Un emploi décent est un marqueur crucial de la réussite d’un jeune : il assure la sécurité financière de sa future famille et contribue à la croissance économique de son pays. Plus de la moitié de la population africaine a moins de 25 ans et le besoin d’emplois décents est donc énorme.
« En Afrique, où les jeunes représentent 37% de la population en âge de travailler, 60% d’entre eux sont au chômage. La démographie des jeunes est très importante par rapport aux opportunités disponibles sur le marché », écrit Obiageli Ezekwesili, ancienne vice-présidente de la Banque mondiale pour la division Afrique, dans son article « Chômage des jeunes : défis et opportunités en matière de développement économique ».
Au Kenya, par exemple, une récente étude du Programme des Nations Unies pour le développement a établi le taux de chômage à 39%, le plus élevé de la région, contre 24% en Tanzanie et 18% en Ouganda.
Et la demande d’emplois décents ne devrait cesser de croître : selon l’Institut africain pour les politiques de développement, le continent comptera 29% de toutes les personnes âgées de 15 à 24 ans en 2050.
Certaines organisations relèvent le défi de l’emploi des jeunes grâce à des partenariats innovants et élargis entre le public, le privé et la société civile, qui peuvent avoirÌý plus d’impact qu’ils n’en auraient si ces partenaires travaillaient seuls.
La Young African Leaders Initiative (YALI), par exemple, est un partenariat entre l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et des représentants du secteur privé. Ensemble, ils offrent aux jeunes Africains la possibilité d’améliorer leurs compétences en leadership, en renforçant l’entrepreneuriat et créant des liens entre jeunes dirigeants africains, et avec des dirigeants innovants des secteurs privé, associatif et public. Le programme a ouvert quatre centres régionaux : à AccraÌý (Ghana) et à DakarÌý (Sénégal) pour desservirl’Afrique de l’Ouest, un centre à NairobiÌý (Kenya) pour l’Afrique de l’Est, et un quatrième centre à côté de Pretoria (Afrique du Sud) pour la sous-région.
Betty Kariuki est directrice des partenariats à YALI. Elle pense qu’il est possible de créer des opportunités pour les jeunes si l’Afrique s’engage simultanément sur les trois secteurs du public, du privé et de la société civile en les faisant travailler ensemble.
Elle donne l’exemple du centre d’Afrique de l’Est qui travaille actuellement en partenariat avec la Fondation MasterCard et l’agent d’exécution Deloitte East Africa Ltd, pour donner aux jeunes Africains des opportunités de formation. Le centre d’Afrique australe, de son côté, a mis en place un partenariat avec l’Université d’Afrique australe (UNISA) et la Dow Chemical Company.
Plus de 13 000 jeunes Africains ont déjà obtenu leur diplôme du programme YALI depuis sa création en 2010. Une enquête réalisée en 2017 par YALI dans 14 pays d’Afrique de l’Est et centrale a montré que 47% des anciens élèves avaient créé 2,75 emplois en moyenne chacun. En outre, comme l’origine des diplômés du programme varie beaucoup, les opportunités d’emploi de ces jeunes d’horizons géographiques, culturels et socio-économiques très divers sont réparties sur tout le continent.
En Ouganda
Originaire de Masaka, dans la région du Buganda, Stephen Katende, 28 ans, a fondé Kisoboka Africa, une organisation qui participe à l’inclusion financière des communautés défavorisées d’Ouganda. La formation qu’il a reçue de YALI a permis à son organisation de mettre en place une formation commerciale dans la communauté et de créer des opportunités d’emploi pour 10 autres jeunes devenus formateurs.
« YALI m’a préparé à affronter le monde des affaires. On m’a initié à l’entrepreneuriat axé sur le design, où l’idée est surtout de résoudre des problèmes, ce qui est l’un des objectifs de l’organisation que j’ai fondée », explique-t-il.
Au Kenya
L’African Management Services Company (AMSCO), une organisation du secteur privé, a créé en collaboration avec la Kenya Commercial Bank Foundation (KCB) un Service de Développement des Affaires pour le « programme 2jiajiri », qui offre aux jeunes déscolarisés et sans emploi des possibilités de formation et d’acquisition de compétences techniques qui les aideront à développer des microentreprises.
En swahili, 2jiajiri (Tujiajiri) signifie « Soyons-nos propres employeurs ». Le programme se décompose en deux étapes : 1)
la phase de démarrage et de formation professionnelle et 2) la phase d’incubation, au cours de laquelle les participants reçoivent pendant un an un soutien financier et des services de développement commercial pour leurs entreprises, existantes ou nouvellement créées.
A terme, l’objectif est de soutenir la création d’emplois et de richesses pour au moins 50 000 jeunes du secteur informel en Afrique de l’Est, entre 2016 et 2020. 2jiajiri a déjà formé 23 000 jeunes dans toute la région, en leur donnant accès à des compétences techniques et à une éducation financière. « Nous nous engageons à soutenir les investissements dans les petites entreprises, car ce sont celles qui présententÌý le plus fort potentiel en ce qui concerne leÌý travail indépendant. Elles peuvent désormais accéder aux financements qui les aideront à croître et à absorber de la main-d’œuvre qualifiée », explique Joshua Oigara, directeur général du groupe KCB.
« J’encourage les organisations à s’associer pour créer des opportunités pour les jeunes », explique Oliver Jemuge, 30 ans, qui a lui-même bénéficié des services de 2jiajiri et travaille pour la Fondation.
« Quand je vois ces jeunes entrepreneurs avec qui j’ai fait un bout de chemin de la phase de création d’entreprise à l’obtention de financements – tous ces jeunes partis de rien pour arriver là où ils sont maintenant – cela change mon point de vue sur la jeunesse africaine. Les capacités sont là : il suffit qu’on les guide, qu’on leur dise tout bas : c’est possible, et qu’on les aide à surmonter les défis qui sont sur leur chemin, notamment ceux du financement et de l’accès au marché ». poursuit M. Jemuge
Au Rwanda
En 2013, le Rwanda a lancé Youth Connekt, un partenariat d’émancipation des jeunes entre le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Ministère de la jeunesse qui forme les jeunes à l’entrepreneuriat et au développement, grâce à des camps de formation qui ont généré en trois ans un millier d’emplois permanents et 2 700 emplois temporaires.
Le PNUD prévoit aussi de mettre en place des partenariats avec le secteur privé, la société civile et les gouvernements nationaux et d’étendre le programme à d’autres pays africains, avec le soutien du Gouvernement danois.
« Avec Youth Connekt, j’ai développé une approche commerciale en écoutant divers présentateurs partager leur expérience sur la manière de démarrer et de développer une entreprise, » explique Pearl Umuhoza, 28 ans, fondatrice de Yummy and Fresh, une start-up de Kigali axée sur l’alimentation saine, qui emploie six collaborateurs permanents.
« J’ai développé cette entreprise grâce aux connaissances que j’ai acquises via divers programmes d’entrepreneuriat qui m’ont vraiment aidée à penser et agir en entrepreneur », ajoute-t-elle.
En Afrique de l’Ouest
La Fondation Tony Elumelu (TEF) est la plus grosse initiative d’entrepreneuriat africain avec 100 millions de dollars engagés pour identifier et aider 10 000 entrepreneurs africains sur une période de 10 ans. Créée en 2015 par Tony Elumelu, un entrepreneur et philanthrope nigérian, la fondation a déjà donné à 7 531 jeunes entrepreneurs un capital d’amorçage non remboursable de 5 000 dollars chacun. Le programme donne aussi accès à des mentors et à une formation commerciale.
Les programmes de cette initiative attirent de nombreux investisseurs et partenaires qui partagent la même vision, comme le PNUD, l’Agence française de développement (AFD) et l’Agence allemande de développement (GIZ).
« TEF m’a ouvert des portes, bien au-delà du capital d’amorçage qui m’a servi à démarrer mon entreprise. J’ai compris que ma responsabilité était de devenir facilitateur (fournisseur de solutions) ,» écrit Jiraji Kelvin Tersoo, fondateur d’Agritech Hub au Nigéria, un espace innovant qui permet aux développeurs, aux entrepreneurs et aux startups d’instituer un écosystème technologique dans lequel ils peuvent évoluer.
Selon M. Tersoo, l’enseignement le plus important qu’il a tirés de son expérience est que pour un entrepreneur la cohérence et le travail d’équipe sont essentiels.Ìý « C’est le travail d’équipe, qui fait que le rêve fonctionne »,
conclut-t-il.Ìý Ìý