Les effets n茅fastes du changement climatique sur les soci茅t茅s humaines et l'environnement naturel sont sans pr茅c茅dent. Le pastoraliste kenyan Job Metuy le sait de premi猫re main. Lors de la CdP27, il a d茅crit la douleur et les ravages de la s茅cheresse actuelle sur le pastoralisme.
M. Metuy, un habitant de Torosei, dans le comt茅 de Kajiado au Kenya, a racont茅 l'angoisse qu'il a ressentie en voyant 20 de ses vaches laiti猫res s'effondrer et mourir 脿 cause de la chaleur implacable de l'ann茅e derni猫re. Il a racont茅 comment il s'est couvert le nez de l'odeur des bovins en d茅composition alors qu'il tra卯nait leurs cadavres fl茅tris vers les tas d'autres animaux morts qui avaient succomb茅 脿 la s茅cheresse.听
Il a dit qu'il se battait pour sauver le b茅tail qui lui restait. "Les vaches qu'il me reste sont maintenant comme des squelettes. Elles se tra卯nent dans le champ, en attendant de mourir."听
Croyant que la s茅cheresse ne prendrait pas fin 脿 temps pour sauver ses vaches, M. Metuy leur a fait traverser les fronti猫res internationales 脿 la recherche de p芒turages frais et d'eau en Tanzanie voisine. Mais d'autres 茅leveurs d'Afrique de l'Est avaient d茅j脿 migr茅 vers la Tanzanie avec leur b茅tail, 茅puisant les p芒turages et l'eau dans ce pays. Ses vaches 茅tant plus maigres, plus faibles et sans nourriture ni eau, M. Metuy n'a eu d'autre choix que de les ramener 脿 Kajiado.听
En chemin, le b茅tail ne pouvant plus marcher, M. Metuy a emprunt茅 de l'argent et lou茅 un v茅hicule pour le transporter. 脌 son retour, il a appris que d'autres 茅leveurs des comt茅s de Kajiado, Garissa, Turkana et Isiolo vendaient leurs vaches 脿 prix r茅duit, jusqu'脿 2000 Kshs (20 $).
Il est n茅cessaire que les pays riches respectent leurs engagements de financer des activit茅s qui r茅duisent les urgences climatiques et de prot茅ger les populations pauvres par des compensations financi猫res.
Le Kenya et la CdP27
En novembre 2022, tous les regards se sont tourn茅s vers la ville c么ti猫re 茅gyptienne de Sharm el-Sheikh o霉 s'est tenue la CdP27, surnomm茅e la CdP de l'Afrique. Le th猫me de la conf茅rence 茅tait "Delivering for People and the Planet".
La conf茅rence a attir茅 plus de 40 000 participants, dont des chefs d'脡tat, des militants du climat, des maires, des repr茅sentants de la soci茅t茅 civile, des PDG, des ministres et des n茅gociateurs. Les espoirs des populations du monde entier 茅taient en jeu, notamment ceux de plus d'un milliard de personnes en Afrique, continent frapp茅 de mani猫re disproportionn茅e par la crise climatique.听
Le pr茅sident du Kenya, William Ruto, a inform茅 les participants 脿 la conf茅rence de la terrible s茅cheresse qui s茅vit dans son pays. D'autres K茅nyans ont partag茅 des histoires d茅chirantes de stress et de souffrance suite 脿 quatre saisons brutales de manque de pluie.
Le pastoralisme est l'une des principales activit茅s 茅conomiques des populations des zones arides et semi-arides d'Afrique. Pratiqu茅 par les membres des tribus depuis des si猫cles, il s'agit du syst猫me de production le plus viable dans les zones arides. Actuellement, le pastoralisme repr茅sente 90 % de l'emploi des jeunes et assure plus de 95 % des revenus des familles rurales dans les zones arides du nord du Kenya.
Les r茅gions les plus touch茅es par le changement climatique sont Garissa, Isiolo, Kajiado, Turkana, Kitui, Mandera, Marsabit, Laikipia, Samburu, Tana River et Wajir. L'Autorit茅 nationale de gestion de la s茅cheresse (NDMA) d茅signe ces r茅gions comme faisant partie du "stade d'alarme", ce qui signifie qu'elles connaissent les pires formes d'urgence en mati猫re de s茅cheresse.
Le d茅partement national de l'茅levage confirme que le Kenya a perdu 2,5 millions de t锚tes de b茅tail et que les 10 millions de t锚tes restantes dans les zones arides souffrent sans p芒turage ni eau.
La secr茅taire d'脡tat au tourisme, Peninah Malonza, indique qu'entre f茅vrier et octobre 2022, 205 茅l茅phants ont p茅ri en raison de la s茅cheresse actuelle dans les zones prot茅g茅es contr么l茅es par le Kenya Wildlife Services (KWS).
Le Kenya a 茅galement perdu 512 gnous, 381 z猫bres, 12 girafes et 51 buffles pendant la m锚me p茅riode dans cette zone, selon Mme Malonza. Aucune donn茅e sur le nombre de d茅c猫s n'est disponible dans l'茅cosyst猫me du parcours o霉 60 % de la faune sauvage coexiste avec le b茅tail de la communaut茅.
Lutter contre le changement climatique听
Les chercheurs 茅tablissent un lien entre la gravit茅 et la fr茅quence des catastrophes naturelles telles que les s茅cheresses, les inondations, les invasions de criquets et la pand茅mie de la COVID-19 et le changement climatique. Ils estiment que le co没t de l'att茅nuation, de l'adaptation et de l'indemnisation des pertes et des dommages s'茅l猫vera 脿 environ 580 milliards de dollars en 2030 et pourrait atteindre 1 800 milliards de dollars en 2050.
M锚me si les nations riches et leurs grandes entreprises sont en grande partie responsables des 茅missions de gaz 脿 effet de serre 脿 l'origine du changement climatique, les pays africains, dont le Kenya, souffrent de mani猫re disproportionn茅e des effets du changement climatique. L'impact est le plus grave parmi les populations pauvres.
Les s茅cheresses, les inondations, les maladies du b茅tail et les conflits arm茅s r茅duisent 脿 n茅ant leurs moyens de subsistance, soulignant la n茅cessit茅 pour le Kenya d'aider sa population la plus pauvre 脿 s'adapter en d茅veloppant des moyens durables de gagner sa vie dans les zones arides.
Alors que le gouvernement pourrait s'engager aupr猫s des nations riches et puissantes pour obtenir de l'aide dans la lutte contre la crise mondiale, il devrait donner la priorit茅 aux protections sociales et aux programmes de renforcement de la r茅silience pour la population pauvre croissante du Kenya.
Les autorit茅s doivent int茅grer les protections sociales, le renforcement de la r茅silience et les formes alternatives d'interventions de d茅veloppement pour les urgences li茅es 脿 la s茅cheresse. Les administrations nationales et des comt茅s doivent mobiliser les jeunes des communaut茅s pauvres pour mettre en 艙uvre des programmes de plantation d'arbres 脿 grande 茅chelle dans les zones arides.
脌 l'approche de la CdP28, on s'attend 脿 ce que les pays, en particulier les pays industrialis茅s, respectent leurs engagements et acc茅l猫rent les efforts pour faire face aux pertes et aux dommages.
Il est n茅cessaire que les pays riches respectent leurs engagements de financer des activit茅s qui r茅duisent les urgences climatiques et de prot茅ger les populations pauvres par des compensations financi猫res. Les gouvernements doivent n茅anmoins g茅rer leur app茅tit pour la taxation des revenus des communaut茅s pauvres provenant des cr茅dits carbone obtenus par la pr茅servation des p芒turages.听
Apr猫s la CdP27, nous devons faire pression sur les nations riches pour qu'elles r茅duisent leurs 茅missions de gaz 脿 effet de serre et soutiennent les populations 脿 faibles revenus afin de renforcer leur r茅silience et leur adaptation.
Si nous ne nous attaquons pas rapidement 脿 la cause profonde du changement climatique, les conditions vont empirer.
Le sixi猫me rapport d'茅valuation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'茅volution du climat (GIEC) met en garde contre l'extinction d'esp猫ces et la r茅duction et les pertes irr茅versibles d'茅cosyst猫mes et de services, notamment les dommages et les pertes subis par les 茅cosyst猫mes d'eau douce, terrestres et oc茅aniques en Afrique. Il pr茅voit en outre une r茅duction de la production alimentaire et une perte massive de biodiversit茅, de faune sauvage, de b茅tail et de p锚che.
脌 l'approche de la CdP28, on s'attend 脿 ce que les pays, en particulier les pays industrialis茅s, respectent leurs engagements et acc茅l猫rent les efforts pour faire face aux pertes et aux dommages.
La vie et les moyens de subsistance des 茅leveurs des zones arides du nord du Kenya et de toute l'Afrique d茅pendent de ce que ces pays riches - et les gouvernements africains - feront ensuite. Tout retard pourrait s'av茅rer mortel.
Jarso Mokku is the CEO of Drylands Learning and Capacity Building Initiative and Secretary to the Pastoralist Parliamentary Group Secretariat based in Nairobi, Kenya.
