¦veloppement", explique-t-elle. "La transition vers l'acc¨¨s gratuit ¨¤ l'enseignement secondaire et sup¨¦rieur ne s'est en revanche pas encore faite".
Autre obstacle ¨¤ la transition : ?l'incapacit¨¦ des institutions nationales ¨¤ garantir l'¨¦galit¨¦ g¨¦ographique et de genre. Les enfants handicap¨¦s sont particuli¨¨rement d¨¦savantag¨¦s.
? Les d¨¦cisions en mati¨¨re d'¨¦ducation sont prises dans le cadre d'institutions et de normes culturelles discriminatoires susceptibles d'emp¨ºcher les jeunes filles et les jeunes gar?ons de fr¨¦quenter l'¨¦cole ?.
S'agissant de l'¨¦galit¨¦ des sexes, les lacunes sont grandes en termes d¡¯acc¨¨s, de r¨¦ussite scolaire, et de poursuite des ¨¦tudes sup¨¦rieures - souvent au d¨¦triment des filles, m¨ºme si dans certaines r¨¦gions les gar?ons peuvent aussi ¨ºtre d¨¦favoris¨¦s.
Selon l'Institut de Statistique de l'UNESCO, les filles sont plus nombreuses que les gar?ons ¨¤ ne pas ¨ºtre scolaris¨¦es en Afrique subsaharienne. On recense neuf ans de scolarit¨¦ environ pour les filles, contre 10 pour les gar?ons (redoublements compris).
?Le d¨¦crochage dans le secondaire ou le sup¨¦rieur est plus fr¨¦quent pour les filles que pour les gar?ons. Au niveau mondial, les femmes repr¨¦sentent deux tiers des 750 millions d'adultes sans comp¨¦tences de base en lecture et en ¨¦criture.
Autre d¨¦fi : les carences d'¨¦quipement des syst¨¨mes ¨¦ducatifs, qu'il s'agisse du manque d'infrastructures scolaires ou de la mauvaise qualit¨¦ de l'enseignement. Selon le barom¨¨tre de l'apprentissage de la Brookings Institution, un groupe de r¨¦flexion bas¨¦ aux ?tats-Unis, le nombre d'¨¦l¨¨ves qui subit un enseignement d¨¦grad¨¦ atteint 50% dans certains pays.
Les r¨¦sultats des ¨¦valuations r¨¦gionales de l'ONU indiquent ? des r¨¦sultats d'apprentissage m¨¦diocres en Afrique subsaharienne, malgr¨¦ une r¨¦ussite scolaire en augmentation en moyenne. ? Beaucoup d'enfants actuellement scolaris¨¦s n'apprendront pas assez pour acqu¨¦rir les comp¨¦tences de base n¨¦cessaires ¨¤ une vie active r¨¦ussie et productive. Certains quitteront l'¨¦cole sans connaissance de base en lecture et en math¨¦matiques.
Surmonter les obstacles
Les causes des in¨¦galit¨¦s dans l'¨¦ducation sont multiples et complexes, mais la r¨¦ponse ¨¤ ces d¨¦fis repose sur des politiques simples et rationnelles de croissance inclusive, d'¨¦radication de la pauvret¨¦ et de l'exclusion, d'investissements accrus dans l'¨¦ducation et le d¨¦veloppement humain, et de bonne gouvernance pour garantir une meilleure r¨¦partition des actifs.
Avec environ 364 millions d'Africains ?g¨¦s de 15 ¨¤ 35 ans, le continent a la population la plus jeune du monde, et autant d'opportunit¨¦s de former, les futures g¨¦n¨¦rations de dirigeants et d¡¯entrepreneurs. Les pays peuvent commencer ¨¤ construire et ¨¤ moderniser leurs installations ¨¦ducatives, et ¨¤ s'assurer de l'existence d'environnements d'apprentissage ¨¤ la fois s?rs, non violents, inclusifs et performant pour tous.
L'UA, gardant ¨¤ l'esprit que la population du continent va doubler dans les 25 prochaines ann¨¦es, cherche ¨¤ travers sa Strat¨¦gie continentale de l¡¯¨¦ducation pour l¡¯Afrique 2016-2025 ¨¤ ¨¦largir l'acc¨¨s non seulement ¨¤ une ¨¦ducation de qualit¨¦ et adapt¨¦e aux besoins du continent.
Le vice-pr¨¦sident de la Commission de l'UA, Thomas Kwesi Quartey, a affirm¨¦ que les gouvernements devaient r¨¦pondre ¨¤ la n¨¦cessit¨¦ d'une ¨¦ducation forte et de politiques de formation appropri¨¦es pour endiguer la mont¨¦e du ch?mage.
Les institutions d'enseignement sup¨¦rieur, dit-il, doivent revoir et diversifier leurs syst¨¨mes p¨¦dagogiques et ¨¦largir le niveau des comp¨¦tences pour ¨ºtre ¨¤ la hauteur des exigences du march¨¦ du travail.
? Nos institutions forment des milliers de dipl?m¨¦s chaque ann¨¦e, mais ils ne trouvent pas d'emploi parce que les syst¨¨mes ¨¦ducatifs sont traditionnellement orient¨¦s vers la pr¨¦paration aux emplois de cols blancs, sans tenir compte des exigences du secteur priv¨¦, de l'innovation ou de l'entrepreneuriat, " a ainsi expliqu¨¦ M. Quartey lors de l'ouverture, en juin 2017, du Forum des affaires Union europ¨¦enne-Afrique ¨¤ Bruxelles en Belgique.
M. Quartey a aussi soulign¨¦ que si les jeunes Africains n'¨¦taient suffisamment pr¨¦par¨¦s pour le march¨¦ du travail, "la croissance dans les domaines techniques qui soutiennent l'industrialisation, la fabrication et le d¨¦veloppement dans les cha?nes de valeur en sera retard¨¦e."
Les Objectifs de d¨¦veloppement durable (ODD 10 : In¨¦galit¨¦s r¨¦duites) rappellent aux dirigeants que la lutte contre les in¨¦galit¨¦s est un sujet de haute importance.
L'acc¨¨saux programmes de d¨¦veloppement de la petite enfance, en particulier pour les enfants issus de milieux d¨¦favoris¨¦s, peut aider ¨¤ r¨¦duire les in¨¦galit¨¦s en garantissant ¨¤ tous des bases solides d'¨¦ducation.
Avec son nouveau plan strat¨¦gique (2018-2021), le PNUD s'efforcera de fournir des solutions de d¨¦veloppement adapt¨¦es aux contextes et aux priorit¨¦s de d¨¦veloppement : ¨¦radication de la pauvret¨¦, emploi et moyens de subsistance, gouvernance et capacit¨¦s institutionnelles, pr¨¦paration et gestion des catastrophes.??