Il y a un an, le libre-茅change a commenc茅 sous les auspices de la Zone de libre-茅change continentale africaine (ZLECAf). Dans la deuxi猫me partie de l'entretien avec Kingsley Ighobor, le Secr茅taire g茅n茅ral du Secr茅tariat de la ZLECAf, M. Wamkele Mene, aborde, entre autres, le r么le crucial des femmes et des jeunes dans le libre-茅change, une facilit茅 de financement pour les petites et moyennes entreprises et un m茅canisme de compensation pour aider 脿 amortir l'impact fiscal d'une perte de revenus tarifaires. En voici des extraits.
Vous insistez toujours sur la participation des femmes et des jeunes africains au libre-茅change. Pourquoi cela et vous entendent-ils ?
La raison pour laquelle je mets l'accent sur les jeunes Africains et les PME dirig茅es par des femmes est que, premi猫rement, ils sont les moteurs de l'茅conomie africaine. Les PME dirig茅es par des femmes repr茅sentent pr猫s de 60 % du PIB de l'Afrique et cr茅ent environ 450 millions d'emplois. Ensuite, les jeunes Africains sont 脿 la pointe des avanc茅es technologiques, que ce soit 脿 Lagos ou 脿 Kigali. Ils d茅veloppent les derniers logiciels pour le commerce 茅lectronique, etc. Nous ferons une erreur catastrophique si nous n'incluons pas ces segments importants de notre soci茅t茅 dans la mise en 艙uvre de cet accord. 听
Je pense que si nous voulons nous 茅loigner des anciens mod猫les d'accords commerciaux, des accords commerciaux qui ont 茅t茅 critiqu茅s comme ne profitant qu'aux grandes entreprises, nous devons nous concentrer sur les jeunes et les PME dirig茅es par des femmes.
Permettez-moi 茅galement de dire qu'茅tant donn茅 le caract猫re de l'茅conomie et de la d茅mographie de l'Afrique, il serait malvenu d'avoir un accord commercial traditionnel, qui se concentre sur le commerce des biens, le commerce des services, les droits de propri茅t茅 intellectuelle, etc. Par cons茅quent, nous avons re莽u de nos chefs d'脡tat le mandat de n茅gocier un protocole sur les femmes et les jeunes commer莽ants. L'accord commercial ne sera pas cr茅dible si vous excluez des segments importants de la soci茅t茅 ; il sera per莽u comme ne profitant qu'aux 茅lites.
De nombreux jeunes entrepreneurs africains n'ont pas acc猫s au financement. Que faites-vous 脿 ce sujet ?
Nous sommes actuellement en pourparlers avec des banques commerciales en Afrique pour acc茅l茅rer la mise en place d'un m茅canisme de financement du commerce destin茅 脿 soutenir les jeunes, les petites et moyennes entreprises (PME). Cette conversation, je dois le dire, avance plus lentement que je ne l'aurais esp茅r茅 car il y a plusieurs questions techniques que nous devons aplanir. Nous voulons nous assurer que les jeunes Africains ont acc猫s au financement. Nous voulons nous assurer que les crit猫res de qualification pour le financement n'excluent pas les jeunes entrepreneurs.
Environ 70 % du commerce informel en Afrique est r茅alis茅 par des femmes. Qu'est-ce que la ZLECAf offre 脿 ces femmes ?
Nous leur offrons une 茅chelle. Vous [les femmes] serez d茅sormais en mesure d'茅largir votre march茅 en tant que PME. Depuis, disons, le Togo, vous aurez d茅sormais acc猫s 脿 de nouveaux march茅s en Afrique de l'Est, en Afrique australe, en Afrique centrale. Nous vous offrons la possibilit茅 de vous d茅velopper sur un march茅 de 1,3 milliard de personnes, avec un PIB combin茅 de 3,4 billions de dollars.
Il s'agit d'une opportunit茅 importante si nous disposons des bons m茅canismes pour soutenir nos PME. C'est pourquoi nous lan莽ons la Facilit茅 de financement du commerce. C'est pourquoi nous lan莽ons 茅galement la passerelle commerciale africaine, en collaboration avec Afreximbank. L'African Trade Gateway sera une plateforme num茅rique qui fournira des informations sur le march茅 et la diligence raisonnable concernant vos homologues, notamment les r猫gles d'origine, les proc茅dures douani猫res, ainsi qu'une plateforme de transfert de paiements.
脌 moyen et long terme, les avantages de la ZLECAf sont 茅vidents. Mais 脿 court terme, certains pays pourraient subir des pertes de revenus, ce qui pourrait affecter leur budget. Quelles assurances donnez-vous 脿 ces pays que les gains 脿 long terme vaudront la peine de souffrir 脿 court terme ?
Certains pays seront effectivement des b茅n茅ficiaires imm茅diats parce qu'ils ont d茅j脿 la capacit茅 d'exportation. Il est 茅galement vrai que certains pays conna卯tront des pertes de revenus 脿 court terme. Pour att茅nuer ce ph茅nom猫ne, nous mobilisons, avec Afreximbank, des fonds pour ce que nous appelons la facilit茅 d'ajustement de la ZLECAf.
Ce fonds ne sera pas destin茅 脿 un soutien budg茅taire, mais 脿 soutenir des cha卯nes de valeur sp茅cifiques dans certains secteurs productifs de l'茅conomie, par exemple le textile et l'agroalimentaire.
En collaboration avec Afreximbank, nous avons mobilis茅 1 milliard de dollars, et il est possible d'augmenter cette somme. Nous pr茅voyons un besoin de 7 脿 10 milliards de dollars.
Nous devons 茅galement changer notre 茅tat d'esprit. Et c'est de consid茅rer les tarifs douaniers non pas comme un outil g茅n茅rateur de recettes, mais comme un outil de d茅veloppement industriel, pour favoriser le d茅veloppement des secteurs productifs et, si n茅cessaire, pour prot茅ger les industries naissantes et emp锚cher le dumping.
C'est donc 脿 cette strat茅gie 脿 long terme que nous devrions penser. 脌 court terme, en f茅vrier, les chefs d'脡tat devraient approuver la facilit茅 d'ajustement afin que les pays puissent y avoir acc猫s.
Vous avez r茅cemment particip茅 脿 une conf茅rence consultative sur les zones 茅conomiques sp茅ciales (ZES) au Gabon. Quel impact les ZES auront-elles sur le libre-茅change en Afrique ?
Nous avons une situation int茅ressante sur le continent o霉 de nombreux pays ont investi des centaines de millions de dollars dans la cr茅ation de ZES pour stimuler la comp茅titivit茅 et la capacit茅 industrielle. Les ZES contribuent 脿 l'innovation et 脿 la cr茅ation d'emplois. Par exemple, au Gabon, la ZES a r茅ussi 脿 effectuer des 茅valuations du bois. Le Gabon n'exporte plus de bois non transform茅 ; son bois est d茅sormais transform茅 localement et la valeur ajout茅e est r茅alis茅e dans la ZES.
Le S茅n茅gal a une ZES pour les produits pharmaceutiques. Nous r茅fl茅chissons donc de mani猫re tr猫s innovante 脿 la fa莽on dont les biens ou les services des ZES peuvent 锚tre int茅gr茅s dans la cha卯ne de valeur de la ZLECAf.
Quelques pays s'inqui猫tent du fait que ces biens b茅n茅ficient d'un avantage injuste parce qu'ils sont produits dans une ZES o霉 il y a des all茅gements fiscaux et d'autres incitations, et qu'ils cr茅ent par cons茅quent une concurrence d茅loyale sur le march茅 g茅n茅ral. D'un autre c么t茅, nous ne pouvons ignorer que les ZES cr茅ent des emplois, notamment pour les jeunes, et contribuent 脿 l'innovation et 脿 l'industrialisation. Nous devons donc trouver des m茅canismes pour garantir que les biens produits dans ces zones font partie de la cha卯ne de valeur de la ZLECAf.
En outre, si nous sommes heureux d'importer des biens produits dans des ZES situ茅es en dehors du continent africain, je ne pense pas qu'il soit logique que nous fassions de la discrimination 脿 l'茅gard des biens produits dans des ZES en Afrique.
Carlos Lopez, ancien secr茅taire ex茅cutif de la Commission 茅conomique pour l'Afrique, a r茅cemment d茅clar茅 que le secr茅tariat de la ZLECAf devait disposer de davantage de ressources. A-t-il raison ?
Bien s没r, il a raison, 茅tant donn茅 que l'accord commercial a une port茅e tr猫s large : commerce des biens, commerce des services, protection des investissements, recours commerciaux, etc. Nous avons besoin d'une expertise dans chaque domaine o霉 nous avons un protocole. Nous avons besoin d'une expertise dans chaque domaine o霉 nous avons un protocole. Nous devons d茅velopper cette expertise en interne ; nous n'avons pas besoin d'aller chercher des consultants 脿 l'ext茅rieur du continent pour travailler pour nous. Je suis donc d'accord avec lui.
Il y a [actuellement] 39 脡tats parties 脿 l'accord. Nous devons fournir un soutien technique et de renforcement des capacit茅s aux 脡tats parties dans tous les protocoles. Dans le m锚me temps, je suis tr猫s heureux qu'en f茅vrier, lorsque les chefs d'脡tat se r茅uniront, ils examineront une demande de notre part en tant que secr茅tariat afin d'am茅liorer nos capacit茅s pour qu'elles correspondent 脿 notre mandat tr猫s important.
Que doivent attendre les Africains de la ZLECAf en 2022 ?
J'esp猫re que lorsque nous nous reverrons 脿 la m锚me 茅poque l'ann茅e prochaine [en d茅cembre 2022], je serai en mesure de dire : "Nous avons une facilit茅 de financement du commerce pour soutenir les 茅changes de la ZLECAf", ou encore : "Voici le montant X de dollars disponibles pour les jeunes entrepreneurs et les PME".
D猫s le d茅but de l'ann茅e 2022, je d茅ploie tous mes efforts pour faire en sorte que la facilit茅 de financement du commerce devienne une r茅alit茅. La passerelle commerciale africaine est sous notre contr么le. Nous pouvons la d茅ployer relativement rapidement, mais la Facilit茅 de financement du commerce, qui d茅pendra de l'adh茅sion d'autres acteurs, pourrait prendre un peu plus de temps.
脌 quoi les commer莽ants doivent-ils s'attendre, en termes pratiques ?
L'objectif pour nous sera de conclure les n茅gociations sur les r猫gles d'origine, et les points en suspens sont les automobiles, les textiles, les v锚tements et le sucre. Ils repr茅sentent environ 12 脿 15 % de ce que nous appelons le livre des tarifs. Nous voulons conclure les n茅gociations sur ces sujets afin d'atteindre une convergence de 100 % des r猫gles d'origine.
