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Changement climatique et politiques intelligentes

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Changement climatique et politiques intelligentes

Des institutions fortes peuvent transformer le r¨ºve d¡¯un continent prosp¨¨re en une r¨¦alit¨¦
Dr. Richard Munang
Afrique Renouveau: 
Secretary-General Ban Ki-moon (second left) Christiana Figueres (left), the then Executive Secretary of the UN Framework Convention on Climate Change Laurent Fabius (second right), Foreign Minister of France and President of the UN Climate Change Conferen
Photo: UN Photo/Eskinder Debebe
Le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies, Ban Ki-moon (deuxi¨¨me ¨¤ gauche) Christiana Figueres (¨¤ gauche), Secr¨¦taire ex¨¦cutive, ¨¤ l¡¯¨¦poque, de la Convention-cadre de l¡¯ONU sur les changements climatiques Laurent Fabius (deuxi¨¨me ¨¤ droite), ministre des Affaires ¨¦trang¨¨res de la France, pr¨¦sident de la Conf¨¦rence de l¡¯ONU sur le changement climatique de Paris, ¨¤ l¡¯¨¦poque, et Fran?ois Hollande (¨¤ d

Selon un c¨¦l¨¨bre proverbe africain, ? Quand la musique change, il en va de m¨ºme de la danse. ? Cet adage illustre bien la situation actuelle du continent face aux opportunit¨¦s qui se pr¨¦sentent ¨¤ lui et aux? d¨¦fis qu¡¯il doit affronter en mati¨¨re de d¨¦veloppement et de? gouvernance? en ce 21¨¨ si¨¨cle.?

Ces derni¨¨res ann¨¦es, les dirigeants nationaux ont ¨¦labor¨¦ de nombreuses nouvelles initiatives de d¨¦veloppement. Parmi elles, le programme? d¡¯action d¡¯Addis-Abeba sur le financement durable, le Programme? de d¨¦veloppement durable ¨¤ l¡¯horizon 2030, l¡¯Accord de Paris sur le climat et le? ? ? paquet? de Nairobi ? propos¨¦ par l¡¯Organisation mondiale du commerce.?

Ces cadres pourraient acc¨¦l¨¦rer le d¨¦veloppement du continent, et m¨ºme r¨¦aliser la promesse des Objectifs de d¨¦veloppement durable (ODD) au cours des 15 prochaines ann¨¦es.?

Pertes de capital naturel

L¡¯Afrique perd actuellement 68 milliards de dollars? par an en raison de la d¨¦gradation de l¡¯environnement, selon Agriculture for Impact, un groupe ind¨¦pendant qui milite pour les petits exploitants agricoles d¡¯Afrique subsaharienne.

En outre, le Programme des Nations Unies pour l¡¯environnement (PNUE) estime que les secteurs environnementaux cl¨¦s tels que la foresterie, la faune, la p¨ºche et l¡¯exploitation mini¨¨re subissent des pertes de plusieurs milliards ¨¤ cause de l¡¯exploitation foresti¨¨re ill¨¦gale, du commerce ill¨¦gal des esp¨¨ces sauvages, de la p¨ºche non comptabilis¨¦e et non r¨¦glement¨¦e, et des pratiques mini¨¨res ill¨¦gales.

En l¡¯absence d¡¯investissements tendant ¨¤? ¨¦liminer les inefficacit¨¦s de la cha?ne de valeur agricole r¨¦sultant de l¡¯exploitation? de terres d¨¦grad¨¦es, l¡¯Afrique perd chaque ann¨¦e entre 4 et 48 milliards de dollars de denr¨¦es? alimentaires en plus des 6,6 millions de tonnes de? c¨¦r¨¦ales qu¡¯elle pourrait r¨¦colter si les ¨¦cosyst¨¨mes n¡¯¨¦taient pas d¨¦grad¨¦s.?

Par cons¨¦quent, les pays d¡¯Afrique d¨¦pensent 35 milliards de dollars par an pour importer? des produits alimentaires, ce qui est ¨¤ peine suffisant, puisque plus de 200 millions d¡¯Africains ne mangent pas ¨¤ leur faim, selon l¡¯Organisation des Nations Unies pour l¡¯alimentation et l¡¯agriculture. Toutefois, avec les politiques gouvernementales appropri¨¦es, l¡¯Afrique pourrait r¨¦cup¨¦rer ces 35 milliards de dollars et ¨ºtre en mesure de financer des projets de d¨¦veloppement et? renforcer la s¨¦curit¨¦ alimentaire.?

Interventions politiques cibl¨¦es?

C¡¯est en promouvant? la durabilit¨¦ environnementale que l¡¯on pourra r¨¦gler le probl¨¨me pos¨¦ par? la pr¨¦carit¨¦ de l¡¯¨¦cosyst¨¨me en Afrique. Il sera pour cela utile d¡¯exploiter durablement le capital naturel de l¡¯Afrique, conseille le PNUE.? ? ?

Lors de la sixi¨¨me Conf¨¦rence minist¨¦rielle africaine sur l¡¯environnement, tenue au Caire, en ?gypte, en avril, les experts environnementaux de l¡¯Afrique ont identifi¨¦ trois principales fa?ons de tirer parti? du capital naturel. La premi¨¨re concerne les politiques, les actions et les partenariats aux niveaux national, r¨¦gional et mondial visant ¨¤ inverser les pertes actuelles dues aux ¨¦cosyst¨¨mes d¨¦grad¨¦s, aux inefficacit¨¦s de la cha?ne de valeur agricole, aux flux financiers illicites et aux infractions li¨¦es aux esp¨¨ces sauvages, ¨¤? l¡¯exploitation foresti¨¨re, ¨¤ la p¨ºche et ¨¤ l¡¯exploitation mini¨¨re.?

En inversant ces pertes, l¡¯Afrique pourrait ¨¦conomiser jusqu¡¯¨¤ 150 milliards de dollars par an. Des secteurs tels que ceux des soins de sant¨¦ et de l¡¯¨¦ducation, n¨¦cessitant des investissements annuels allant jusqu¡¯¨¤ 32 et 26 milliards de dollars respectivement, et les infrastructures, pour lesquelles des investissements de 93 milliards de dollars sont n¨¦cessaires chaque ann¨¦e, pourraient ¨¦ventuellement? y gagner. ?

La deuxi¨¨me fa?on dont l¡¯Afrique peut exploiter durablement son capital naturel consiste ¨¤ affecter, encore une fois aux niveaux national et r¨¦gional, une partie des recettes actuellement tir¨¦es du? capital naturel? ¨¤ la? lib¨¦ration du potentiel des secteurs qui en d¨¦pendent. En agissant de la sorte, le continent atteindrait? les cibles de plusieurs ODD.?

Par exemple, les investissements dans l¡¯agriculture ax¨¦e? sur les ¨¦cosyst¨¨mes et adaptative,? et le recours ¨¤? l¡¯¨¦nergie propre pour les cha?nes de transformation et autres cha?nes commerciales ont le potentiel de? soutenir l¡¯agro-industrialisation durable.?

L¡¯¨¦nergie propre peut stimuler la transformation durable des produits agricoles dans les zones rurales et, si elle a acc¨¨s? ¨¤ un financement abordable et au march¨¦, am¨¦liorer les revenus des agriculteurs, faire progresser? la s¨¦curit¨¦ alimentaire jusqu¡¯¨¤ 128 % et cr¨¦er jusqu¡¯¨¤ 17 millions d¡¯emplois le long de la cha?ne de valeur. ? cela s¡¯ajoute? le renforcement d¡¯un secteur agricole dont la valeur en 2030 pourrait se chiffrer ¨¤ 1 000 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

La Banque mondiale estime qu¡¯une augmentation de 10 % des rendements des cultures en Afrique se traduirait par une r¨¦duction d¡¯environ 7 % de la pauvret¨¦ gr?ce ¨¤ la croissance agricole, qui est au moins deux ¨¤ quatre fois plus efficace pour r¨¦duire la pauvret¨¦ que la croissance dans d¡¯autres secteurs.?

La troisi¨¨me fa?on dont l¡¯Afrique peut tirer parti des opportunit¨¦s li¨¦es au? capital naturel consiste ¨¤ cibler les politiques et les actions afin de permettre un ajout de? valeur ¨¤ ses exportations de capital naturel, au lieu d¡¯exporter des mati¨¨res premi¨¨res. Cette mesure accro?trait les recettes.?

Lib¨¦rer le potentiel agricole?

Les experts continuent de faire l¡¯¨¦loge des ¨¦l¨¦ments cl¨¦s de l¡¯Accord de Paris sur le climat, des ODD et de l¡¯Agenda 2063 de l¡¯UA. Ce qui manque cependant, ce sont? des politiques? qui garantissent? que ces ¨¦l¨¦ments feront partie des cadres de d¨¦veloppement des diff¨¦rents pays? et, surtout, que leur mise en ?uvre sera financ¨¦e.?

En l¡¯absence de ces politiques et de ce financement, il peut s¡¯av¨¦rer difficile de rendre les syst¨¨mes alimentaires, modernes, efficaces et respectueux du climat, ainsi que de parvenir ¨¤? une croissance ¨¦conomique inclusive.?

En ce qui concerne le besoin pressant de financement, il faudra d¨¦battre en profondeur de la mani¨¨re dont il convient de? lutter contre les flux financiers illicites, principalement attribuables au capital naturel de l¡¯Afrique. Selon l¡¯Organisation de coop¨¦ration et de d¨¦veloppement ¨¦conomiques (OCDE), l¡¯aide financi¨¨re consacr¨¦e ¨¤ l¡¯am¨¦lioration de l¡¯administration fiscale pourrait sensiblement augmenter les recettes fiscales des pays africains.?

Le potentiel est ¨¦norme, mais actuellement? 0,07 % ¨¤ peine de l¡¯aide apport¨¦e par? l¡¯OCDE aux pays pauvres sert ¨¤? am¨¦liorer les syst¨¨mes fiscaux. Le renforcement des capacit¨¦s des n¨¦gociateurs africains face aux? entreprises multinationales et l¡¯am¨¦lioration de la surveillance r¨¦glementaire de l¡¯administration fiscale pourraient permettre de lutter contre les flux illicites et de r¨¦cup¨¦rer des fonds pour le d¨¦veloppement durable.?

Les pays africains doivent? accorder une place de choix ¨¤ la mise en ?uvre des recommandations de 2015 du Groupe de haut niveau de l¡¯UA sur les flux financiers illicites dirig¨¦ par l¡¯ancien pr¨¦sident sud-africain Thabo Mbeki. Parmi ces recommandations figurent? la prise de mesures permettant de lutter contre? la criminalit¨¦ organis¨¦e, y compris les crimes environnementaux (environ 33 % des crimes organis¨¦s) et la corruption dans le secteur public,?qui contribue largement? ¨¤ faciliter ces sorties d¡¯argent.

En outre, les d¨¦penses fiscales inutiles, sous forme notamment d¡¯incitations ¨¤ l¡¯exploitation des ressources naturelles, constituent des pertes importantes de revenus, (jusqu¡¯¨¤ 4 % du PIB) et facilitent? la fraude. Jusqu¡¯¨¤ 65 % des subventions p¨¦troli¨¨res en Afrique profitent ¨¤ 40 % des m¨¦nages les plus riches, et alimentent la corruption au sein des? cartels, selon la Banque africaine de d¨¦veloppement.?

Les nombreuses ressources naturelles de l¡¯Afrique peuvent transformer le r¨ºve d¡¯un continent prosp¨¨re en une r¨¦alit¨¦. Les pays doivent agir rapidement? et renforcer la structure de gouvernance aussi bien qu¡¯adopter et mettre en ?uvre des politiques appropri¨¦es. Le d¨¦fi consistera ¨¤ faire en sorte que les actes parlent plus fort que les? mots.? ?


Richard Munang est expert? en mati¨¨re de changement climatique pour l¡¯Afrique et expert en politique de d¨¦veloppement? au PNUE, et? Robert Mgendi est? expert en politique d¡¯adaptation. Les opinions exprim¨¦es dans le? pr¨¦sent document? n¡¯engagent que leurs auteurs et ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement celles du PNUE.