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De l¡¯art des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs en Afrique

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De l¡¯art des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs en Afrique

Des institutions ¨¦lectorales cr¨¦dibles n¨¦cessaires ¨¤ la paix et ¨¤ la stabilit¨¦
Zipporah Musau
Afrique Renouveau: 
A voter casts her vote in Togo¡¯s elections. Photo: UNDP Togo/Emile Kenkou
Photo: PNUD Togo/Emile Kenkou
Une Togolaise d¨¦pose son bulletin dans l¡¯urne. Photo: PNUD Togo/Emile Kenkou

? l¡¯issue des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs k¨¦nyanes de 2013, l¡¯ancien Premier ministre Raila Odinga d¨¦pose un recours aupr¨¨s des tribunaux. Il conteste les r¨¦sultats, selon lui entach¨¦s de failles, du syst¨¨me d¡¯identification des ¨¦lecteurs ¨¦lectroniques, le mode de d¨¦compte des voix et de transmission des r¨¦sultats. Dans une d¨¦claration sous serment, les commissaires ¨¦lectoraux le qualifient d¡¯? ¨¦ternel perdant ?. Le juge le d¨¦boute et l¡¯affaire est rapidement class¨¦e.?

Les prochaines pr¨¦sidentielles s¡¯approchant, la Commission ind¨¦pendante k¨¦nyane charg¨¦e des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs et du d¨¦coupage ¨¦lectoral (IEBC) est devenue une cible de l¡¯opposition. Ses d¨¦tracteurs r¨¦clament sa dissolution pour partialit¨¦.

Les neuf membres de la Commission ¨¦tant d¨¦sign¨¦s par le pr¨¦sident, les porte-parole de l¡¯opposition exigent une modification de sa composition. Cet organisme puissant supervise les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs, s¡¯assure que les listes ¨¦lectorales sont ¨¤ jour et contr?le le d¨¦pouillement des votes.?

? La question est de savoir si les membres actuels de l¡¯IEBC peuvent ¨ºtre impartiaux dans le cadre d¡¯¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs o¨´ mon parti est candidat ?, s¡¯interroge M. Odinga dans un communiqu¨¦.?

Il s¡¯agit l¨¤ de l¡¯un des nombreux casse-t¨ºtes auxquels les institution ¨¦lectorales sont confront¨¦s en Afrique. ? Les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs sont une question de pouvoir. Elles d¨¦terminent qui aura le pouvoir et qui dirigera la communaut¨¦ ?, observe Ars¨¨ne Bado, politologue et chercheur associ¨¦ au Centre de recherche et d¡¯action pour la paix ¨¤ Abidjan en C?te d¡¯Ivoire. Dans certaines situations tr¨¨s tendues, note-t-il, une ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ô peut ¨ºtre le ? parfait ¨¦l¨¦ment d¨¦clencheur de conflits et de violences politiques ?.?

Pour ¨¦viter cela, les pays africains s¡¯emploient aujourd¡¯hui ¨¤ cr¨¦er des conditions propices ¨¤ la tenue? d¡¯¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs cr¨¦dibles et pacifiques. Ils sont d¨¦sireux de cr¨¦er des organismes de gestion ¨¦lectorale cr¨¦dibles faisant office de pierre angulaire du processus de d¨¦mocratisation.?

Ainsi, en Afrique de l¡¯Ouest, les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs commencent ¨¤ remplir? d¡¯autres fonctions? que simplement celle d¡¯¨¦lire des dirigeants. Elles deviennent des outils de pr¨¦vention des conflits, selon l¡¯Institut international pour la d¨¦mocratie et l¡¯assistance ¨¦lectorale (IDEA), une organisation intergouvernementale bas¨¦e ¨¤ Stockholm en Su¨¨de, favorable? aux r¨¦formes d¨¦mocratiques.

Lors des pr¨¦sidentielles nig¨¦rianes? de 2015, qui ont vu s¡¯affronter durement le parti du pr¨¦sident sortant Goodluck Jonathan, le People¡¯s Democratic Party et le All Progressives Congress de Muhammadu Buhari, un ancien chef militaire, beaucoup craignaient le pire. Dans ce pays qui est le plus peupl¨¦ d¡¯Afrique, les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs ont toujours ¨¦t¨¦ entach¨¦es de violences, souvent aliment¨¦es par des accusations de fraude.?

La Commission ¨¦lectorale nationale ind¨¦pendante (INEC) du Nig¨¦ria est parvenue ¨¤ superviser des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs g¨¦n¨¦ralement consid¨¦r¨¦es comme libres et loyales. Le pr¨¦sident de la Commission, Attahiru Jega, apr¨¨s avoir ¨¦t¨¦ contraint d¡¯ajourner les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs pendant six semaines, a subi de fortes pressions de la part d¡¯hommes politiques demandant sa d¨¦mission, mais il a r¨¦sist¨¦.?

Une ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ô contest¨¦e aurait d¨¦clench¨¦ des violences dans le pays, avec des cons¨¦quences pour toute la r¨¦gion ouest-africaine, o¨´ le Nig¨¦ria demeure? un important acteur? ¨¦conomique, repr¨¦sentant ¨¤ lui seul plus des trois quarts de l¡¯¨¦conomie.

Pour la plupart des dirigeants africains, le d¨¦fi a toujours ¨¦t¨¦ de garantir un processus ¨¦lectoral qui refl¨¨te vraiment le choix du peuple, m¨ºme si ce choix ne leur est pas favorable.?

Le r?le des institutions ¨¦lectorales

Les analystes politiques consid¨¨rent les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs comme un processus politique plut?t que comme un ¨¦v¨¦nement ponctuel. Des organismes de gestion ¨¦lectorale efficaces sont cens¨¦s faciliter les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs, et ¨¦viter qu¡¯elle ne soit un fiasco total.

Les espaces politiques publics voient progressivement le jour dans toute l¡¯Afrique, et les citoyens sont de plus en plus nombreux ¨¤ les utiliser pour d¨¦fendre leurs droits politiques, ¨¦conomiques et sociaux et pour exiger une plus grande transparence? de leurs gouvernements, ainsi que des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs r¨¦guli¨¨res, libres et loyales. De telles ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs requi¨¨rent un organisme de gestion ¨¦lectorale impartial respectant la diversit¨¦ ethnique afin de renforcer la confiance des citoyens vis-¨¤-vis des processus ¨¦lectoraux et d¡¯assurer la transparence, l¡¯int¨¦grit¨¦ et l¡¯impartialit¨¦ pour toutes les parties concern¨¦es.

? Un organisme de gestion ¨¦lectorale n¡¯est efficace que lorsqu¡¯il se compose de personnes disposant des comp¨¦tences n¨¦cessaires ¨¤ la gestion d¡¯¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs d¡¯une mani¨¨re loyale et cr¨¦dible ?, indique John Mukum Mbaku du programme Africa Growth Initiative de la Brookings Institution, un groupe de r¨¦flexion bas¨¦ aux ?tats-Unis.

? tout le moins, note M. Mbaku, un organisme cr¨¦dible devrait disposer de cinq ¨¦l¨¦ments : une ind¨¦pendance d¨¦cisionnelle pour d¨¦cider librement, une ind¨¦pendance institutionnelle pour exercer ses fonctions sans ing¨¦rence indue du gouvernement, des ressources suffisantes, un syst¨¨me de responsabilisation, ainsi que d¡¯une proc¨¦dure permettant ¨¤ la soci¨¦t¨¦ civile de d¨¦poser plainte contre les membres de l¡¯organisme en cas de comportement ill¨¦gal ou contraire ¨¤ l¡¯¨¦thique.

En outre, il faudrait un syst¨¨me disciplinaire impartial permettant de sanctionner les actes r¨¦pr¨¦hensibles des commissaires ¨¦lectoraux et des membres du personnel, notamment en les destituant.?

Ceci est important parce que depuis 20 ans les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs et les transitions politiques figurent parmi les principales menaces ¨¤? la paix et ¨¤ la s¨¦curit¨¦ en Afrique, selon l¡¯Union africaine (UA). Si des incidents se produisent le jour du vote, il peut en r¨¦sulter des violences politiques, des conflits et parfois de v¨¦ritables guerres.?

Pour? la Brookings Institution, l¡¯Angola, le Burundi, la R¨¦publique centrafricaine, le Congo, le Kenya, le Nig¨¦ria et le Zimbabwe comptent parmi les pays o¨´ les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs ont aggrav¨¦ les divisions sociales et les violences politiques. Les soci¨¦t¨¦s divis¨¦es et les zones d¨¦vast¨¦es par les guerres peuvent devenir des ? endroits dangereux ??si des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs y sont tenues, ajoute l¡¯institution.

En r¨¦ponse ¨¤ ces menaces pour la paix et la s¨¦curit¨¦, la Commission de l¡¯UA a cr¨¦¨¦ l¡¯Unit¨¦ pour la d¨¦mocratie et l¡¯assistance ¨¦lectorale qui a pour mission de coordonner la participation de l¡¯UA ¨¤ l¡¯observation des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs, tout en fournissant une assistance technique? ¨¦lectorale aux organismes de gestion ¨¦lectorale des ?tats membres. ?

L¡¯observation? d¡¯¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs, dans le cadre de laquelle des organisations internationales ou locales ou des personnes non partisanes observent, ¨¦valuent et rendent compte des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs dans un pays, est essentielle pour renforcer? la confiance, notamment des citoyens, vis-¨¤-vis des processus ¨¦lectoraux. Elle peut ¨¦galement aider ¨¤ pr¨¦venir ou ¨¤ corriger des erreurs ou des fraudes.?

En Afrique, les Nations Unies, l¡¯Union europ¨¦enne et des organismes r¨¦gionaux, comme la Communaut¨¦ de d¨¦veloppement de l¡¯Afrique australe, la Communaut¨¦ ¨¦conomique des ?tats de l¡¯Afrique de l¡¯Ouest et la Communaut¨¦ d¡¯Afrique de l¡¯Est, envoient fr¨¦quemment des observateurs dans les ?tats membres.?

L¡¯Afrique a fait des progr¨¨s, si l¡¯on consid¨¨re le long chemin sem¨¦ d¡¯emb?ches que les organismes de gestion ¨¦lectorale ont d? parcourir, estiment les experts. En effet, apr¨¨s les ind¨¦pendances, les pays africains ont h¨¦rit¨¦ d¡¯organes quasi-autonomes ¨¦troitement contr?l¨¦s par les diff¨¦rents r¨¦gimes qui se sont succ¨¦d¨¦? et qui s¡¯en servaient? pour se maintenir au pouvoir.

? Des ann¨¦es 1960 ¨¤ 1990, la faiblesse de ces organismes, du pouvoir l¨¦gislatif et du pouvoir judiciaire face ¨¤ un pouvoir ex¨¦cutif fort a eu des effets n¨¦fastes sur la gouvernance ¨¦lectorale et la d¨¦mocratie dans la plupart des pays ?, indique le Rapport sur la gouvernance en Afrique 2013, publi¨¦ par le Programme des Nations Unies pour le d¨¦veloppement et la Commission ¨¦conomique pour l¡¯Afrique. Cependant, gr?ce aux? mouvements sociaux et ¨¤ la soci¨¦t¨¦ civile il a ¨¦t¨¦ possible d¡¯engager des r¨¦formes constitutionnelles et politiques qui ont conduit ¨¤ l¡¯am¨¦lioration des institutions ¨¦lectorales.

Malgr¨¦ cette am¨¦lioration, ces organismes continuent ¨¤ ¨¦prouver des difficult¨¦s ¨¤ mener des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs d¨¦mocratiques libres et loyales, et les ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs dans certains pays sont toujours entach¨¦es d¡¯irr¨¦gularit¨¦s qui, selon le rapport, sont le fait d¡¯abus administratifs, de manipulations et d¡¯une mauvaise gestion.

Pour les d¨¦mocraties ¨¦mergentes d¡¯Afrique, le principal obstacle ¨¤ la mise en place d¡¯organismes ¨¦lectoraux cr¨¦dibles consiste ¨¤ assurer leur ind¨¦pendance, notamment en ce qui concerne la nomination et la r¨¦vocation de leurs membres, la gestion de la diversit¨¦ ethnique, le financement, l¡¯ing¨¦rence du pouvoir ex¨¦cutif et l¡¯image n¨¦gative de ces? organismes.?

D¡¯autres pr¨¦occupations demeurent, concernant notamment le pouvoir limit¨¦ de ces organismes face aux partis politiques, la professionnalisation et les pouvoirs de ces organismes, le r?le des parties prenantes en tant que partenaires, le r¨¨glement des litiges? ¨¦lectoraux, ainsi que la s¨¦curit¨¦ des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs et leur co?t ¨¦lev¨¦, selon le Rapport sur la gouvernance en Afrique.?

Les pays africains peuvent toutefois r¨¦pondre ¨¤ ces pr¨¦occupations en incorporant ces organismes dans leurs constitutions ou dans d¡¯autres dispositions l¨¦gislatives.

Heureusement, ces 20 derni¨¨res ann¨¦es, les pays ont travaill¨¦ sans rel?che pour ranimer et refondre les organismes de gestion ¨¦lectorale en vue d¡¯assurer leur ind¨¦pendance op¨¦rationnelle et financi¨¨re, leur professionnalisme, leur transparence et leur impartialit¨¦, pour leur permettre de contribuer ¨¤ l¡¯int¨¦grit¨¦ des ¨¦±ô±ð³¦³Ù¾±´Ç²Ôs, d¨¦clare l¡¯Institut international pour la d¨¦mocratie et l¡¯assistance ¨¦lectorale.?

L¡¯ONU a jug¨¦? la prestation? de la plupart de ces organismes ? acceptable ?, les institutions d¨¦mocratiques du Ghana, de Maurice, des Seychelles et de l¡¯Afrique du Sud recevant les meilleures notes.

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