On le sait, l'Afrique est un continent d'entrepreneurs. Non seulement l'Afrique a le pourcentage le plus 茅lev茅 d'entrepreneurs de tous les continents, mais le taux d'entreprenariat f茅minin est 茅galement le plus 茅lev茅 au monde, selon une 茅tude de Roland Berger. Malgr茅 l'existence d'un vaste r茅servoir de gens d'affaires talentueux, un grave d茅ficit de financement emp锚che les petites et moyennes entreprises (PME) de se d茅velopper et de passer 脿 la vitesse sup茅rieure.
"Le d茅ficit de financement des PME ne cesse de cro卯tre", explique Shakila Kerre, directrice de programme, Innovation, chez Financial Sector Deepening Africa (FSD Africa), une organisation dont le mandat est de transformer les march茅s financiers 脿 travers l'Afrique subsaharienne. " Ce [d茅ficit] est estim茅 脿 330 millions de dollars selon les derni猫res statistiques de la Banque mondiale. En fait, alors que les besoins de financement augmentent pour les petites entreprises, celles-ci ne peuvent pas acc茅der aux capitaux pour financer leurs activit茅s et leur croissance."
Pour tenter de combler ce d茅ficit de financement, les petites entreprises, les entrepreneurs et les particuliers se tournent vers les plateformes de financement participatif (crowdfunding) pour lever des fonds. Les banques et autres institutions financi猫res consid茅rant le financement des petites entreprises comme une entreprise 脿 haut risque, le financement par crowdfunding sur une base de pair 脿 pair peut faciliter l'obtention de fonds, et pr茅sente l'avantage suppl茅mentaire d'offrir au crowdfunder l'acc猫s 脿 un march茅 mondial.
"Les plates-formes de financement participatif sont attrayantes pour les investisseurs, y compris les banques, parce qu'elles att茅nuent le risque de cr茅dit d'un segment de march茅 qui 茅tait auparavant per莽u comme 茅tant peu ou pas du tout document茅 (c'est-脿-dire que des donn茅es conventionnelles minimales 茅taient disponibles sur ces entreprises et ces personnes). Ils contournent le probl猫me en num茅risant leurs activit茅s 茅conomiques et en collectant des donn茅es sur ces entreprises", ajoute Mme Kerre.
Selon le Cambridge Centre for Alternative Finance (CCAF), en 2016, le march茅 africain du crowdfunding repr茅sentait 182 millions de dollars. Le Nigeria, l'Afrique du Sud et le Kenya 茅taient les trois principaux march茅s identifi茅s dans le rapport du CCAF. Les pr茅visions montrent d茅sormais que le crowdfunding en Afrique subsaharienne pourrait potentiellement atteindre 2,5 milliards de dollars d'ici 2025. Pourtant, le march茅 sous-d茅velopp茅 mais en croissance rapide du continent ne repr茅sente que 0,1 % du march茅 mondial.
Le financement participatif pour des startups
La pratique de la collecte de fonds aupr猫s de la famille et des amis 脿 des fins diverses a une longue histoire en Afrique, en particulier lorsque les produits bancaires ou d'assurance formels 茅taient difficiles d'acc猫s ou d'un co没t prohibitif. Par exemple, la soci茅t茅 kenyane M-Changa se pr茅sente comme "la plus grande plateforme de collecte de fonds en ligne d'Afrique" et propose des services pour tout, de la construction aux 茅glises en passant par les entreprises et les mariages. La plateforme mobile permet aux utilisateurs de cr茅er des collectes de fonds en deux minutes 脿 peine.
Si le financement participatif en ligne sur le continent est, 脿 certains 茅gards, similaire 脿 ces traditions de collecte de fonds, il n茅cessite la r茅daction d'un plan formel pour les bailleurs de fonds potentiels.
Chacun des sites de financement participatif s'adresse 脿 un type d'investisseur diff茅rent. Thundafund, bas茅 au Cap, offre aux investisseurs des r茅mun茅rations en fonction de leur contribution, tandis que Uprise.Africa propose un retour sur investissement. Cependant, aucun projet qui r茅ussit sur les plateformes de financement participatif en Afrique ne peut 锚tre consid茅r茅 comme "typique".
Pour obtenir des fonds propres, diff茅rents types d'entreprises ont utilis茅 Uprise.Africa, notamment Drifter Brewing Company, un fabricant sud-africain de bi猫re artisanale, qui a r茅uni pr猫s de 3,9 millions de dollars (175 521 $) aupr猫s de 235 investisseurs en 茅change d'une participation de 12 %.
Parmi les exemples de projets r茅cents sur Thundafund, citons une ing茅nieure automobile qui a lev茅 300 R (17,55 $) pour une bo卯te 脿 outils, et une soci茅t茅 de distribution de viande qui cherchait 150 000 R (8 776 $) pour acheter des v茅hicules frigorifiques et du stock. En 茅change de leur financement, les gens peuvent recevoir tout, de la vidange d'huile aux paniers de viande.
En outre, de nombreuses autres entreprises sont 茅galement en mesure de susciter un nouvel int茅r锚t pour leur produit ou service gr芒ce 脿 l'attention que suscite leur page de collecte de fonds, ce qui prouve que leur concept fonctionne. Mueni Rose Mutiso, responsable des partenariats et de la r茅ussite des clients chez Thundafund, cite l'exemple de la s茅rie de documentaires Thrivors qui a non seulement r茅colt茅 des milliers de dollars sur Thundafund, mais dont le succ猫s a conduit 脿 d'autres financements de la part d'autres donateurs.
"Si l'on consid猫re les 茅l茅ments essentiels 脿 la cr茅ation d'une entreprise, toute start-up a besoin d'une preuve de concept, d'un financement et d'un march茅. Le financement participatif permet d'att茅nuer certains de ces probl猫mes", explique M. Mutiso.
"Nous 茅valuons les projets en leur demandant pour quoi ils collectent des fonds, car cela doit 锚tre clair, mais les jeunes entreprises peuvent utiliser le financement participatif comme un moyen de tester la viabilit茅 de leur projet", ajoute-t-elle.
Pour une start-up, le financement participatif offre une opportunit茅 unique de lever des fonds sans les difficult茅s des produits de pr锚t conventionnels ou d'autres formes de cr茅dit qui peuvent 锚tre co没teux et contenir des conditions inflexibles. Pour l'investisseur, le crowdfunding ne n茅cessite que de petites sommes d'argent, ce qui rend l'investissement accessible 脿 des personnes qui, normalement, ne pourraient pas se permettre de collecter les fonds minimums 茅lev茅s de nombreux produits d'investissement.
Un 茅cosyst猫me difficile
Les plateformes de financement participatif op茅rant en Afrique sont confront茅es aux m锚mes obstacles que les autres entreprises de financement participatif 脿 travers le monde, en plus des d茅fis li茅s 脿 la navigation dans les environnements uniques de chaque nation africaine. Bien que des plateformes telles que Kickstarter, Indiegogo et GoFundMe aient atteint un niveau 茅lev茅 de notori茅t茅 aux 脡tats-Unis et dans toute l'Europe, il n'existe pas d'茅quivalent en Afrique.
"Le financement participatif est encore nouveau en Afrique, et il y a encore un certain niveau de m茅fiance 脿 l'茅gard des choses en ligne, notamment en ce qui concerne les transactions financi猫res. Les projets de financement participatif doivent 锚tre bien compris pour surmonter le scepticisme", explique Mme Mutiso.
Afin d'茅liminer autant que possible les frictions entre les clients et l'exp茅rience d'investissement, les plateformes de financement participatif ont introduit une s茅rie d'options de paiement adapt茅es aux pays dans lesquels elles op猫rent, notamment les virements bancaires, PayPal, les cartes de cr茅dit et M-PESA.
Certaines des plateformes de financement participatif offrent elles-m锚mes des conseils aux cr茅ateurs sur la meilleure fa莽on de promouvoir les campagnes et d'attirer les investissements par le biais d'appels t茅l茅phoniques individuels, de guides et d'articles de blog.
Pourtant, en raison notamment de la faible notori茅t茅 du financement participatif, certains cr茅ateurs peuvent ne pas avoir une id茅e claire de la mani猫re de promouvoir leurs projets ou des 茅tapes 脿 suivre pour obtenir un financement. "La plupart d'entre eux s'attendent 脿 ce que les plateformes de financement participatif fournissent les fonds pour eux et, si ce n'est pas le cas, qu'elles fournissent des financeurs pour financer leurs projets. Ils finissent par cr茅er de bons projets mais n'ont pas les moyens de promouvoir leurs campagnes", explique Mme Mutiso.
Le manque de clart茅 r茅glementaire limite 茅galement la croissance des plateformes de financement participatif, bien que des travaux soient en cours pour 茅tablir des cadres r茅glementaires qui prot猫gent les clients et favorisent le professionnalisme. La FSD Afrique a collabor茅 avec l'African Crowdfunding Association pour 茅laborer un cadre juridique 脿 l'appui de la r茅glementation du crowdfunding.
"Globalement, le march茅 du financement participatif est encore tr猫s jeune en Afrique, avec un 茅norme potentiel inexploit茅", conclut Mme Mutiso. "Nous, chez Thundafund, sommes toujours 脿 la recherche d'opportunit茅s pour nous 茅tendre 脿 d'autres march茅s et nous esp茅rons qu'avec sa croissance, de nombreuses startups trouveront dans le crowdfunding une solution de financement."
脌 mesure que le secteur se d茅veloppe, l'acc猫s 脿 des investissements suppl茅mentaires augmentera probablement pour les entreprises africaines, ce qui leur permettra d'茅largir leurs offres de produits, et d'inclure davantage d'entrepreneurs dans l'茅conomie.
