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Musique africaine : aller-retour Cotonou-La Havane

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Musique africaine : aller-retour Cotonou-La Havane

L’influence des Caraïbes dans le dévelopment des rythmes afro populaires
Franck Kuwonu
Afrique Renouveau: 
9 Avril 2019
Angélique Kidjo performs in a concert.
North Caroline Museum of Art
Angelique Kidjo en concert.

Dimanche soir Ă  Aba House, un bar en plein air de LomĂ©,Ěý la capitale togolaise : d`Ă©lĂ©gants jeunes gens en tenues africaines modernes occupent la piste de danse tandis que le bassiste accĂ©lère le tempo. Puissance et Ă©motion sont au rendez-vous.

Les paroles sont en mina, une langue du sud du Togo et de certaines régions du Bénin voisin. La musique, elle, est indéniablement afro-cubaine – un genre connu dans le monde entier.

Le temps est frais, brumeux, une brise marine souffle de l’ocĂ©an Atlantique qui grondeĚý au loin.

De l’autre côté de la rue, les passants admirent les habits colorés et les mouvements élégants des danseurs et regardent les clients qui dégustent t des amuse-gueules en accompagnement des bières, whiskys et autres sodas qu’on leur a servis.

Quelques minutes plus tĂ´t, le groupe a jouĂ© un reggae plutĂ´t rythmĂ© et une interprĂ©tation high-life d’un hymne chrĂ©tien. Mais c’est bien le son de la rumba afro-cubaine qui fait maintenant danser les clients, qui tournoient et balancent des hanches sur la piste de danseĚý bondĂ©e.

« C’est le bar de mon père. Nous jouons ici tous les dimanches soir », explique George Lassey, le leader du groupe, à Afrique Renouveau. « Nous jouons des styles très différents : du reggae, du gospel, de la salsa et autres ».

Mais selon M. Lassey, la salsa est « de loin la musique la plus demandée pendant les concerts ».

La salsa, un genre populaire

La musique salsa est restée populaire en Afrique de l’Ouest depuis son arrivée dans la région dans les années 50, apparemment par l’intermédiaire de marins.

De Lomé à Bamako au Mali, en passant par Conakry en Guinée, Cotonou au Bénin et Dakar au Sénégal, plusieurs groupes ont acquis une renommée internationale en jouant en concert des airs entraînants de danse cubaine.

Parmi les groupes connus qui intègrent du groove cubain à leur répertoire, on trouve Orchestra Baobab ou Le Super Étoile de Dakar – célèbre pour sa musique dansante influencée par les sons latino-américains et le mbalax, auxquels la superstar sénégalaise Youssou N’Dour, également ambassadeur de bonne volonté de l’UNICEF, doit sa notoriété. Le Rail Band de Bamako et l’Orchestre Poly-Rhythmo de Cotonou sont d’autres exemples.

Couleurs d’Afrique

Début 2010, plusieurs chanteurs africains de renom jouant de la salsa ont uni leurs forces à celles de musiciens new-yorkais pour créer Africando, un groupe qui a introduit une salsa de couleur africaine sur le marché mondial de la musique.

Angélique Kidjo, artiste de renommée mondiale, elle aussi ambassadrice de bonne volonté de l’UNICEF, a grandi au Bénin et ressenti ce lien étroit avec la salsa.

« En Ă©coutant Celia, c’est l’Afrique que j’entendais », se souvient-elle en parlant de Celia Cruz, disparue en 2003 etĚý surnommĂ©eĚý la « reine de la salsa ».

En juillet 2016, AngĂ©lique Kidjo s’est associĂ©e Ă  plusieurs musiciens cubains basĂ©s Ă  New York pour rendre hommage Ă  Celia Cruz avant de reprendre son spectacleĚý aux États-Unis, en Europe et en Asie

La popularité de la salsa et l’émergence récente de styles tels que l’AfroSoca dans les Caraïbes témoignent de la résilience des arts et cultures africains ou issus d’Afrique à travers les siècles, et ce, dans des conditions parfois difficiles.

« La salsa et les rythmes des CaraĂŻbes ont des racines africaines bien connues. Mais il est tout aussi vrai que nombre de musiques africaines modernes doivent beaucoup Ă  la salsa et au son cubano », explique Angel Romero Ruiz, fondateur et rĂ©dacteur en chef de World Music Central, un magazine amĂ©ricain en ligne consacrĂ© aux musiques du monde. El son cubano est le style afro-cubain de chanson par excellence (le terme peut aussi dĂ©signerĚý un style de danse particulier).

Aller-retour

Des spécialistes de musique sont à l’origine de l’expression « phénomène aller-retour » (« round-trip phenomenon »), qui désigne les rythmes et les sons qui voyagent avant de revenir à leur source.

La rumba congolaise illustre ce phĂ©nomène : elle est issue d’el son cubano,Ěý lequel assurait au dĂ©part une fonction particulière, celle de transmettre les nouvelles venues des campagnes. Les composantes hispaniques fondamentales de la rumba congolaiseĚý sont notamment le style vocal et la poĂ©sie lyrique qui Ă©mane de ces chansons. Le schĂ©ma suivi est celui de l’appel et de la rĂ©ponse, issu de la tradition bantoue africaine.

« IndĂ©pendance Cha Cha », interprĂ©tĂ©e par Joseph Kabasele (connu comme Le Grand KallĂ©, son nom de scène), a Ă©tĂ© composĂ©e et interprĂ©tĂ©e pour la première fois en 1960 pour cĂ©lĂ©brer l’indĂ©pendance de l’ancien Congo belge (l’actuelle RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo). Cette chanson a rapidement conquis tout le continent Ă  une Ă©poque oĂą d’autres pays africains accĂ©daient Ă Ěý l’indĂ©pendance . La chanson continue d’être interprĂ©tĂ©e aujourd’hui et a inspirĂ© d’autres genres panafricains comme le soukous, le makossa et le coupĂ©-dĂ©calĂ©.

Le makossa, genre de musique camerounaise popularisĂ© par le saxophoniste Manu Dibango, a lui-mĂŞme contribuĂ© Ă  l’émergenceĚý du disco aux États-Unis grâce Ă  sa chanson « Soul Makossa ».

Dans l’album Thriller sorti en 1982, la chanson de Michael Jackson « Wanna Be Startin’ Somethin’ » utilise le refrain « Mama-say mama-sah ma-ma-coo-sah ». Plusieurs spécialistes pensent qu’il s’agit d’un sample du refrain de l’album de Manu Dibango.

Au fil des ans, la rumba congolaise, l’Afrobeat nigĂ©rian, le high-life ghanĂ©en, le calypso et le zouk antillais, la Soca trinidadienne et le dancehall se sont rĂ©pandus en Afrique et dans la diaspora et ont contribuĂ© Ă Ěý rĂ©vĂ©lerĚý la popularitĂ© des rythmes africains ainsi que leurs influences Ă  travers le monde.

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En 2014, l’AfroSoca – un mélange d’Afrobeat, de Soca traditionnelle et de dancehall – a fait son apparition dans les Caraïbes. Ce genre, introduit par le chanteur trinidadien Olatunji Yearwood, connaît un succès croissant de part et d’autre de l’Atlantique, et jusqu’en Afrique du Sud.

En 2011 en Afrique de l’Ouest, Flavour N’abania, un artiste populaire nigérian, a remporté un succès majeur avec un remix accrocheur de sa chanson de 2005 « Nwa Baby (Ashawo Remix) ». Cette chanson était une reprise de « Sawale », un tube high-life très populaire dans les années 1960. L’original de ce morceau, comme sa reprise de 2005, comporte un rythme lent, typique de la high-life ghanéenne et nigériane.

« Sawale » semble néanmoins s’inspirer, dans sa base rythmique et mélodique, d’« El Manisero», une chanson populaire cubaine, aussi connue sous le nom de « The Peanut Vendor ». Si l’on se téléporte en 2011, on découvre que rythme et tempo d’origine ont été transformés pour en faire cet immense tube tout droit sorti du Nigéria.

N’étaient les paroles en anglais pidgin et la nationalité de l’artiste, les habitants des Caraïbes auraient pu confondre ce tube avec l’un des leurs, tant l’influence de la Soca et du dancehall y sont fortes.

Azonto ghanéen

Il n’est pas surprenant que le tube du carnaval 2017, « Bouncing » de Shemmy J & Imran Nerdy, deux artistes originaires de Sainte-Lucie, rappelle « Ashawo » tel que remixé par Flavour.

Iyanya, un autre artiste Afrobeat nigérian, a réussi à mêler le makossa camerounais au coupé-décalé ivoirien et à l’azonto ghanéen dans sa chanson « Kukere ».

« Kukere » ressemble à de la Soca, à tel point que, lors des répétitions pour le carnaval de Port-d’Espagne à Trinidad, les danseurs n’avaient aucun problème à s’échauffer sur Iyanya tout en écoutant de la Soca.

« Peut-être a-t-il renforcé les points communs entre la Soca et l’Afrobeat et même le dancehall », écrit le critique de musique indépendant Jesse Serwer à propos de « Sanko », un tube de Timaya, autre artiste nigérian. « La chanson est à cheval entre les trois genres. Sa vidéo offre un mélange de mouvements de dancehall et de pas nigérians ».

Ă€ quoiĚý Timaya a rĂ©pondu: « Mon intention Ă©tait de crĂ©er un son unique qui susciterait la mĂŞme rĂ©ponseĚý et la mĂŞme Ă©nergie sur tous les continents. Je Ěý suis très heureux de pouvoir dire que j’y suisĚý arrivĂ© ».

Pour sensibiliser l’opinion publique aux droits de l’homme de millions de personnes d’ascendance africaine Ă  travers le monde, l’ONU a proclamĂ©Ěý la DĂ©cennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024. La musique est une contribution importante de ces personnes.

ł˘â€™A´Ú°ů´Ç˛ő´Çł¦˛ą, fusion de rythmes et de sons africains et caribĂ©ens contemporains, est bien le nouvel » Ěý Ěý Ěý

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