51吃瓜

En d茅cembre dernier, alors que les r茅sultats de l鈥櫭﹍ection pr茅sidentielle en Gambie tombent au compte-gouttes, le Pr茅sident sortant Yahya Jammeh sent le pouvoir lui 茅chapper. Puis les r茅sultats d茅finitifs r茅v猫lent qu鈥檜n nouveau venu, l鈥檋omme d鈥檃ffaires de 51 ans Adama Barrow, a recueilli 45,5 % des voix, contre 36,6 % pour M. Jammeh.听 Contre toute attente, M. Jammeh reconna卯t sa d茅faite et f茅licite M. Barrow par t茅l茅phone : 芦 le peuple gambien s鈥檈st exprim茅 et je n鈥檃i aucune raison de contester la volont茅 d鈥橝llah tout-puissant 禄, et il lui promet son 芦 aide pour la transition et la nomination d鈥檜n nouveau gouvernement 禄, avant de signifier le d茅but de la fin de ses 22 ann茅es au pouvoir.

脌 la surprise de beaucoup, un pr茅sident qui avait un jour d茅clar茅听 qu鈥檌l听 gouvernerait 芦 pendant 1 milliard d鈥檃nn茅es si Allah le d茅cr茅tait 禄 pr茅sidait 脿 une 茅lection et 脿 une transition paisibles.

Selon les analystes, l鈥櫭﹍ection gambienne indiquait l鈥檃v猫nement en Afrique de la d茅mocratie听 et du respect de la loi. Des organes r茅gionaux, l鈥橴nion africaine (UA) et la Communaut茅 茅conomique des 脡tats de l鈥橝frique de l鈥橭uest (CEDEAO) ont conjointement f茅licit茅 le peuple gambien听 芦 pour ses 茅lections pr茅sidentielles pacifiques, libres, 茅quitables et transparentes 禄. 听

Dans une d茅claration commune, la CEDEAO, l鈥橴nion africaine et l鈥橭NU ont 茅galement f茅licit茅 le Pr茅sident Jammeh d鈥檃voir accept茅 sa d茅faite de bonne gr芒ce et M. Barrow pour sa victoire.

Nic Cheeseman, professeur de d茅mocratie 脿 l鈥橴niversit茅 de Birmingham (Royaume-Uni) et auteur de Democracy in Africa: Successes, Failures and the Struggle for Political Reform, en fait le r茅sum茅 suivant : 芦 La situation en Gambie relance la d茅mocratie africaine. Elle renforce les principes importants du leader quittant le pouvoir apr猫s l鈥檃voir perdu. 禄

Mais l鈥檈nthousiasme听 allait vite se dissiper. Quelques jours plus tard, le 9 d茅cembre, M. Jammeh 茅voque des irr茅gularit茅s et demande l鈥檃nnulation de l鈥櫭﹍ection. La crainte de troubles, d鈥檌ntimidations et d鈥檃rrestations provoque la fuite de citoyens vers le S茅n茅gal voisin. Parmi eux, M. Barrow, le pr茅sident 茅lu. 听

Human Rights Watch, une organisation non gouvernementale bas茅e aux 脡tats-Unis et d茅fendant les droits de l鈥檋omme dans le monde, accuse M. Jammeh de violations des droits de l鈥檋omme et exhorte la communaut茅 internationale 脿 soutenir M. Barrow.

Pourquoi Jammeh a capitul茅听

On craignait que la situation en mati猫re de s茅curit茅 et de politique, d茅j脿 confuse,听 se d茅t茅riore encore apr猫s l鈥檌nvestiture de M. Barrow lors d鈥檜ne c茅r茅monie h芒tivement arrang茅e sans l鈥櫭ヽlat听 habituel 脿 l鈥檃mbassade de Gambie 脿 Dakar. 芦 C鈥檈st un jour qu鈥檃ucun Gambien n鈥檕ubliera jamais 禄, a d茅clar茅 M. Barrow dans un discours imm茅diatement apr猫s avoir pr锚t茅 serment. 芦 Le changement violent est banni pour toujours de la vie politique de notre pays. Tous les Gambiens sont donc vainqueurs. 禄听

La pression internationale intense exerc茅e par la CEDEAO mena莽ant d鈥檌nstaurer militairement la stabilit茅 dans le pays 鈥� 脿 l鈥檃ide des principales institutions nationales, des propres forces arm茅es de M. Jammeh et des citoyens soutenant une passation de pouvoir pacifique 鈥� a pouss茅 M. Jammeh 脿 lib茅rer ses fonctions. Il quitte le pays le 22 janvier pour Malabo, capitale de la Guin茅e 茅quatoriale.

Les experts d茅battent encore des facteurs qui ont incit茅 M. Jammeh 脿 capituler, et des enseignements, le cas 茅ch茅ant, pouvant en 锚tre tir茅s.

Malgr茅 les probl猫mes de s茅curit茅 dans de nombreux pays africains, de la R茅publique centrafricaine au Soudan du Sud, en passant par la R茅publique d茅mocratique du Congo, une passation pacifique du pouvoir peut 锚tre observ茅e dans quelques cas exceptionnels 鈥� une avanc茅e qui a pu motiver les Gambiens 脿 tenir bon, d茅clarent les experts.

Voici quelques exemples : en 2015, le Pr茅sident nig茅rian Goodluck Jonathan reconna卯t sa d茅faite apr猫s que le choix des 茅lecteurs se porte sur le chef de l鈥檕pposition Muhammadu Buhari. En d茅cembre 2016, le candidat de l鈥檕pposition ghan茅enne Nana Akufo-Addo l鈥檈mporte sur le Pr茅sident sortant John Mahama. S鈥檈nsuit une passation pacifique. 听

Des 茅lections pacifiques ont lieu en Tanzanie en novembre 2015, lorsque le Pr茅sident Jakaya Kikwete remet le pouvoir 脿 John Magufuli. En Somalie, Mohamed Abdullahi Mohamed, ancien premier ministre, d茅fait le pr茅sident en exercice Hassan Sheikh Mohamud, puis est investi pr茅sident, apr猫s deux tours de scrutin dans l鈥檃茅roport de la capitale plac茅 sous haute s茅curit茅. Il n鈥檡 a pas de suffrage universel dans le pays, le pr茅sident a donc 茅t茅 茅lu par les 329 parlementaires.

En Gambie, les citoyens avaient commenc茅 脿 se mobiliser contre M. Jammeh, 55 ans, qui s鈥櫭﹖ait empar茅 du pouvoir en 1994 lors d鈥檜n听 coup d鈥櫭塼at men茅 sans effusion de sang. Son gouvernement censurait les m茅dias et se montrait听 intol茅rant 脿 l鈥櫭ゞard听 de l鈥檕pposition. Les journalistes qui osaient critiquer le pr茅sident 茅taient jet茅s en prison , tandis que d鈥檃utres s鈥檈xilaient. Les journalistes internationaux recevaient rarement la permission d鈥檈ntrer dans le pays.

M. Jammeh 芦 ne s鈥檈st pas rendu compte听 que ses pratiques r茅pressives avaient fini par provoquer la col猫re, l鈥檃ngoisse, le m茅contentement et听 la d茅fiance du peuple禄, 茅crit Baba Galleh Jallow, un journaliste gambien, qui a fui aux 脡tats-Unis.

L鈥檈x-pr茅sident, homophobe, avait menac茅 d鈥櫭ゞorger les homosexuels, avant de faire adopter une loi les condamnant 脿 la perp茅tuit茅. Il se qualifiait de faiseur de miracles ayant le pouvoir de gu茅rir le sida, privant ainsi quelque 21 000 Gambiens s茅ropositifs de m茅dicaments antir茅troviraux salvateurs.听

Lors des trois 茅lections pr茅sidentielles pr茅c茅dentes, remport茅es haut la main, l鈥檕pposition avait accus茅 M. Jammeh de fraude g茅n茅ralis茅e et d鈥檌ntimidation des 茅lecteurs.

Les groupements r茅gionaux 茅conomiques et politiques, notamment la CEDEAO et l鈥橴A, ainsi que des organisations internationales comme l鈥橭NU, ont contribu茅 脿 forcer M. Jammeh 脿 renoncer au pouvoir, estiment听 les analystes.听

Le Repr茅sentant sp茅cial du Secr茅taire g茅n茅ral de l鈥橭NU et Chef du Bureau des Nations Unies pour l鈥橝frique de l鈥橭uest, Mohamed Ibn Chambas, a soulign茅 que
芦 pour M. Jammeh, c鈥檈st la fin听 et en aucun cas il ne peut continuer 脿 锚tre pr茅sident 禄.

La menace de l鈥檃ncien Pr茅sident M. Jammeh de sortir la Gambie de la Cour p茅nale internationale (CPI) 茅tait plus inqui茅tante encore. Cependant, apr猫s sa victoire dans les urnes, M. Barrow a chang茅 d鈥檕rientation, annon莽ant que le pays resterait 脿 la CPI et laissant entendre que M. Jammeh lui-m锚me pourrait bient么t faire l鈥檕bjet de poursuites p茅nales.

Enseignements tir茅s

Un accord de derni猫re minute n茅goci茅 par la CEDEAO laisse entendre que M. Jammeh a pu s鈥檌nqui茅ter pour sa vie apr猫s la pr茅sidence. L鈥檃ccord final garantit 芦 la dignit茅, le respect, la s茅curit茅 et les droits de l鈥檃ncien Pr茅sident Jammeh 禄.听

Dans un entretien accord茅 脿 Afrique Renouveau, le professeur Cheeseman a signal茅 trois enseignements que les pays peuvent tirer de la Gambie. Le premier enseignement est que 芦 l鈥檜nit茅 de l鈥檕pposition est essentielle 脿 son succ猫s 禄.听

脌 l鈥檃pproche des 茅lections, deux partis, le Gambia Party for Democracy and Progress et le Gambia Moral Congress, se sont associ茅s pour former la Peoples鈥� Alliance, dirig茅e par M. Barrow. Cela a permis 脿 la coalition de lutter contre l鈥橝lliance for Patriotic Reorientation and Construction Party de M. Jammeh听 et d鈥檃cc茅der au pouvoir. 听 听

Le deuxi猫me enseignement est qu鈥檌l 芦 n鈥檈st pas n茅cessaire de faire appel 脿 la听 biom茅trie听 茅lectorale en vogue听 pour 茅vincer du pouvoir un gouvernement autoritaire 禄. Les Gambiens ont vot茅 脿 l鈥檃ide de billes, et M. Jammeh a perdu. Mais M. Jammeh avait anticip茅 la victoire, et son rejet du vote biom茅trique, qui utilise des donn茅es biom茅triques comme les empreintes digitales pour minimiser la fraude 茅lectorale, aurait pu 锚tre un stratag猫me destin茅 脿听 茅viter un processus libre et 茅quitable.

Le troisi猫me enseignement, continue le professeur Cheeseman, est qu鈥檌l est 芦 tr猫s dangereux de commencer 脿 parler de poursuite au p茅nal des dirigeants avant qu鈥檌ls ne se retirent effectivement du pouvoir 禄, faisant ainsi allusion 脿 la menace m茅diatis茅e de M. Barrow de poursuivre M. Jammeh devant la CPI. 听

M. Barrow lui-m锚me a 茅t茅 port茅听 au pouvoir par une vague听 populiste et听 a jur茅 de respecter les droits de l鈥檋omme, la libert茅 des m茅dias, le droit听 脿 la libert茅 d鈥檈xpression de la soci茅t茅 civile et听 l鈥檌nd茅pendance judiciaire. En f茅vrier dernier, on l鈥檃 vu porter un T-shirt qui disait 芦 Une presse libre pour une nouvelle Gambie 禄. Certains ont vu l脿 une manifestation symbolique de son soutien en faveur d鈥檜ne presse libre et, peut-锚tre, une pique 脿 l鈥檃dresse de son pr茅d茅cesseur.

Un avenir plus prometteur

Il faudra peut-锚tre du听 temps听 avant que les Gambiens commencent 脿 jouir des dividendes 茅conomiques attendus dans une d茅mocratie fonctionnelle . 脌 cause des听 relations tendues de M. Jammeh avec l鈥橴E, la Gambie a perdu des millions en aide financi猫re.听 听