M¨¦gaprojets en Afrique de l¡¯Est
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M¨¦gaprojets en Afrique de l¡¯Est
L¡¯immeuble vitr¨¦ ¨¤ plusieurs ¨¦tages soutenu par de grandes arches de pierre ¨¤ Lamu, la ville c?ti¨¨re historique du Kenya ; c¡¯est le si¨¨ge du m¨¦gaprojet de corridor de transport Lamu-Soudan du Sud-?thiopie (LAPSSET). Il devrait relier le Kenya ¨¤ l¡¯?thiopie, ¨¤ l¡¯Ouganda et au Soudan du Sud.
Ce projet d¡¯envergure qui se chiffre ¨¤ 25 milliards de dollars pr¨¦voit de relier les quatre pays par une voie ferr¨¦e, une autoroute, un ol¨¦oduc et un c?ble de fibre optique. Le projet comprend? ¨¦galement plusieurs a¨¦roports, des stations baln¨¦aires, une raffinerie de p¨¦trole, un port ¨¤ Lamu et bien d¡¯autres petits projets d¡¯infrastructures.?
Une fois construite, la voie ferr¨¦e du projet LAPSSET permettra de rejoindre le corridor d¡¯Afrique de l¡¯Ouest Douala-Lagos-Cotonou-Abidjan qui traverse le Cameroun, le Nig¨¦ria, le B¨¦nin, le Togo, le Ghana et la C?te d¡¯Ivoire.
Les experts consid¨¨rent que ce projet porte la vision d¡¯int¨¦gration r¨¦gionale de l¡¯Union africaine (UA) qui envisage un continent en paix, prosp¨¨re et int¨¦gr¨¦ ¨¦conomiquement d¡¯ici ¨¤ 2063. Depuis l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale de l¡¯UA en 2015, le projet fait partie de l¡¯Initiative pr¨¦sidentielle des champions des infrastructures de l¡¯UA (PICI).?
Un d¨¦but prometteur
La construction d¡¯un second port ¨¤ Lamu, plus grand que le port actuellement satur¨¦ de Mombasa, est ¨¦galement pr¨¦vue afin de promouvoir le Kenya comme une plaque tournante logistique pour l¡¯Afrique de l¡¯Est et la Corne de l¡¯Afrique.?
Le projet semble prometteur mais est longtemps rest¨¦ au placard. Con?u? en 1972, soit neuf ans apr¨¨s l¡¯ind¨¦pendance du Kenya, la jeune r¨¦publique n¡¯avait pas les moyens de ses ambitions. En 2008, il a ¨¦t¨¦ remis ¨¤ l¡¯ordre du jour par le pr¨¦sident Mwai Kibaki qui esp¨¦rait? qu¡¯une partie des 16 milliards serait financ¨¦e par les budgets nationaux.
En mars 2012, le pr¨¦sident du Soudan du Sud, Salva Kiir, le Premier ministre ¨¦thiopien, Meles Zenawi et le pr¨¦sident Kibaki se sont rendus ¨¤ Lamu pour poser la premi¨¨re pierre de l¡¯¨¦difice.
Le Kenya a d¡¯abord re?u des garanties financi¨¨res de la part d¡¯investisseurs priv¨¦s ¨¦trangers. Cependant, certains pays comme le Br¨¦sil, la Chine, l¡¯Union europ¨¦enne, l¡¯Inde, le Japon, le Qatar ou la Cor¨¦e du Sud, n¡¯ont pas respect¨¦ leurs engagements. L¡¯?thiopie, le Kenya, et le Soudan du Sud ont donc ¨¦t¨¦ contraints de mobiliser leurs ressources propres. Le Kenya a ¨¦t¨¦ contrari¨¦ par le manque d¡¯int¨¦r¨ºt dont ont fait preuve les investisseurs ¨¦trangers et par les pressions exerc¨¦es par le? Soudan du Sud qui ne manquait pas de se plaindre ouvertement de la lenteur du projet. Riche en p¨¦trole, le Soudan du Sud est en effet soumis par son voisin, le Soudan, ¨¤ des frais de transit ¨¦lev¨¦s sur ses exportations p¨¦troli¨¨res. Ind¨¦pendant depuis peu, le pays souhaiterait pouvoir b¨¦n¨¦ficier des tarifs moins ¨¦lev¨¦s du corridor LAPSSET pour ses exportations vers l¡¯Inde et l¡¯Extr¨ºme Orient.
Le gouvernement k¨¦nyan a donc d¨¦cid¨¦ d¡¯assumer seul les co?ts du projet LAPSSET qui sont pass¨¦s de 16 milliards de dollars ¨¤ 24,7 milliards, en y allouant 16% de son budget 2016/2017. Il a opt¨¦ pour un sch¨¦ma financier qui lui permettait de r¨¦gler les 24 milliards de dollars en plusieurs fois. La premi¨¨re phase du projet sera la construction de 32 postes d¡¯accostage pour le port de Lamu. Le m¨ºme sch¨¦ma a ¨¦t¨¦ adopt¨¦ pour les routes, la voie ferr¨¦e, la raffinerie de p¨¦trole, les stations baln¨¦aires, et trois a¨¦roports.?
En 2013, l¡¯entreprise de construction publique chinoise China Communications Construction a remport¨¦ un contrat de 478,9 millions de dollars afin de construire les trois premiers postes d¡¯accostage d¡¯ici? 2019.?
D¡¯apr¨¨s M. Kasuku, plus de 5 000 emplois ont ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦s depuis le lancement du projet? en 2012. Mais reste ¨¤ savoir ¨¤ qui b¨¦n¨¦ficie de cette cr¨¦ation d¡¯emplois. Les emplois juniors de premi¨¨re cat¨¦gorie requi¨¨rent une instruction et une formation dont les habitants de la r¨¦gion sont pour la plupart d¨¦pourvus. Les opportunit¨¦s de seconde cat¨¦gorie, telles que les ¨¦changes et le commerce? locaux informels, risquent de ne pas profiter imm¨¦diatement ¨¤ la population locale, qui n¡¯a ni acc¨¨s au capital ni aux pr¨ºts bancaires.?
Au-del¨¤ du financement de ce m¨¦gaprojet, le gouvernement k¨¦nyan a d? g¨¦rer les pr¨¦occupations environnementales et d¨¦dommager les propri¨¦taires dont les terres seront travers¨¦es par les routes et la voie ferr¨¦e.?
En 2008, lorsque le projet est redevenu d¡¯actualit¨¦, les activistes environnementaux ont d¨¦nonc¨¦ le fait que l¡¯¨¦cosyst¨¨me fragile de Lamu risquait d¡¯¨ºtre menac¨¦ par la destruction de la mangrove, la pollution p¨¦troli¨¨re et la d¨¦gradation de la vieille ville. L¡¯absence d¡¯indemnit¨¦s pour les propri¨¦taires et le manque d¡¯implication de la communaut¨¦ dans le processus de planification des travaux ont ¨¦galement provoqu¨¦? des hostilit¨¦s vis-¨¤-vis du projet.
En 2012, les habitants de Lamu se sont rassembl¨¦s au sein du collectif ? Sauvez Lamu ? et ont attaqu¨¦ le gouvernement k¨¦nyan en justice.?
La vieille ville de Lamu qui date du 14i¨¨me si¨¨cle, a quant ¨¤ elle ¨¦t¨¦ inscrite au patrimoine mondial de l¡¯UNESCO en 2001. Il s¡¯agirait, selon l¡¯UNESCO, du?? plus ancien et mieux pr¨¦serv¨¦? lieu de peuplement swahili d¡¯Afrique de l¡¯Est ?, habit¨¦ sans interruption depuis plus de 700 ans. Dix ans plus tard, l¡¯UNESCO a press¨¦ le gouvernement k¨¦nyan de tenir compte du patrimoine? culturel et naturel de l¡¯?le lors de? la mise en ?uvre du projet LAPSSET.
Cependant, le scepticisme initial c¨¨de rapidement face ¨¤ l¡¯espoir de relancer l¡¯¨¦conomie locale et r¨¦gionale.?
? Nos vies ont chang¨¦. Nous avions pour habitude d¡¯entendre parler du projet de port. Nous n¡¯avions pas imagin¨¦ le voir un jour ?, dit Jaffar Athumani, un habitant de Lamu. Il ajoute : ? Au d¨¦but, les gens avaient peur que le gouvernement proc¨¨de ¨¤ des expropriations sans aucune indemnit¨¦. Nous nous sommes donc dress¨¦s contre le projet. La situation est diff¨¦rente maintenant. ?
Depuis que le gouvernement a vers¨¦ une compensation d¡¯environ 8,8 millions de dollars aux 154 familles propri¨¦taires, l¡¯enthousiasme de M. Athumani est partag¨¦. En 2014, la Commission fonci¨¨re nationale du Kenya a mis en place un r¨¦gime indemnitaire pour des douzaines de propri¨¦taires fonciers et de p¨ºcheurs qui ont re?u en moyenne 50 000 dollars. De plus, environ? ? 5 000 p¨ºcheurs ont ¨¦t¨¦ ¨¦quip¨¦s de bateaux de p¨ºche m¨¦canis¨¦s et de mat¨¦riel, et les industries de la p¨ºche se sont install¨¦es ¨¤ Lamu.
La chance semble finalement sourire ¨¤ Lamu depuis que des donateurs se sont rassembl¨¦s en mai 2016 pour mobiliser 20 milliards de dollars. Ce rassemblement a ¨¦t¨¦ formalis¨¦ par la cr¨¦ation du Partenariat d¡¯investissement en faveur du d¨¦veloppement durable (SDIP) lors de l¡¯ouverture du Forum ¨¦conomique mondial.
Le centre africain du SDIP mobilisera des financements publics et priv¨¦s, de la part des gouvernements, des investisseurs, des banques ou encore des fondations philanthropiques.
? titre d¡¯exemple, on compte parmi ses membres la Fondation Bill et Melinda Gates, la Citi Foundation, le Danemark, les Pays-Bas, la Norv¨¨ge, la Su¨¨de, le Royaume-Uni et les ?tats-Unis, la Banque de d¨¦veloppement? de l¡¯Afrique australe, la Deutsche Bank, East Capital, la Banque europ¨¦enne pour la reconstruction et le d¨¦veloppement et la Banque europ¨¦enne d¡¯investissement.?
On compte parmi les autres bailleurs de fonds la banque HSBC, la Soci¨¦t¨¦ de d¨¦veloppement industriel de l¡¯Afrique du Sud, la Banque interam¨¦ricaine de d¨¦veloppement, la Soci¨¦t¨¦ financi¨¨re internationale, Investeringsfonden for Udviklingslande, Meridiam Infrastructure, l¡¯Agence multilat¨¦rale de garantie des investissements, Sumitomo Mitsui Banking Corporation et la Standard Chartered.
Le gouvernement ayant? renouvel¨¦ son engagement vis-a-vis du projet? et les investisseurs internationaux envoyant des signaux positifs, LAPSSET deviendra bient?t r¨¦alit¨¦.