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Un reporter de Radio Okapi m猫ne une interview avec de jeunes Congolais. Avec ses 20 millions d'auditeurs, la radio de l'ONU en RD Congo est la plus populaire des stations nationales d'Afrique francophone au sud du Sahara.

Photo: Fondation Hirondelle / L芒m Duc Hi锚n

Dans les zones de conflit, une station de radio vaut cinq bataillons, a un jour estim茅 un ancien chef des op茅rations de maintien de la paix des Nations Unies. Ce que confirment, 脿 leur tour, de nombreux auditeurs et diverses 茅tudes selon lesquels les "radios de la paix" 鈥� souvent mises en place par les missions de maintien de la paix des Nations Unies 鈥� sont de puissantes armes en faveur de la paix. Depuis 1992, l'ONU a cr茅茅 sept stations de radio dans des pays sortant de guerres civiles, de la Sierra Leone 脿 la R茅publique d茅mocratique du Congo (RDC). Ces stations fournissent une information 茅quilibr茅e et fiable, donnent la parole aux minorit茅s et favorisent la pr茅servation du sentiment national.

En plus de leur contribution 脿 l'apaisement des tensions et 脿 la lutte contre la propagande (voir La radio, instrument de r茅conciliation), ces radios servent de tremplin aux journalistes et aux techniciens locaux qui constituent la majorit茅 de leurs personnels. Elles permettent ainsi de renforcer les valeurs professionnelles dans des pays o霉 les m茅dias servent souvent les seuls int茅r锚ts de certains acteurs politiques.

R茅cemment encore, quand une mission de l'ONU prenait fin, ces radios cessaient d'茅mettre, d茅plore Bill Orme, sp茅cialiste des m茅dias au sein du Programme des Nations Unies pour le d茅veloppement (PNUD). Ces brusques disparitions peuvent toutefois laisser un vide dans le paysage m茅diatique et compromettre les efforts r茅alis茅s en vue de r茅tablir la paix. Une exp茅rience in茅dite, actuellement men茅e en Sierra Leone, pourrait cependant changer la donne.

Cr茅茅e il y a dix ans, en m锚me temps que la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) s'installait dans ce pays d'Afrique de l'Ouest ravag茅 par la guerre, la radio de l'ONU est rapidement devenue la station la plus populaire du pays. En 2005, 脿 l'heure de d茅cider du retrait de la mission, le Conseil de s茅curit茅 de l'ONU a demand茅 脿 celle-ci de soutenir la mise en place d'un service de radiodiffusion public ind茅pendant, plut么t que de fermer la station. Finalement en mars 2010, la radio de l'ONU est pass茅e sous le contr么le d'un conseil d'administration sierra-l茅onais.

Pour M. Orme, m锚me s'il est trop t么t pour se prononcer sur le r茅sultat de cette exp茅rience, celle-ci repr茅sente une meilleure option que l'habituelle fermeture au lendemain du d茅part des missions de paix. "C'est un mod猫le qui pourrait servir ailleurs, poursuit-il. Il m茅rite l'attention du si猫ge de l'ONU, mais aussi celle du Lib茅ria et de la C么te d'Ivoire, d'o霉 des missions de maintien de la paix doivent prochainement se retirer avec leurs stations de radio." Bill Orme doute cependant que l'exemple de la Sierra Leone mobilise suffisamment les d茅cideurs au si猫ge de l'ONU 脿 New York.

L'absence de mobilisation autour de l'avenir de ces radios ne surprend gu猫re Susan Manuel, chef de la Section Paix et s茅curit茅 au D茅partement de l'information de l'ONU. "Les stations de radio de l'ONU sont transitoires par d茅finition. Elles n'ont pas 茅t茅 con莽ues 脿 l'origine pour fonctionner apr猫s la fin des missions de maintien de la paix, mais le succ猫s qu'elles ont connu au fil des ann茅es a fait comprendre que cette fermeture 茅tait injustifi茅e". M. Orme note 脿 ce propos qu'脿 l'heure du bilan des missions de maintien de la paix, "on se pr茅occupe principalement des aspects politiques et financiers. Les stations de radio ne repr茅sentent qu'une minuscule portion du budget d'une mission. Elles 茅chappent facilement 脿 l'attention."

Une journaliste de Radio Okapi. Apr猫s le d茅part de l'ONU, les stations de radio peuvent-elles survivre financi猫rement ?

Photo: Fondation Hirondelle / L芒m Duc Hi锚n

Mod猫les du futur

Pour les Nations Unies cependant, diff茅rentes options s'offrent afin de p茅renniser le travail r茅alis茅 au lendemain du retrait des mission de paix. En Sierra Leone, afin de rendre possible la transition de la Radio de l'ONU vers une cha卯ne de service public ind茅pendante, le pr茅sident de la R茅publique a nomm茅 un conseil d'administration au sein duquel si猫gent des repr茅sentants de l'脡tat aussi bien que de l'opposition politique et de la soci茅t茅 civile. L'objectif est de pr茅server l'ind茅pendance 茅ditoriale de la station et sa capacit茅 de fournir au public une information 茅quilibr茅e et fiable.

Ce mod猫le 鈥� baptis茅 "mod猫le BBC" par certains sp茅cialistes 鈥� est co没teux. M锚me pour un pays riche comme le Royaume-Uni, le budget de la BBC (environ 5,7 milliards de dollars par an) est un investissement colossal, note Jonathan Marks, sp茅cialiste de l'茅volution des m茅dias en Afrique notamment. Dans des pays sortant d'une guerre comme la Sierra Leone, un tel mod猫le pourrait 锚tre difficile 脿 mettre en 艙uvre, "脿 moins d'avoir un tr猫s bon plan de financement et de disposer d'orientations 茅ditoriales claires."

Un tout autre mod猫le est actuellement 脿 l'essai en R茅publique centrafricaine, pays en situation de crise chronique. L'ancienne radio des Nations Unies (Radio MINURCA) est en passe de devenir un diffuseur priv茅 ind茅pendant. La mutation est men茅e par Hirondelle, une fondation suisse ayant, aux c么t茅s de l'ONU notamment, une longue exp茅rience du soutien aux m茅dias dans des pays en conflit. Bas茅e 脿 Bangui, Radio MINURCA a 茅t茅 lanc茅e par l'ONU en 1998 et ferm茅e en 2000. Son mat茅riel a ensuite 茅t茅 exp茅di茅 en Sierra Leone. Avec le soutien de divers bailleurs de fonds, la fondation Hirondelle lui a ensuite permis de recommencer 脿 茅mettre sous un nouveau nom, celui de Radio Ndeke Luka.

D猫s le d茅part, la fondation avait l'intention de transformer la station de radio en entreprise priv茅e, explique le pr茅sident d'Hirondelle, Jean-Marie Etter. "Un tel projet prend du temps, c'est pourquoi, tr猫s t么t, nous avons commenc茅 脿 pr茅parer ce transfert." Le transfert n'est pas encore effectif car il reste 脿 trouver les financements n茅cessaires aupr猫s de bailleurs de fonds. Mais m锚me si ce projet venait 脿 r茅ussir, M. Etter estime "qu'il ne faut pas se contenter de reproduire cette exp茅rience particuli猫re. Chaque contexte est diff茅rent. Ce qui marche en Sierra Leone ou en R茅publique Centrafricaine ne marchera pas forc茅ment au Congo ou au Soudan."

D'autres encore proposent une option diff茅rente : maintenir sur place une partie de l'infrastructure et du personnel de la station de l'ONU dans le but de soutenir le d茅veloppement des m茅dias locaux. L'exemple le plus souvent 茅voqu茅 dans ce cas de figure est celui de Radio Okapi, la station de l'ONU en RDC qui offre une couverture incomparable de l'actualit茅 de ce vaste pays 脿 ses 20 millions d'auditeurs, ce qui lui vaut d'锚tre la radio nationale la plus populaire d'Afrique francophone subsaharienne. On pourrait faire de Radio Okapi une agence d'information nationale qui fournirait des contenus aux autres m茅dias, estime Lena Slachmuijlder, directrice en RDC de Search for Common Ground, une organisation non gouvernementale am茅ricaine sp茅cialis茅e dans le d茅veloppement des m茅dias dans les zones de crise. Francis Rolt, consultant ind茅pendant sur le d茅veloppement des m茅dias en Afrique, juge qu'une telle transformation signifierait au moins que "le retrait des missions de paix de l'ONU s'effectuerait en douceur."

Pour d'anciens r茅fugi茅s burundais de retour au pays au terme de la guerre civile, la radio est l'une des sources d'information et de communication les plus importantes.

Photo: Alamy Images / Ton Koene

D茅fis du futur

Quelle que soit l'option retenue, la survie des stations de radio qui prennent le relais de celles des Nations Unies apr猫s le d茅part des troupes de maintien de la paix d茅pendra de l'茅volution politique et 茅conomique des pays concern茅s. Leurs institutions politiques ayant 茅t茅 affaiblies, les pays qui sortent de conflits ont besoin de r茅former leur secteur de la s茅curit茅, de restaurer l'ordre public, de mettre en place des m茅canismes de protection des droits de l'homme et d'organiser des 茅lections libres. Le succ猫s de ces efforts est crucial pour l'avenir des stations de radio notamment. Il d茅termine si elles resteront ind茅pendantes, impartiales et fiables, ou si elles succomberont 脿 la censure et 脿 la manipulation. "L'茅volution du secteur des m茅dias va de pair avec celle du contexte politique global," note M. Etter de la fondation Hirondelle.

La plupart des analystes soulignent 茅galement les obstacles 茅conomiques potentiels. Dans les pays stables, les m茅dias peuvent b茅n茅ficier de revenus publicitaires et d'aides publiques. Mais dans les pays qui sortent d'une guerre, l'茅conomie est souvent en ruines et les ressources de l'脡tat sont limit茅es.

Au Burundi et en RDC par exemple, les m茅dias pourraient difficilement survivre sans l'aide de bailleurs de fonds ext茅rieurs, explique Marie-Soleil Fr猫re, chercheuse 脿 l'Universit茅 Libre de Bruxelles. "Collectivement, les partenaires ext茅rieurs ont pris le contr么le de l'essentiel du secteur m茅diatique r茅gional," ajoute-t-elle. Les professionnels qui travaillent pour des m茅dias financ茅s de l'ext茅rieur sont g茅n茅ralement les seuls 脿 锚tre bien pay茅s. En RDC, note Mme Fr猫re, le budget annuel de radio Okapi (estim茅 脿 10-13 millions de dollars) est 26 fois plus 茅lev茅 que celui de la deuxi猫me station de radio du pays. Le salaire moyen d'un journaliste de radio Okapi est dix fois sup茅rieur 脿 celui des journalistes des autres stations de radio congolaises.

En d茅pit du transfert aux instances locales, l'ancienne station de radio de l'ONU en Sierra Leone d茅pend encore du soutien de bailleurs de fonds, dont celui du Fonds pour la consolidation de la paix des Nations Unies. Radio Ndeke Luka en R茅publique centrafricaine d茅pend 茅galement de ses bailleurs de fonds qui la financent annuellement 脿 hauteur de plus de 80 %.

Aucun transfert de contr么le ne sera effectif tant que ces stations ne seront pas en mesure d'obtenir des revenus suffisants pour survivre par leurs propres moyens. "Le fonctionnement des stations de radios co没te cher. En attendant que la situation 茅conomique s'am茅liore, il y a peu de chances de succ猫s sans soutien financier ext茅rieur, conclut Francis Rolt. Au Congo, en Sierra Leone ou au Soudan, la radio doit devenir une entreprise profitable, comme au Kenya et en Afrique du Sud."鈥�