51吃瓜

Une semaine seulement apr猫s avoir soutenu sa th猫se de doctorat, Hailay Teklehaimanot a quitt茅 les Etats-Unis pour regagner l鈥橢thiopie. Ce m茅decin de 36 ans est l鈥檜n des rares 茅migr茅s africains 脿 锚tre rentr茅 dans son pays d鈥檕rigine. La majorit茅 restent 脿 l鈥櫭﹖ranger.

Un plus grand nombre d鈥橝fricains vivant 脿 l鈥櫭﹖ranger souhaitent mettre leurs comp茅tences au service du d茅veloppement de l鈥橝frique.

Photo: Panos / Giacommo Pirozzi

鈥淛鈥檃i soutenu ma th猫se le 7 ao没t 2004 et j鈥檃i pris l鈥檃vion pour rentrer le 15. Je ne suis m锚me pas all茅 脿 la c茅r茅monie de remise des dipl么mes, raconte M. Teklehaimanot. Si tous les dipl么m茅s s鈥檌nstallent d茅finitivement dans les pays industrialis茅s, l鈥橝frique ira 脿 sa perte. L鈥橝m茅rique est ce qu鈥檈lle est gr芒ce aux Am茅ricains. Si nous ne faisons rien pour l鈥橝frique, qui agira 脿 notre place ?"

L鈥橭rganisation internationale pour les migrations (OIM), bas茅e en Suisse, estime que, chaque ann茅e, quelque 20 000 cadres ou membres de professions lib茅rales quittent l鈥橝frique. Cette perte de main-d鈥櫯搖vre qualifi茅e 鈥� ph茅nom猫ne que l鈥檕n qualifie de 鈥渇uite des cerveaux鈥� 鈥� est l鈥檜n des plus grands obstacles au d茅veloppement de l鈥橝frique.

Sous l鈥檌mpulsion du Nouveau Partenariat pour le d茅veloppement de l鈥橝frique (NEPAD), la volont茅 d鈥檈nrayer la pauvret茅 sur le continent s鈥檈st intensifi茅e. Les gouvernements demandent 脿 tous les Africains, y compris ceux qui vivent 脿 l鈥櫭﹖ranger, de b芒tir l鈥橝frique du XXIe si猫cle. Les cadres et membres des professions lib茅rales sont de plus en plus nombreux 脿 r茅pondre 脿 l鈥檃ppel du NEPAD.

La force d鈥檜ne id茅e

鈥淩ien n鈥檈st plus puissant qu鈥檜ne id茅e parvenue 脿 maturit茅鈥�, d茅clare M. Blessing Rugara, brillant juriste de 35 ans qui a quitt茅 un grand cabinet d鈥檃vocats am茅ricain pour revenir en Afrique du Sud apr猫s 15 ans pass茅s 脿 l鈥櫭﹖ranger. 鈥淎 ce stade, aucun autre endroit ne me tente plus que mon propre pays, explique-t-il 脿 Afrique Renouveau. Le projet de renaissance de l鈥橝frique a mobilis茅 les dirigeants africains. On voit la m锚me d茅termination chez l鈥檈nfant de 10 ans qui a perdu ses parents 脿 cause du sida mais insiste malgr茅 tout pour aller 脿 l鈥櫭ヽole, dans l鈥檈spoir d鈥檜n avenir meilleur."

C鈥檈st un rare plaisir, ajoute M. Rugara, que de participer 脿 cette transformation. L鈥檃venir de l鈥橝frique d茅pend des Africains, observe-t-il, en insistant sur le fait que 鈥渟i elle ne part pas du peuple de l鈥橝frique, cette renaissance est en grande partie d茅nu茅e de sens鈥�. En Afrique du Sud, il a particip茅 脿 la fondation de Cicap Global, qui apporte capitaux et direction 脿 des entreprises nouvellement cr茅茅es, dont une soci茅t茅 pharmaceutique qui produit des m茅dicaments essentiels.

鈥淐ette soci茅t茅 pharmaceutique permettra 脿 un chercheur africain extraordinairement dou茅鈥�, Collen Masimirembwa, qui a quitt茅 la Su猫de pour rentrer en Afrique, de mettre son dipl么me de m茅decine et ses deux doctorats au service de son peuple. 鈥淣ous avons investi en lui, il investira en d鈥檃utres personnes et le cercle s鈥櫭﹍argira鈥�, explique M. Rugara.

Le patriotisme ne nourrit pas

Tout le monde n鈥檈st pas pr锚t 脿 d茅m茅nager. M. Gichure wa Kanyugo, psychiatre n茅 au Kenya et exer莽ant 脿 Boston, estime que l鈥橝frique ne lui offre, 脿 lui ainsi qu鈥櫭� d鈥檃utres de ses coll猫gues, gu猫re d鈥檈spoir. Ayant acquis la nationalit茅 am茅ricaine, il ajoute : 鈥淣ous aimerions rentrer chez nous, mais les conditions locales ne nous le permettent pas. Le patriotisme ne nourrit pas son homme"

Parmi les conditions dissuasives souvent cit茅es figurent, d鈥檃pr猫s l鈥橭IM, la morosit茅 茅conomique, les conflits arm茅s, le ch么mage et les soins de sant茅 inad茅quats. Ces diff茅rents facteurs expliquent, entre autres, qu鈥檜n dipl么m茅 sur trois 茅migre, principalement en Europe et en Am茅rique du Nord.

Cela signifie que 鈥渓e tiers des universit茅s africaines fonctionne pour satisfaire les besoins de main-d鈥櫯搖vre de la Grande Bretagne et des Etats-Unis, explique Philip Emeagwali, informaticien de renomm茅e internationale. Le budget de l鈥櫭ヾucation de l鈥橝frique est marginal et ne fait que compl茅ter le budget de l鈥櫭ヾucation de l鈥橝m茅rique. En fait, l鈥橝frique apporte une aide au d茅veloppement aux pays les plus fortun茅s."

D鈥檃pr猫s le Programme des Nations Unies pour le d茅veloppement, pour former un 茅tudiant pendant quatre ans, les pays africains d茅pensent de 10 000 脿 15 000 dollars selon les disciplines. Dans le cas des m茅decins, cela peut atteindre 40 000 dollars. Et ce sont eux qui sont le plus susceptibles d鈥櫭﹎igrer.

L鈥檃rgent, explique M. Emeagwali, est la principale raison pour laquelle les Africains ne rentrent pas chez eux. 鈥淓n th茅orie, rentrer en Afrique est une obligation morale. Mais en r茅alit茅, un Africain dipl么m茅 ne va pas d茅missionner d鈥檜n emploi r茅mun茅r茅 50 000 dollars par an pour aller gagner 500 dollars par an en Afrique."

A propos de son propre cas, M. Emeagwali, n茅 au Nig茅ria mais r茅sidant aujourd鈥檋ui aux Etats-Unis, explique que c鈥檈st principalement pour sa femme am茅ricaine et son fils qu鈥檌l ne rentre pas en Afrique.

Question de valeurs

Les dirigeants africains ont d茅j脿 plant茅 les graines du changement, estime M. Rugara, mais il faut ensuite que ces graines germent en chaque individu. Qu鈥檌l s鈥檃gisse de raisons purement 茅conomiques ou d鈥檃utres facteurs personnels, c鈥檈st au fond une question de valeurs.

鈥淟鈥檌d茅e selon laquelle tout Africain rentrant chez lui devrait avoir droit 脿 un traitement de faveur est nocive et tout 脿 fait ridicule, affirme M. Rugara. Vous pouvez tr猫s bien vivre 脿 l鈥櫭﹖ranger et choisir de ne rien faire pour l鈥橝frique. Mais vous affirmez alors vos valeurs et cela a des cons茅quences pour le continent qui a investi en vous pendant vos ann茅es non productives."

Pour remplacer le personnel qualifi茅 parti s鈥檌nstaller 脿 l鈥櫭﹖ranger, les pays africains emploient, d鈥檃pr猫s l鈥橭IM, jusqu鈥櫭� 150 000 expatri茅s de pays occidentaux, ce qui leur co没te 4 milliards de dollars par an. Les gouvernements cherchent maintenant 脿 inverser cette tendance qui n鈥檈st pas viable. L鈥橴nion africaine, qui a cr茅茅 le NEPAD, a r茅vis茅 sa charte en 2003, afin d鈥檌ndiquer que sa mission consiste 脿 鈥渆ncourager la pleine participation de la diaspora africaine, 茅l茅ment important du continent鈥�.

Le gouvernement 茅thiopien accorde par exemple des incitations au retour. M. Teklehaimanot a ainsi pu rapporter sa voiture et ses possessions mat茅rielles en franchise de droits. S鈥檌l esp猫re que des incitations de ce type encourageront d鈥檃utres 茅migr茅s 脿 rentrer, ses propres motivations n鈥櫭﹖aient pas d鈥檕rdre mat茅riel.

鈥淪i j鈥櫭﹖ais rest茅 en Am茅rique, je gagnerais cinq fois, peut-锚tre 10 fois plus, explique-t-il. Mais quand j鈥檃i entendu parler du projet du Mill茅naire dirig茅 par M. Jeffrey Sachs, j鈥檃i pens茅 que je devais participer 脿 ces efforts visant 脿 faire sortir l鈥橝frique de la pauvret茅, selon une approche int茅gr茅e."

La semaine de son d茅part des Etats-Unis, M. Teklehaimanot est entr茅 au Centre pour le d茅veloppement de la sant茅 nationale, qui rel猫ve de l鈥橧nstitut de la Terre de l鈥橴niversit茅 Columbia de New York. Aujourd鈥檋ui de retour avec un doctorat en 茅pid茅miologie, il se sent 鈥減rivil茅gi茅 de contribuer 脿 faire cesser des souffrances inutiles en mettant une expertise technique au service des efforts que d茅ploie l鈥橢thiopie pour atteindre ses objectifs de d茅veloppement.鈥�

De l鈥檃ide de l鈥櫭﹖ranger

Les Ethiopiens constituent l鈥檜ne des plus grandes communaut茅s d鈥橝fricains vivant 脿 l鈥櫭﹖ranger. D鈥檃pr猫s l鈥橭IM, on compte plus de m茅decins 茅thiopiens en exercice dans la ville de Chicago qu鈥檈n Ethiopie. Mais pour des immigr茅s comme le docteur Pride Chigwedere, form茅 au Zimbabwe, 脿 l鈥檋eure de la mondialisation, le lieu o霉 l鈥檕n se trouve importe peu.

鈥淐ertaines des d茅cisions les plus cruciales qui d茅terminent le sort des pays africains sont prises 脿 Washington, Londres et Tokyo, explique-t-il. Il est d鈥檜ne importance strat茅gique que des Africains se trouvent dans les grandes institutions de par le monde pour veiller 脿 ce que l鈥橝frique figure en bonne place 脿 l鈥檕rdre du jour lors de la prise de d茅cisions essentielles et de l鈥檃llocation de ressources."

Ce qui compte, estime M. Chigwedere, ce n鈥檈st pas o霉 l鈥檕n se trouve, mais ce que l鈥檕n fait pour l鈥橝frique. Il est parti pour les Etats-Unis en 1999 pour faire de la recherche 脿 l鈥檌nstitut de recherche sur le sida de Harvard et ensuite obtenir son doctorat. Il s鈥檈st employ茅, dit-il, 脿 accro卯tre le recrutement d鈥櫭﹖udiants africains 脿 Harvard, 脿 faire b茅n茅ficier l鈥橝frique de projets et 脿 former des partenariats de recherche avec des coll猫gues africains.

鈥淢a pr茅sence en Am茅rique est un avantage et non une perte pour l鈥橝frique. Je participe 脿 la vision du NEPAD, affirme M. Chigwedere. L鈥檈xode des cerveaux ne d茅pend pas n茅cessairement de l鈥檈ndroit o霉 l鈥檕n vit ; il se produit plut么t lorsqu鈥檕n perd de vue ses priorit茅s et qu鈥檕n ne cherche plus 脿 contribuer 脿 l鈥檃m茅lioration de l鈥橝frique.鈥�