L'Afrique est confront茅e 脿 sa pire r茅cession 茅conomique depuis 25 ans, en grande partie 脿 cause de la pand茅mie COVID-19. On estime que l'茅conomie du continent va se contracter de 2,6 % dans le pire des cas, poussant environ 29 millions de personnes dans l'extr锚me pauvret茅 et entra卯nant 19 millions de pertes d'emplois, tandis que les envois de fonds vers l'Afrique subsaharienne devraient diminuer de 23,1 % (37 milliards de dollars) rien qu'en 2020.
Les dirigeants du continent doivent de toute urgence trouver de nouveaux moyens de financer le d茅veloppement, sous peine de prendre davantage de retard.
Le financement du d茅veloppement de l'Afrique est d茅j脿 en panne, mais la pand茅mie COVID-19 menace d'inverser davantage la lenteur des progr猫s vers la r茅alisation des objectifs de d茅veloppement durable (SDG) et de l'Agenda 2063 de l'Union africaine - les plans pour un avenir plus durable et qui r茅pondent aux d茅fis mondiaux tels que la pauvret茅 et le changement climatique.
Le pr茅sident de l'Union africaine (UA) et pr茅sident sud-africain, Cyril Ramaphosa, d茅clare : "La pand茅mie a fait reculer le processus des SDG, et nous avons maintenant besoin de ressources financi猫res suppl茅mentaires pour permettre aux 茅conomies en d茅veloppement de r茅agir efficacement, non seulement 脿 la pand茅mie, mais aussi de se r茅tablir et de reconstruire".
M. Ramaphosa soutient que la pand茅mie a consid茅rablement r茅duit la marge de man艙uvre budg茅taire des pays pour respecter leur engagement 脿 soutenir le d茅veloppement. Il ajoute que les d茅fis auxquels sont confront茅s les pays en d茅veloppement sont aggrav茅s par la faiblesse des syst猫mes de sant茅 publique, les filets de s茅curit茅 sociale limit茅s, les niveaux 茅lev茅s d'in茅galit茅, le lourd fardeau de la dette, la r茅duction des recettes fiscales, les sorties de capitaux et le manque d'acc猫s ad茅quat et suffisant aux march茅s financiers.
En mars 2020, les ministres africains des finances ont appel茅 脿 un plan de relance de 100 milliards de dollars pour fournir aux gouvernements la marge de man艙uvre budg茅taire et les liquidit茅s dont ils ont tant besoin. La sous-secr茅taire g茅n茅rale des Nations Unies et conseill猫re sp茅ciale pour l'Afrique, Cristina Duarte, estime que l'Afrique devrait adopter une nouvelle approche du financement du d茅veloppement, une approche qui renforce ses syst猫mes et ses institutions afin d'am茅liorer la mobilisation des ressources nationales de mani猫re 脿 ce qu'elle puisse financer l'essentiel de son d茅veloppement et redresser sa situation.
En expliquant cette nouvelle approche, Mme Duarte d茅clare que "le d茅fi de l'Afrique n'est pas l'absence de liquidit茅s ou de fonds pour financer le d茅veloppement. Ses probl猫mes sont des flux financiers illicites massifs qui drainent les capacit茅s de financement et le manque d'appropriation des ressources naturelles, associ茅s 脿 toute une histoire construite autour de la gestion de la pauvret茅 plut么t que du d茅veloppement, et d茅crivant l'Afrique comme un continent pauvre ayant besoin de l'aide de la communaut茅 internationale".
L'Afrique perd 89 milliards de dollars par an, soit environ 3,7 % de son produit int茅rieur brut (PIB), en flux financiers illicites, selon la Conf茅rence des Nations unies sur le commerce et le d茅veloppement (CNUCED). L'organisation indique que la r茅duction de ces flux pourrait permettre au continent de conserver des fonds substantiels qui pourraient 锚tre affect茅s 脿 la lutte contre la pand茅mie COVID-19 et au d茅veloppement.
Mme Duarte, qui dirige le Bureau du conseiller sp茅cial pour l'Afrique des Nations unies (OSAA), qui travaille avec l'UA et d'autres institutions multilat茅rales pour assurer un soutien coh茅rent au continent, estime que les pays africains, ainsi que les syst猫mes financiers et multilat茅raux internationaux, doivent changer leur approche du financement du d茅veloppement en Afrique.
Cela implique de passer d'une perspective essentiellement ax茅e sur la gestion de la pauvret茅 脿 une approche de gestion du d茅veloppement. L'approche de la gestion de la pauvret茅 identifie l'all猫gement de la dette et l'aide publique au d茅veloppement (APD), entre autres, comme les principaux outils de financement du d茅veloppement, tandis que l'approche de la gestion du d茅veloppement se concentre davantage sur la mobilisation des ressources int茅rieures comme moyen fondamental de garantir un financement durable. Cette derni猫re approche est plus durable et contribue 脿 pr茅server l'appropriation de leurs ressources par les pays en d茅veloppement.
"Les pays africains ont la responsabilit茅 de construire le nouveau r茅cit de l'Afrique en changeant la fa莽on de penser et en ne comptant plus sur l'aide ext茅rieure, qui est tr猫s n茅cessaire, mais en s'appuyant d'abord sur les capacit茅s et les comp茅tences int茅rieures et nationales", d茅clare Mme Duarte, ajoutant que la lutte contre la corruption, la fraude fiscale et les flux financiers illicites sont les pierres angulaires d'une mobilisation r茅ussie des ressources int茅rieures. Les dirigeants africains doivent 茅galement honorer les engagements pris dans le cadre du programme d'action d'Addis-Abeba de la troisi猫me conf茅rence internationale sur le financement du d茅veloppement, notamment pour r茅duire sensiblement les flux financiers illicites, lutter contre la fraude fiscale et la corruption, r茅duire le co没t des transferts de fonds et soutenir d'autres efforts visant 脿 renforcer la mobilisation des ressources nationales.
Selon Mme Duarte, cette nouvelle fa莽on de penser signifie 茅galement un changement dans la perception de l'Afrique en tant que continent b茅n茅ficiaire de l'aide, qui devient une partie prenante et un acteur cl茅 sur la sc猫ne mondiale, avec les m锚mes droits et le m锚me statut que toute autre r茅gion au sein des Nations unies et d'autres organisations internationales.
L'industrialisation verte
En outre, Mme Duarte soutient que l'Afrique peut exploiter son potentiel d'industrialisation verte en se concentrant sur trois facteurs cl茅s : Tout d'abord, exercer la propri茅t茅 de la gestion des ressources naturelles ; ensuite, progresser le long des cha卯nes de valeur mondiales ; et enfin, tirer parti de la zone de libre-茅change du continent africain (AfCFTA) pour cr茅er des cha卯nes de valeur r茅gionales int茅gr茅es. Dans ce contexte, le d茅veloppement des march茅s de capitaux africains pour mobiliser les liquidit茅s financi猫res du continent sera crucial.
Elle recommande en outre que les solutions de financement soient adapt茅es aux circonstances uniques des diff茅rentes cat茅gories de pays africains, notamment les petits 脡tats insulaires en d茅veloppement (PEID), les pays les moins avanc茅s (PMA) et les pays en d茅veloppement sans littoral (PDSL).
Les solutions devraient 茅galement 锚tre adapt茅es aux pays en situation de conflit et aux pays fragiles 脿 revenu interm茅diaire disposant d'une marge de man艙uvre budg茅taire limit茅e, car ils sont vuln茅rables aux chocs ext茅rieurs. Cela aidera ces pays 脿 att茅nuer l'impact n茅gatif de COVID-19 sur leur 茅conomie et 脿 mieux reconstruire, dit-elle.
Enfin, selon Mme Duarte, il est n茅cessaire d'am茅liorer l'efficacit茅 et de renforcer la responsabilit茅 des m茅canismes existants. Les pays africains doivent s'engager de mani猫re constructive dans les diff茅rents processus en cours, notamment le groupe de haut niveau sur la responsabilit茅 financi猫re internationale, la transparence et l'int茅grit茅 pour la r茅alisation de l'agenda 2030 (FACTI Panel), r茅cemment cr茅茅. Ce groupe compl猫te les efforts actuels visant 脿 am茅liorer le financement du d茅veloppement, notamment en s'attaquant aux flux financiers illicites et en luttant contre la corruption.
"Ce sont des mesures cruciales pour aider les pays africains 脿 d茅bloquer des ressources pour financer la reprise et 脿 mieux construire au-del脿 de COVID-19", conclut Mme Duarte.
