51吃瓜

Alors que les dirigeants africains de l鈥檃pr猫s-ind茅pendance r锚vaient de relier leurs pays par des r茅seaux routiers et ferroviaires, ceux d鈥檃ujourd鈥檋ui sont sur le point de r茅aliser leur propre r锚ve 鈥� connecter les pays africains les uns aux autres et au reste du monde par un c芒ble de t茅l茅communications 脿 haut d茅bit. Partant de Durban (Afrique du Sud), un c芒ble sous-marin de t茅l茅communications 脿 bande large traversera l鈥檕c茅an Indien sur 9 900 kilom猫tres jusqu鈥櫭� sa destination finale, Port Soudan. Le syst猫me de c芒ble sous-marin d鈥橝frique de l鈥橢st, EASSy en anglais, fournira, entre autres, des connections Internet sur bande large permettant de transmettre des informations 脿 une vitesse jusqu鈥櫭� 40 fois sup茅rieure 脿 celle des connections par ligne t茅l茅phonique commut茅e.

EASSy est l 鈥檜n des projets de technologies de l鈥檌nformation et de communication (TIC) con莽u dans le cadre du Nouveau partenariat pour le d茅veloppement de l鈥橝frique (NEPAD), plan de d茅veloppement 脿 l鈥櫭ヽhelle du continent. En juin, les ministres africains des t茅l茅communications et de la technologie ont approuv茅 le lancement imm茅diat de ce projet dont on estime qu鈥檌l co没tera 300 millions de dollars et sera r茅alis茅 en 2007. Ce projet fera consid茅rablement baisser le co没t des t茅l茅communications, 脿 l鈥檌nt茅rieur de l鈥橝frique et avec le reste du monde, ce qui contribuera 脿 r茅duire la 鈥渇racture num茅rique鈥�, le foss茅 qui se creuse entre les populations et pays qui ont acc猫s 脿 Internet et les autres.

De nombreux Africains aimeraient pouvoir utiliser Internet dans leur propre langue.

Photo: Still Pictures / Ron Giling

鈥楽olidarit茅 africaine鈥�

鈥淣ous devons nous engager 脿 assurer le succ猫s du projet d鈥檌nfrastructure technologique 脿 bande large du NEPAD鈥�, d茅clare Ivy Matsepe-Casaburri, la Ministre des communications d鈥橝frique du Sud. A son avis, le projet permettra de relever les d茅fis auxquels fait face le continent gr芒ce 鈥溍� la solidarit茅 africaine et 脿 des partenariats africains鈥� et permettra de 鈥減romouvoir l鈥檃utonomie africaine鈥�.

Le projet EASSy s鈥檌nscrit dans le cadre d鈥檜n programme africain visant 脿 relier tous les pays du continent les uns aux autres par un syst猫me 脿 bande large. Ces pays seront 脿 leur tour reli茅s au reste du monde par d鈥檃utres c芒bles sous-marins. Le manque actuel de connexion ad茅quate 脿 bande large est un obstacle important 脿 la g茅n茅ralisation des technologies de l鈥檌nformation et de la communication en Afrique. Les liaisons Internet directes 脿 grande capacit茅 entre pays africains sont peu nombreuses. Les lignes de transmission 脿 grande capacit茅 sont surtout concentr茅es aux Etats-Unis, en Europe et en Asie.

En cons茅quence, environ 75听% du trafic Internet en Afrique doit d鈥檃bord passer par l鈥橢urope ou les Etats-Unis avant d鈥櫭猼re ensuite r茅achemin茅 vers le continent, processus tr猫s co没teux. Par exemple, bien que le B茅nin et le Burkina Faso soient voisins, le trafic Internet entre ces deux pays transite par la France ou le Canada. Le Centre de recherches pour le d茅veloppement international (CRDI) du Canada estime que l鈥橝frique d茅pense chaque ann茅e 400 millions de dollars pour transmettre des donn茅es nationales ou r茅gionales par le syst猫me international 脿 bande large. Souvent, les courriers 茅lectroniques 茅chang茅s entre deux fournisseurs d鈥檃cc猫s 脿 Internet du m锚me pays sont envoy茅s 脿 l鈥櫭﹖ranger, puis r茅achemin茅s vers l鈥橝frique 脿 cause du manque de 鈥減oints d鈥櫭ヽhange Internet鈥� sur place.

La lenteur du d茅veloppement d鈥橧nternet sur le continent se traduit par de faibles niveaux d鈥檜tilisation. Seuls 2,6听% des Africains ont acc猫s 脿 Internet, contre 10听% des Asiatiques, 36听% des Europ茅ens et 69听% des Nord-Am茅ricains. A l鈥櫭ヽhelle des pays, le niveau d鈥檜sage d鈥橧nternet se r茅v猫le encore plus faible dans la plus grande partie de l鈥橝frique, 茅tant donn茅 que deux pays, l鈥橢gypte et l鈥橝frique du Sud, comptent pr猫s de la moiti茅 de tous les usagers.

Du fait des lignes de transmission 脿 faible d茅bit, il est plus facile et moins co没teux pour les internautes africains de t茅l茅charger des documents que d鈥檃fficher leurs propres productions sur Internet. Par cons茅quent, les Africains se cantonnent essentiellement sur le Web au r么le de consommateurs par opposition 脿 celui de producteurs de contenus. Pour corriger ce d茅s茅quilibre, et en accord avec les engagements qu鈥檌ls ont pris au Sommet mondial sur la soci茅t茅 de l鈥檌nformation tenu l鈥檃n dernier en Tunisie 鈥� visant 脿 d茅velopper un Internet plus inclusif 鈥� les pays africains ont lanc茅 une s茅rie de projets dans ce domaine, dont : une op茅ration sud-africaine qui cherche 脿 faire participer le public au d茅veloppement du domaine Internet du pays, 鈥�.za鈥�, la traduction des logiciels et autres outils destin茅s au Web dans les langues africaines afin de permettre 脿 un plus grand nombre d鈥橝fricains de produire leurs propres contenus pour le Web, ainsi que de nombreux efforts pour 茅largir l鈥檜tilisation d鈥橧nternet dans le domaine de l鈥檈nseignement 脿 distance.

La Ministre des communications sud-africaine Ivy Matsepe-Casaburri : son pays a pour objectif de rendre Internet accessible 脿 la majorit茅 de la population.

Photo: africanpictures.net / Bienjamien Karlie

Un Internet vraiment public

En Afrique du Sud, le gouvernement a r茅cemment lanc茅 un programme pour faire d鈥橧nternet un v茅ritable bien public en demandant 脿 ses citoyens comment ils veulent que fonctionne le syst猫me de communications 茅lectroniques du pays. Cette mesure ouvre au public le d茅bat dans un domaine qui avait 茅t茅 jusqu鈥檌ci r茅serv茅 aux sp茅cialistes de l鈥檌nformatique.

Le gouvernement sud-africain a nomm茅 il y a quelques ann茅es un comit茅 local charg茅 d鈥檃dministrer son domaine Internet conform茅ment 脿 l鈥檌nt茅r锚t public. Afin d鈥檃voir une perspective plus inclusive, le comit茅 demandera l鈥檃vis des Sud-africains,dans un langage compr茅hensible des non-initi茅s, explique la Ministre Matsepe-Casaburri. Le but est de d茅finir une politique qui rendra Internet accessible 脿 la majorit茅 tout en aidant 脿 r茅duire la pauvret茅 et 脿 diffuser des informations sur la sant茅 et le d茅veloppement.

Au cours de sa br猫ve histoire, Internet est d茅j脿 devenu un agent de changement r茅volutionnaire dans bien des secteurs. Il est de plus en plus utilis茅 pour transmettre des informations m茅dicales vitales, organiser les secours aux victimes de catastrophes naturelles et fournir des informations non censur茅es 脿 des populations sous le joug de gouvernements r茅pressifs.

Le Sommet mondial sur la soci茅t茅 de l鈥檌nformation, qui s鈥檈st d茅roul茅 en deux 茅tapes 鈥� en Suisse en 2003, puis en Tunisie l鈥檃nn茅e derni猫re 鈥� a donn茅 un nouvel 茅lan aux efforts faits par l鈥橝frique pour ma卯triser cet instrument, explique le professeur Olivier Nana Nzepa qui enseigne les technologies de l鈥檌nformation et de la communication 脿 l鈥橴niversit茅 de Yaound茅 au Cameroun. Mais, ajoute-t-il, comment concr茅tiser les principes du Sommet 鈥� 鈥渢ransparence, obligation de rendre compte au public, participation du public et 茅quit茅鈥� 鈥� tout en favorisant un usage beaucoup plus large de ces technologies ?

Diversit茅 linguistique

L鈥檃bsence de langues africaines sur Internet est 茅galement jug茅e pr茅occupante. La domination des langues europ茅ennes a limit茅 la diffusion d鈥橧nternet en excluant ceux qui ne ma卯trisent pas compl猫tement ces langues. Les ministres africains de l鈥檌nformation, r茅unis l鈥檃n dernier 脿 Dakar (S茅n茅gal), ont demand茅 que de nouveaux programmes soient lanc茅s pour promouvoir l鈥檜tilisation des langues africaines et d鈥檃utres langues sur Internet.

De par ses origines, le syst猫me des noms de domaine d鈥橧nternet favorise fortement l鈥檃nglais. M锚me des langues comme le fran莽ais, l鈥檈spagnol et l鈥檃llemand sont d茅savantag茅es quand il s鈥檃git de donner un nom 脿 des sites d鈥檋茅bergement, car elles comportent des caract猫res accentu茅s que le syst猫me ne reconna卯t pas. De plus, les outils qui existent pour cr茅er des pages Web, comme HTML (Hyper Text Mark-up Language), sont bas茅s sur des langues occidentales, que les programmeurs doivent ma卯triser pour pouvoir produire des contenus.

鈥淥bliger les gens 脿 utiliser les technologies de l鈥檌nformation et de la communication dans une langue 茅trang猫re tend 脿 creuser le foss茅 num茅rique, rend leur adoption longue, difficile et co没teuse et appauvrit les cultures locales鈥�, note une 茅tude du Projet panafricain sur la localisation. Ce projet, financ茅 par le CRDI canadien et mis en oeuvre par Kabissa et Bisharat, deux organisations non gouvernementales africaines qui s鈥檕ccupent de technologies et de promotion de langages, cherche 脿 鈥渓ocaliser鈥� logiciels et contenus Internet en utilisant l鈥檃rabe et des langues africaines.

Ce projet d鈥檜ne dur茅e de trois ans lanc茅 en 2005 examinera l鈥櫭﹖at actuel de l鈥檌mplantation locale de ces technologies en Afrique, organisera un atelier de formation d鈥檈xperts et d茅veloppera pour le Web une base de donn茅es de ressources. 鈥淐鈥檈st un projet passionnant qui arrive au moment opportun et qui est susceptible d鈥檃cc茅l茅rer l鈥櫭﹙olution des technologies de l鈥檌nformation en Afrique et de d茅multiplier leur impact鈥�, juge M. Don Osborn de l鈥檕rganisation Bisharat.

La cr茅ation locale de contenus et l鈥檌nstallation de c芒bles 脿 haut d茅bit faciliteront l鈥檜tilisation d鈥橧nternet 脿 des fins 茅ducatives. Les gouvernements reconnaissent g茅n茅ralement que la construction de salles de classes suppl茅mentaires et la formation de nouveaux enseignants pour s鈥檕ccuper des enfants actuellement non scolaris茅s ne suffiront pas 脿 parvenir 脿 l鈥櫭ヾucation primaire universelle d鈥檌ci 2015, un des objectifs du Mill茅naire pour le d茅veloppement (OMD) adopt茅s par les Etats membres de l鈥橭NU en 2000.

鈥淒oter les 茅coles et les 茅tablissements publics d鈥檕rdinateurs et d鈥檃cc猫s 脿 Internet est une des priorit茅s de nos gouvernements鈥�, affirme Mme Jos茅phine Ou茅draogo, Secr茅taire g茅n茅rale adjointe par int茅rim de la Commission 茅conomique pour l鈥橝frique de l鈥橭NU, qui si猫ge 脿 Addis-Abeba. 鈥淟es technologies de l鈥檌nformation et de la communication ont d茅j脿 commenc茅 脿 transformer de fond en comble les syst猫mes d鈥櫭ヾucation du monde entier. Les meilleurs enseignants de la plan猫te sont d茅sormais accessibles du monde entier, par un seul clic de souris."

L鈥橢thiopie, une des nations les plus pauvres d鈥橝frique, a mis en r茅seau la totalit茅 de ses 500 茅tablissements secondaires et de ses 12 universit茅s. Les services d鈥檈nseignement 脿 distance du Botswana, du Cameroun, de C么te d鈥橧voire, de Gambie, du Ghana, de Guin茅e, de Maurice, du Mozambique, de Namibie, du Nig茅ria et de Tanzanie voient leur action amplifi茅e par les applications technologiques. Dans de nombreux pays africains, des t茅l茅centres communautaires polyvalents sont reli茅s 脿 l鈥橴niversit茅 virtuelle africaine, un 茅tablissement d鈥檈nseignement sup茅rieur en ligne qui a son si猫ge au Kenya, et des 茅coles de 31 pays sont connect茅es les unes aux autres au-del脿 des fronti猫res dans le cadre du programme SchoolNet Africa.

Outre la n茅cessit茅 de financements plus importants, l鈥櫭﹍argissement de l鈥檃cc猫s 脿 Internet 鈥減asse par une nouvelle volont茅 de travailler ensemble si nous voulons b茅n茅ficier des avantages de la soci茅t茅 de l鈥檌nformation, d茅clare Yoshio Utsumi, Secr茅taire g茅n茅ral de l鈥橴nion internationale des communications. Lorsque les puissants outils de connaissance d鈥檃ujourd鈥檋ui porteront leurs fruits dans les 茅conomies les plus d茅savantag茅es, on pourra dire que la soci茅t茅 de l鈥檌nformation est v茅ritablement engag茅e, ma卯tre de son destin et 茅galitaire鈥�