Dorothy Tembo听est la Directrice ex茅cutive par int茅rim du Centre du commerce international (ITC), une agence conjointe des Nations Unies et de l'Organisation mondiale du commerce. En juin, le CCI a produit un intitul茅 "COVID-19" : Le Grand verrouillage et son impact sur les petites entreprises". Dans une interview avec听Kingsley Ighobor, Mme Tembo parle du rapport, du r么le des femmes et des jeunes dans le r茅tablissement post-pand茅mie en Afrique, entre autres sujets. Voici des extraits de l'interview.
Quels sont les messages cl茅s de votre rapport r茅cemment publi茅 sur la COVID-19 et les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) ?
Le premier est que les MPME sont importantes, et qu'elles doivent 锚tre au centre de tout effort de r茅tablissement post-pand茅mique. Deuxi猫mement, il y a une perturbation de l'approvisionnement mondial dont ces MPME font partie. Le troisi猫me message est que, 脿 l'avenir, nous devons r茅fl茅chir attentivement 脿 la mani猫re dont nous soutenons les MPME, en nous assurant que nous conduisons dans la direction de cha卯nes de valeur plus r茅sistantes qui peuvent supporter les perturbations 脿 l'avenir.
Le rapport indique que les MPME, en particulier dans les pays pauvres, sont touch茅es de mani猫re disproportionn茅e par la pand茅mie. Pourquoi en est-il ainsi ?
Les pays pauvres sont confront茅s 脿 d'茅normes d茅fis 茅conomiques. La pand茅mie a aggrav茅 une situation d茅j脿 mauvaise. Pendant des ann茅es, ces pays ont r茅clam茅 脿 grands cris une aide pour construire des infrastructures qui soutiennent le d茅veloppement 茅conomique. Dans ces pays, les entreprises sont relativement petites et n'ont pas acc猫s au financement. Certains de ces pays sont enclav茅s et le co没t des affaires y est donc beaucoup plus 茅lev茅 que dans les autres.
La campagne "Faire Taire les Armes 2020" de l'Union Africaine, si elle est couronn茅e de succ猫s, pourrait renforcer la r茅silience des pays dans la reprise. Est-ce exact ?
Absolument. Si nous pouvions avoir une situation o霉 la paix r猫gne dans les pays, ce serait l'occasion de consolider les efforts de d茅veloppement.
Votre rapport brosse un tableau sombre de la situation des MPME en Afrique. Par exemple, une petite entreprise sur cinq serait en faillite dans les cinq mois et on s'attend 脿 ce que des exportations d'une valeur de 2,4 milliards de dollars soient perdues cette ann茅e. Y a-t-il de bonnes nouvelles ?
Vous avez raison. Nous ne devons pas sous-estimer l'impact de la COVID-19 sur les pays. Mais je pense qu'il y a une lueur d'espoir. La situation actuelle nous donne l'occasion de r茅fl茅chir 脿 ce qu'il faut faire 脿 l'avenir pour permettre aux MPME de devenir plus r茅sistantes. Il y a des opportunit茅s potentielles.
Tout d'abord, la possibilit茅 pour les pays et les entreprises de commencer 脿 innover, car les petites entreprises ont tendance 脿 锚tre agiles et capables de s'adapter. Par exemple, certaines entreprises avec lesquelles nous travaillons sont capables de faire du commerce 茅lectronique et ont surv茅cu. Ainsi, l'innovation est une possibilit茅 en termes de cha卯nes de valeur existantes ou en faisant quelque chose de compl猫tement nouveau.
Deuxi猫mement, nous avons la possibilit茅 de repenser la mani猫re dont nous d茅veloppons des cha卯nes de valeur plus r茅sistantes qui peuvent s'adapter 脿 des situations difficiles futures.
Troisi猫mement, nous devons explorer des options de production plus durables qui, 脿 long terme, sont moins co没teuses et davantage respectueuses de l'environnement.
Le dernier point est que les pays ont la possibilit茅 de r茅fl茅chir 脿 leur gamme de produits. De nombreux pays d茅pendent d'un seul ou de quelques produits de base. Ils pourraient d茅sormais envisager une gamme de produits plus large ainsi qu'une diversification des march茅s. L'Afrique peut envisager les possibilit茅s qu'offre la Zone de libre-茅change continentale africaine (ZLECA en termes de valeur ajout茅e, au sein du continent, m锚me si les pays se tournent vers les march茅s mondiaux.
Nombreux sont ceux qui pensent que la jeunesse africaine peut mener la charge de l'innovation. Quel est votre avis 脿 ce sujet ?
Je suis d'accord. C'est ce que nous avons observ茅 dans le cadre de notre travail avec les jeunes en Afrique. Si vous regardez certains des secteurs o霉 le changement s'est produit, le c么t茅 num茅rique des choses par exemple, ce sont les jeunes qui sont impliqu茅s, et ils conduisent la tendance et montrent leur capacit茅.听听
De plus, les jeunes ont tendance 脿 sortir des sentiers battus et peuvent se repositionner rapidement. Nous devons leur donner la priorit茅. Ils sont l'avenir et nous ne pouvons pas les laisser derri猫re.
Votre rapport propose un plan d'action en 15 points. Comment vous assurez-vous que vos recommandations sont mises en 艙uvre par les MPME, les organisations de soutien aux entreprises et les diff茅rents gouvernements ?
Le plan d'action fournit quelques lignes directrices sur ce que les trois groupes de parties prenantes devraient examiner, c'est-脿-dire les mesures imm茅diates qu'ils peuvent prendre. Ces lignes directrices ont 茅t茅 tir茅es de notre engagement aupr猫s de diff茅rentes entreprises dans diff茅rents pays. Elles portent sur les questions essentielles qui touchent ces pays.
Les pays voient la pertinence de ce que nous faisons. Ils veulent relever les d茅fis auxquels ils sont confront茅s. L'ITC et d'autres organismes veillent 脿 ce que, lorsque les pays d茅cident de mettre en 艙uvre nos recommandations, nous collaborions avec eux pour leur fournir l'assistance technique n茅cessaire ou toute autre prise en main requise.
Les femmes constituent un pourcentage 茅norme des Africains engag茅s dans le commerce informel. 脡tant donn茅 que les femmes sont touch茅es de mani猫re disproportionn茅e par la COVID-19, est-il raisonnable de sugg茅rer qu'elles soient prioritaires dans toute aide au redressement ?
Absolument, et pas seulement 脿 cause de la COVID-19. La participation 茅conomique des femmes a 茅t茅 tr猫s limit茅e. Dans la plupart des cas, les femmes ne sont pas tr猫s engag茅es ou autoris茅es 脿 participer aux affaires. M锚me lorsqu'elles peuvent participer, elles sont probablement des travailleuses et lorsqu'elles poss猫dent une entreprise, il s'agit de petites exploitations qui ne peuvent pas se d茅velopper pour diverses raisons.
Les entreprises f茅minines risquent de fermer en raison de la pand茅mie ; par cons茅quent, toute forme d'aide financi猫re aux entreprises doit tenir compte de la situation des femmes ou 锚tre envisag茅e sous l'angle du genre. L'ITC a con莽u un programme d'autonomisation des femmes appel茅 SheTrades dans le cadre duquel nous visons 脿 mettre trois millions de femmes en contact avec les march茅s. M锚me aujourd'hui, les femmes ne sont pas en mesure d'obtenir les informations n茅cessaires pour acc茅der aux ressources fournies dans le cadre de la COVID-19.
Quelqu'un m'a racont茅 une histoire tr猫s int茅ressante 脿 propos d'une fronti猫re en Afrique australe. 脌 cette fronti猫re, deux lignes 茅taient form茅es : une pour les hommes et une autre pour les femmes. La ligne pour les hommes a 茅t茅 d茅gag茅e avant celle pour les femmes. Au moment o霉 la ligne des femmes a 茅t茅 franchie, les hommes 茅taient sur les march茅s depuis des heures et avaient vendu leurs marchandises. Cela peut sembler simple, mais cela a un impact 茅norme sur la fa莽on dont les affaires sont men茅es et sur les opportunit茅s perdues.
Quel est le d茅lai pour connecter trois millions de femmes au march茅 ?
Notre engagement est que d'ici 2021, nous aurons connect茅 trois millions de femmes au march茅. Nous sommes d茅j脿 脿 la moiti茅 de ce chiffre.
Compte tenu de l'impact perturbateur de la COVID-19, pouvez-vous encore atteindre l'objectif de 2021 ?
Je pense que oui. Pour la simple raison que la demande pour atteindre les Objectifs de d茅veloppement durable (ODD) est encore plus forte aujourd'hui qu'auparavant. Je reste optimiste. Nous continuerons 脿 nous conduire en comprenant les d茅fis auxquels nous sommes confront茅s.
Comment relier les femmes au march茅 ?
Nous avons identifi茅 certains probl猫mes fondamentaux qui rendent les femmes peu comp茅titives dans les affaires. L'un d'eux est le manque d'acc猫s au financement. Dans certains pays, les femmes doivent encore demander l'accord de leur mari avant d'obtenir un pr锚t. Et les taux d'int茅r锚t des pr锚ts sont trop 茅lev茅s et inabordables.
De plus, certaines politiques ne soutiennent pas la promotion 茅conomique des femmes. Nous travaillons donc avec les gouvernements dans le cadre de l'initiative SheTrades pour d茅terminer pr茅cis茅ment les probl猫mes auxquels les femmes sont confront茅es et tenter de les r茅soudre. Nous devons penser diff茅remment en ce qui concerne l'acc猫s des femmes au financement. Pouvons-nous envisager des moyens non traditionnels pour que les femmes puissent acc茅der au financement ?
Une telle r茅flexion est-elle en cours ?
Oui, c'est le cas. Nous travaillons avec diff茅rents partenaires. Nous faisons partie du SDG 500, qui est une initiative impliquant d'autres agences des Nations Unies. Nous collaborons avec le secteur priv茅 et certaines fondations. L'objectif est de mobiliser environ 500 millions de dollars pour aider les MPME, en particulier celles dirig茅es par des femmes, 脿 acc茅der 脿 des ressources avec des exigences minimales.
Les pays en d茅veloppement exportent une quantit茅 importante d'intrants vers d'autres r茅gions pour la production d'茅quipements de protection individuelle (EPI).听
Les pays en d茅veloppement exportent une quantit茅 importante d'intrants vers d'autres r茅gions pour la production d'茅quipements de protection individuelle (EPI). Dans le cadre de la Zone de libre-茅change continentale africaine, l'ITC aide-t-il l'Afrique 脿 produire des EPI ?
Notre soutien va bien au-del脿 des EPI, car la lib茅ralisation du commerce est le fondement de la zone de libre-茅change africaine. C'est la fa莽on dont l'Afrique se positionne pour maximiser les opportunit茅s de libre-茅change.
Dans le contexte actuel, y a-t-il une possibilit茅 pour les pays africains de produire des EPP ? Oui. Et cela commence d茅j脿 脿 s鈥檕bserver. Mais 脿 quel co没t et sommes-nous en mesure de produire pour r茅pondre 脿 la demande de l'ensemble du continent ? Je pense qu'il y a une marge de progression car nous continuons 脿 importer de l'ext茅rieur.
Vous vous 锚tes fortement impliqu茅 dans les questions commerciales dans votre pays (Zambie). Quel est votre point de vue sur la Zone de libre-茅change?
Je crois au libre-茅change et l'Afrique devrait saisir cette opportunit茅. Mais il faut que le niveau d'engagement politique augmente. En rendant l'accord op茅rationnel, les pays participants doivent respecter leurs engagements. L'Afrique est en mesure d'attirer les investissements. Elle dispose de ressources pour la production int茅rieure. Elle dispose de ressources humaines. Nous devons maintenant mieux nous organiser.
Quel soutien le CCI apporte-t-il aux MPME en Afrique en ces temps difficiles ?
Notre mandat consiste 脿 travailler avec les MPME pour soutenir le d茅veloppement 茅conomique des pays en d茅veloppement. Nous aidons les pays 脿 mieux comprendre ce qui les a confront茅s [la COVID-19] ces derniers mois. Gr芒ce 脿 des enqu锚tes, nous disposons d'informations sur des questions sp茅cifiques 脿 certains pays. Notre rapport s'appuie sur ces efforts. Nous avons le plan d'action, mais en parall猫le, nous travaillons directement avec les entreprises pour qu'elles puissent traverser cette p茅riode difficile.
Nous travaillons avec les entreprises pour trouver diff茅rentes fa莽ons de g茅rer l'interaction entre entreprises qui se faisait auparavant en face 脿 face. Aujourd'hui, les entreprises utilisent des plateformes en ligne pour commercer. Nous avons continu茅 脿 fournir des informations consolid茅es par l'interm茅diaire du Global Help Desk, qui est un guichet unique pour toutes les informations li茅es au commerce.
Quel message souhaitez-vous faire passer aux chefs d'entreprise des MPME africaines ?
C'est une p茅riode difficile pour les MPME, c'est certain. Elles doivent s'assurer qu'elles restent r茅sistantes dans cette p茅riode difficile.听Pour survivre, elles doivent s'appuyer sur leur esprit d'innovation.
