51吃瓜

Au Kenya, les membres d鈥檜ne coop茅rative laiti猫re re莽oivent des paiements. Les clubs d鈥櫭﹑argne et de cr茅dit aident 脿 l鈥檈xpansion de ce genre de petites entreprises.

Photo: Alami Images / Tina Manley

Sur tout le continent, les Africains 茅conomisent et investissent aujourd鈥檋ui une plus grande proportion de leur propre argent. Ces progr猫s sont particuli猫rement importants 脿 l鈥檋eure o霉 les perspectives de financement ext茅rieur deviennent encore plus incertaines dans un contexte de crise financi猫re mondiale.

Selon la Commission 茅conomique pour l鈥橝frique (CEA) de l鈥橭NU, le taux d鈥櫭﹑argne int茅rieur de la r茅gion est pass茅 de 19 % du produit int茅rieur brut (PIB) en 1998鈥�2001 脿 26 % en 2007. Selon l鈥�Etude des conditions 茅conomiques et sociales en Afrique publi茅e en mars 2008 par la CEA, le taux d鈥檌nvestissement int茅rieur de l鈥橝frique a 茅galement augment茅 de 19,7 % 脿 22,1 % sur la m锚me p茅riode.

Le Kenya fait partie des pays africains o霉 ces progr猫s se sont manifest茅s bien que l鈥檌nstabilit茅 politique et une mauvaise gestion 茅conomique aient limit茅 ses taux d鈥櫭﹑argne et d鈥檌nvestissement 脿 des niveaux inf茅rieurs 脿 la moyenne africaine. En d茅pit des ces insuffisances, un des points forts des r茅sultats du Kenya a 茅t茅 la multiplication au cours des derni猫res ann茅es de clubs d鈥櫭﹑argne qui ont aid茅 de nombreux K茅nyans 脿 orienter leurs 茅conomies vers des investissements productifs.

Actuellement, rapporte Patrick Kariuki, pr茅sident de l鈥橝ssociation k茅nyane des clubs d鈥檌nvestissement (KAIG), ces groupes locaux d茅tiennent un total d鈥檈nviron 35 milliards de shillings k茅nyans (KSh), l鈥櫭﹒uivalent de 469 millions de dollars am茅ricains. Ce n鈥檈st l脿 qu鈥檜ne petite portion du total de 642 milliards des d茅p么ts bancaires du Kenya en 2007, mais n茅anmoins plus du double de toutes les aides financi猫res 茅trang猫res re莽ues par le pays cette ann茅e-l脿.

Un employ茅 d鈥檜n club d鈥櫭﹑argne k茅nyan parcourt le bidonville de Kibera 脿 Nairobi pour recueillir les d茅p么ts de petits commer莽ants.

Photo: Reuters / Antony Njuguna

Les K茅nyans appellent ces clubs des chamas, ce qui peut se traduire par 鈥渃omit茅s鈥�. Ils ont 茅t茅 cr茅茅s pour faire face aux turbulences 茅conomiques des ann茅es 1980 et 1990. Dans ces chamas, les membres d鈥檜ne famille, les voisins ou les coll猫gues de travail mettaient en commun une partie de leurs ressources et utilisaient cet argent pour financer des pr锚ts et des emprunts entre les membres du groupe durant les p茅riodes difficiles. Quand la sant茅 茅conomique du pays s鈥檈st am茅lior茅e, les membres ont utilis茅 ces fonds pour cr茅er de petites entreprises.

Progressivement, ces clubs ont commenc茅 脿 s鈥檌nstitutionnaliser et certains d鈥檈ntre eux se sont transform茅s en soci茅t茅 pour investir dans des actions et dans l鈥檌mmobilier. Selon M. Kariuki, un K茅nyan adulte sur trois est aujourd鈥檋ui membre d鈥檜n club d鈥檌nvestissement. 鈥淣ous pensons que ces clubs ont un 茅norme potentiel. Si les capitaux qu鈥檌ls d茅tiennent sont correctement utilis茅s, cela aiderait consid茅rablement le pays鈥�, a-t-il d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau.

鈥淢ais au-del脿, ajoute-t-il, il y a le capital humain. Ces groupes sont un m茅lange dynamique de gens de diff茅rentes origines sociales. On peut tirer 茅norm茅ment profit de cela.鈥�

Les obstacles du march茅 boursier

L鈥檃chat d鈥檃ctions 脿 la Bourse de Nairobi est une strat茅gie d鈥檌nvestissement populaire dans de nombreux clubs. Mais le potentiel offert par la Bourse n鈥檃 pas encore 茅t茅 suffisamment explor茅, affirme Tabitha Mwathi, une dirigeante de KAIG. L鈥檜n des probl猫mes, explique-t-elle, est que la r茅glementation de la Bourse traite les clubs comme s鈥檌ls 茅taient des investisseurs individuels, ce qui les prive des mesures d鈥檌ncitation et du soutien offerts aux investisseurs institutionnels. 鈥淧ourtant, les sommes d鈥檃rgent qu鈥檌ls rassemblent et investissent devraient les mettre sur le m锚me plan que les investisseurs institutionnels鈥�, argumente Mme Mwathi.

Palmer Thambu, qui dirige une soci茅t茅 de planification et d鈥檃nalyse financi猫re, ajoute que conserver la confiance des investisseurs est un probl猫me suppl茅mentaire. La Bourse k茅nyane est relativement jeune et 鈥渓a r茅gulation et l鈥檌nfrastructure en sont encore 脿 la phase de mise en place鈥�. Il cite l鈥檈xemple r茅cent de deux agents de change qui 鈥渟e sont rendus coupables d鈥檈scroquerie et ont d茅tourn茅 les fonds de leurs clients鈥� et de cinq autres qui ont 茅t茅 accus茅s de ne pas respecter des normes de conduite acceptables. Il a expliqu茅 脿 Afrique Renouveau que de tels probl猫mes donnent aux investisseurs locaux des raisons d鈥檋茅siter mais qu鈥檌ls peuvent 锚tre r茅solus par une meilleure r茅glementation.

Les coop茅ratives d鈥櫭﹑argne et de cr茅dit

Les clubs d鈥櫭﹑argnants ne sont pas une nouveaut茅 au Kenya. Des institutions tourn茅es vers l鈥櫭﹑argne nationale existent sous des formes plus officielles depuis la fin des ann茅es 1970 et au cours de cette p茅riode un grand nombre d鈥檃griculteurs, d鈥檈nseignants, de m茅decins et de membres d鈥檃utres professions ont form茅 des mutuelles ou des coop茅ratives d鈥櫭﹑argne et de cr茅dit (COOPEC) ainsi que d鈥檃utres types de coop茅ratives. On estime que ces 茅tablissements d茅tiennent aujourd鈥檋ui un total de 130 milliards de KSh (1,7 milliard de dollars U.S.) en fonds d鈥櫭﹑argne.

A la diff茅rence des clubs d鈥檌nvestissement dont tout un chacun peut devenir membre, la plupart de ces mutuelles et coop茅ratives limitent en g茅n茅ral leurs adh茅rents 脿 une profession d茅finie. La coop茅rative Mwalimu s鈥檃dresse par exemple aux enseignants du secteur public. Et alors que les clubs d鈥檌nvestissements se consacrent 脿 recueillir l鈥櫭﹑argne 脿 des fins d鈥檌nvestissement, les COOPEC, comme les fonds de pension, ne peuvent pas l茅galement se livrer 脿 des activit茅s commerciales qui pourraient exposer l鈥檃rgent des membres 脿 des risques indus.

Selon James Mwangi, directeur g茅n茅ral d鈥橢quity Bank Kenya, le principal obstacle 脿 l鈥檜tilisation des COOPEC comme instruments d鈥檌nvestissement viables a 茅t茅 la m茅diocrit茅 de leur gestion. Certains ont propos茅 que la r茅glementation r茅gissant l鈥檌mplication des COOPEC dans des activit茅s commerciales soit assouplie afin de leur permettre d鈥檌nvestir les richesses qu鈥檈lles accumulent dans des projets nationaux tels que la r茅novation des infrastructures vieillissantes du pays. Mais pour cela, affirme M. Mwangi, il faudrait qu鈥檜ne meilleure r茅glementation mette fin 脿 la corruption et 脿 la mauvaise gestion et fasse na卯tre la confiance dans ces institutions comme instruments d鈥檌nvestissement.

Des mod猫les et des sources d鈥檌nspiration

Certains des clubs d鈥檌nvestissement prouvent qu鈥檜ne bonne gestion est possible. Il y a 10 ans, un groupe de 26 hommes d鈥檃ffaires ont mis en commun leurs moyens et form茅 Trans Century, un fonds de placement en actions destin茅 脿 des investissements locaux. C鈥檈st aujourd鈥檋ui le groupe d鈥檌nvestissement le plus performant du Kenya avec des investissements de 8 milliards de KSh (107 millions de dollars U.S.) dans des soci茅t茅s locales et r茅gionales, dont des entreprises qui se pr茅parent 脿 r茅nover la ligne de chemin de fer qui relie le Kenya 脿 l鈥橭uganda. C鈥檈st l脿 une source d鈥檌nspiration pour les autres clubs. Selon M. Kariuki, 80 % des membres des clubs existants voudraient que leur groupe devienne le prochain Trans Century.

Un des clubs inspir茅 par ce mod猫le est Alliance Capital Partners (ACP). Ses membres voulaient investir dans l鈥檌mmobilier et se sont rendu compte qu鈥檈n travaillant ensemble ils obtiendraient de meilleurs r茅sultats qu鈥檌ndividuellement. Avec ACP, ils ont rassembl茅 autant du capital n茅cessaire qu鈥檌ls pouvaient eux-m锚mes et ont ensuite utilis茅 cet argent pour obtenir un financement bancaire compl茅mentaire. Ils ont construit 脿 ce jour un h么tel de 49 chambres et deux immeubles r茅sidentiels de 17 appartements locatifs chacun et font actuellement construire un troisi猫me immeuble de 80 appartements.

鈥淟鈥檜tilit茅 d鈥檜n club est qu鈥檌l vous permet de mettre en commun vos ressources鈥�, a d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau Antony Mwaniki, un membre d鈥橝CP. 鈥淐ela ouvre des possibilit茅s d鈥檌nvestissements plus consid茅rables 脿 tous les membres. Une transaction qui serait hors de port茅e pour un particulier devient tout 脿 coup possible pour tout le monde dans le groupe."

M. Kariuki note que le succ猫s de telles initiatives a 茅t茅 variable. 鈥淥rdinairement, les clubs ont un taux de r茅ussite de 50 %. Un bon nombre d鈥檈ntre eux marchent bien et ont form茅 des soci茅t茅s. Certains envisagent m锚me de se faire coter 脿 la Bourse.鈥� Mais, ajoute-t-il, la plupart d茅tiennent un capital inf茅rieur 脿 1 million de KSh. Selon lui, les mauvaises structures de direction sont une des principales raisons de l鈥櫭ヽhec de nombreux clubs.

M. Mwaniki partage ce point de vue et observe que jusqu鈥櫭� ce qu鈥檜n club se transforme officiellement en soci茅t茅, ses activit茅s ne sont pas r茅glement茅es. 鈥淎vant cela, certains membres du groupe peuvent prendre les activit茅s d鈥檌nvestissement au s茅rieux, d鈥檃utres les consid茅rer juste comme un passe-temps. Ces diff茅rences peuvent cr茅er des probl猫mes. Il faut des r猫gles. Il faut que les gens sachent que c鈥檈st dans leur meilleur int茅r锚t de mettre en place des structures qui limitent les risques inh茅rents aux investissements."

Aider les clubs 脿 surmonter ces probl猫mes a motiv茅 la formation de KAIG, explique M. Kariuki. 鈥淣ous voulions aider les clubs en leur fournissant des informations. Nous organisons r茅guli猫rement des r茅unions o霉 des invit茅s viennent parler de perspectives d鈥檌nvestissement.鈥�

Une faible 鈥榗ulture financi猫re鈥�

M. Thambu a fond茅 sa soci茅t茅 pour aider les clubs d鈥檌nvestissement 脿 comprendre comment cr茅er un portefeuille d鈥檌nvestissement, tenir correctement leurs comptes, fixer des objectifs et assurer la croissance de leurs placements. Il aide actuellement 12 de ces groupes. Un des probl猫mes auxquels il essaie de rem茅dier est le niveau de culture financi猫re g茅n茅ralement faible au Kenya. 鈥淟e niveau de compr茅hension que le K茅nyan moyen a des march茅s est d茅courageant.鈥� De plus, les rendements que les gens esp猫rent de leurs investissements 鈥渟ont consid茅rablement plus 茅lev茅s que ce que le march茅 peut produire鈥�.

M. Mwaniki explique que la plupart des gens connaissent encore peu les instruments d鈥檌nvestissement comme le march茅 boursier. 鈥淣ous manquons encore de maturit茅, dit-il, nous n鈥檃vons pas encore appris 脿 diff茅rer le moment de la gratification. Les gens se pr茅ci颅pitent sur tout ce qui est nouveau. Il faut encore beaucoup plus d鈥櫭ヾucation. Les gens doivent comprendre le risque et acqu茅rir une perspective 脿 plus long terme. De plus, le gouvernement se doit de mettre en place un cadre institutionnel solide."

Plusieurs initiatives ont 茅t茅 lanc茅es pour promouvoir une meilleure connaissance du fonctionnement des march茅s. L鈥檜ne d鈥檈lles apprend aux 茅tudiants de l鈥檜niversit茅 脿 investir en utilisant une Bourse virtuelle. C鈥檈st une bonne id茅e, pense M. Thambu, car les membres des clubs d鈥檌nvestissement sont souvent des jeunes qui entament une carri猫re professionnelle. 鈥淢ais nous n鈥檃vons toujours rien de structur茅 pour le grand public鈥�, regrette-t-il.

M. Mwaniki pense qu鈥檃vec le temps les K茅nyans apprendront 脿 trouver normal d鈥櫭﹑argner et d鈥檌nvestir. Il croit 茅galement que ces investissements locaux attireront in茅vitablement des partenaires 茅trangers. Leur source potentiellement la plus importante est probablement constitu茅e par les clubs similaires qui sont d茅j脿 actifs dans la diaspora k茅nyane, particuli猫rement au Royaume-Uni. 鈥淐e qui manque actuellement pour leur permettre d鈥檌nvestir au pays est un centre d鈥櫭ヽhange d鈥檌nformation et l鈥檃cc猫s 脿 de bonnes informations鈥�, explique-t-il.

La Banque mondiale estime qu鈥檈n 2007, le Kenya a re莽u environ 1,3 milliard de dollars d鈥檈nvois de fonds de l鈥櫭﹖ranger. Mais les secousses financi猫res qu鈥檕nt connues le Royaume-Uni, les Etats-Unis et d鈥檃utres pays provoqueront probablement dans un avenir proche une diminution de ces transferts.

Un autre probl猫me, ajoute M. Mwaniki, concerne 鈥渓es risques politiques鈥�. L鈥檃nn茅e derni猫re, son groupe ACP a propos茅 un placement 脿 un investisseur britannique qui les soutient et qui envisageait d鈥檌nvestir jusqu鈥櫭� 1 million de dollars. 鈥淢ais cet int茅r锚t s鈥檈st imm茅diatement 茅vapor茅 quand ont 茅clat茅 les violences post-茅lectorales du d茅but de l鈥檃nn茅e.鈥� Les gouvernements africains 鈥渄oivent comprendre que les crises politiques, m锚me de courte dur茅e, ont une profonde influence sur la mani猫re dont nous pouvons pr茅senter nos perspectives d鈥檌nvestissement aux march茅s internationaux鈥�.