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Justice : contre la corruption, il faut de la d¨¦termination

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Justice : contre la corruption, il faut de la d¨¦termination

Des juges impartiaux aident ¨¤ renforcer l¡¯Etat de droit
Franck Kuwonu
Afrique Renouveau: 
New judges for the Court of Appeal being sworn in in Ghana. Photo: FH Communications Bureau
Photo: FH Communications Bureau
De nouveaux juges de la Cour d¡¯Appel pr¨ºtent serment au Ghana. Photo: FH Communications Bureau

Lors d¡¯une enqu¨ºte sur la corruption r¨¦alis¨¦e au Ghana il y a deux ans, plus de 8 Ghan¨¦ens sur 10 (85 %)?d¨¦claraient que les juges et les magistrats faisaient partie des fonctionnaires les plus corrompus du pays.?

En t¨ºte de liste arrivait la police (89 %),?suivie des repr¨¦sentants du gouvernement (86 %). Le pouvoir judiciaire occupait la troisi¨¨me place avec l¡¯administration fiscale du Ghana. L¡¯enqu¨ºte a ¨¦t¨¦ r¨¦alis¨¦e par Afrobarometer, un r¨¦seau ind¨¦pendant non partisan qui effectue des enqu¨ºtes d¡¯opinion publique en Afrique.

Un journaliste local, Anas Aremeyaw Anas, a d¨¦montr¨¦ que ce classement ¨¦tait justifi¨¦. Il a dirig¨¦ une enqu¨ºte secr¨¨te explosive sur la corruption au sein du pouvoir judiciaire et lev¨¦? le voile sur des juges acceptant des pots-de-vin pour abandonner des poursuites ou prononcer des peines plus l¨¦g¨¨res.

Les d¨¦couvertes de M. Anas ont ¨¦t¨¦ diffus¨¦es ¨¤ la t¨¦l¨¦vision dans un reportage? de deux heures : le r¨¦sultat de deux ann¨¦es de travail. Ce documentaire a m¨¦dus¨¦ la nation. Les Ghan¨¦ens se sont indign¨¦s ¨¤ la vue de juges et autres officiers de justice acceptant de l¡¯argent ou de la nourriture, y compris une ch¨¨vre dans un cas, en ¨¦change de faveurs.?

Suspicions de longue date

? La justice a ¨¦t¨¦ meurtrie ?, d¨¦plorait la juge en chef du Ghana, Georgina Theodora Wood, quelques jours apr¨¨s la diffusion des images compromettantes. Et d¡¯ajouter que ces r¨¦v¨¦lations avaient ? jet¨¦ une ombre sur la communaut¨¦ juridique dans son ensemble, sur ses services et sa cr¨¦dibilit¨¦ ?, en plus d¡¯aggraver des suspicions de longue date sur la profession en g¨¦n¨¦ral.?

Le r?le du pouvoir judiciaire est de faire appliquer la loi et d¡¯obliger les fonctionnaires ¨¤ rendre des comptes. Les scandales comme celui-ci mettent en ¨¦vidence les faiblesses structurelles du syst¨¨me judiciaire de nombreux pays d¡¯Afrique subsaharienne.?

Selon les militants anticorruption, le manque d¡¯ind¨¦pendance du pouvoir judiciaire vis-¨¤-vis du pouvoir ex¨¦cutif est l¡¯une des raisons de l¡¯incapacit¨¦ d¡¯un syst¨¨me judiciaire ¨¤ faire respecter la loi. Les conclusions du rapport Indicateurs d¡¯int¨¦grit¨¦ en Afrique 2016 produit par Global Integrity, une organisation promouvant la transparence et la responsabilit¨¦, ont r¨¦v¨¦l¨¦ que l¡¯ind¨¦pendance du pouvoir judiciaire n¡¯est pas garantie dans pr¨¨s de la moiti¨¦ des 54 pays africains.?

?? Nous avons voulu savoir si d¡¯autres branches du gouvernement exercaient des influences [sur le pouvoir judiciaire] ?,?a d¨¦clar¨¦ ¨¤ Afrique Renouveau Sun-Min Kim, responsable chez Global Integrity.?? L¡¯ind¨¦pendance du pouvoir judiciaire ¨¦tant cependant un concept tr¨¨s large, nos indicateurs visaient ¨¤ ¨¦valuer plus pr¨¦cis¨¦ment le processus de nomination, par exemple, et le degr¨¦ d¡¯autonomie dont disposent les? juges lorsqu¡¯ils rendent? leur jugement, si ces derniers ¨¦taient justifi¨¦s et s¡¯ils ¨¦taient rendus publics ou non. ?

Dans certains cas, les juges, les magistrats et les procureurs peuvent ¨ºtre redevables d¡¯int¨¦r¨ºts politiques, lorsque leur carri¨¨re est contr?l¨¦e par la branche ex¨¦cutive. Au Cameroun, par exemple, le pr¨¦sident dirige la plus haute instance judiciaire, le Conseil sup¨¦rieur de la magistrature, qui, entre autres, supervise la nomination des juges. M¨ºme lorsque l¡¯ind¨¦pendance du pouvoir judiciaire peut ¨ºtre garantie formellement et juridiquement, il existe toujours un risque d¡¯ing¨¦rence. En Angola par exemple, le juge Joaquim de Abreu Cangato, un repr¨¦sentant de longue date du parti au pouvoir apparemment sans exp¨¦rience judiciaire, a ¨¦t¨¦ nomm¨¦ en mars 2000 ¨¤ la Cour supr¨ºme, selon le rapport 2016 du Committee to Protect Journalists. Cela alors m¨ºme que l¡¯ind¨¦pendance judiciaire est inscrite dans les lois du pays. ?

Sur les 54 pays africains aupr¨¨s desquels? Global Integrity a enqu¨ºt¨¦, 11 %?ont un pouvoir judiciaire ? compl¨¨tement ind¨¦pendant ? et 30 % un pouvoir judiciaire ? pas compl¨¨tement ind¨¦pendant ?.?Le Botswana, le Cap-Vert, Maurice et l¡¯Afrique du Sud font partie de ces 11 %.

?quilibre des pouvoirs

Certains pays africains ont r¨¦alis¨¦ des progr¨¨s significatifs en mati¨¨re d¡¯ind¨¦pendance du pouvoir judiciaire. Celui du Botswana, par exemple, ? est globalement consid¨¦r¨¦ comme ind¨¦pendant malgr¨¦ les pr¨¦occupations relatives au pouvoir absolu du pr¨¦sident pour ce qui est de nommer les juges de haut niveau ?, indique Marie Terracol, la coordinatrice du programme de signalement des irr¨¦gularit¨¦s de Transparency International, une organisation anticorruption.?

L¡¯Afrique du Sud pr¨¦sente un bilan mitig¨¦ en ce qui concerne l¡¯ind¨¦pendance du pouvoir judiciaire. La r¨¦cente d¨¦cision de la Cour constitutionnelle, la plus haute instance judiciaire du pays, confirmant les accusations de corruption contre le pr¨¦sident Jacob Zuma, a ¨¦t¨¦ salu¨¦e internationalement comme le signe de l¡¯ind¨¦pendance du pouvoir judiciaire, a ¨¦crit le journal britannique The Guardian.?

? Le pr¨¦sident n¡¯a pas su pr¨¦server, d¨¦fendre et respecter la Constitution en tant que loi supr¨ºme du pays ?, a d¨¦clar¨¦ un tribunal au d¨¦but de l¡¯ann¨¦e, apr¨¨s que le pr¨¦sident Zuma et son gouvernement n¡¯ont pas suivi les recommandations du m¨¦diateur, Thuli Madonsela, consistant ¨¤ rembourser l¡¯argent public consacr¨¦ ¨¤ la modernisation de la r¨¦sidence priv¨¦e du pr¨¦sident.?

Lenteur des progr¨¨s

En 2011, Mogoeng Mogoeng, juge en chef de l¡¯Afrique du Sud, a ¨¦t¨¦ pr¨¦f¨¦r¨¦ par le pr¨¦sident Zuma au juge en chef adjoint de l¡¯¨¦poque, Dikgang Ernest Moseneke, largement consid¨¦r¨¦ comme plus exp¨¦riment¨¦ et qualifi¨¦. Des organisations de la soci¨¦t¨¦ civile et des partis d¡¯opposition se sont oppos¨¦s ¨¤ sa nomination, affirmant que le pouvoir ex¨¦cutif tentait d¡¯¨¦touffer l¡¯ind¨¦pendance de la cour. Mais comme l¡¯a d¨¦montr¨¦ la d¨¦cision de la Cour constitutionnelle sud-africaine, les nominations des officiers de justice, m¨ºme par des hommes politiques, ne cr¨¦ent? pas toujours des obligations pour les? juges.?

Pour sa part, le Cap-Vert, g¨¦n¨¦ralement consid¨¦r¨¦ comme l¡¯une des plus fortes d¨¦mocraties d¡¯Afrique, nomme ses juges et magistrats au moyen d¡¯un processus de s¨¦lection fond¨¦e sur le m¨¦rite.?

En 2007, Transparency International se penchait sur la corruption des syst¨¨mes judiciaires dans son rapport annuel sur la corruption mondiale. Elle recommandait une plus grande transparence, des proc¨¦dures judiciaires ¨¦quitables, la formation des officiers des tribunaux et une plus grande implication de la soci¨¦t¨¦ civile.?

Le rapport soulignait aussi l¡¯importance de trouver un ¨¦quilibre entre l¡¯obligation redditionnelle et l¡¯ind¨¦pendance, ajoutant que ? garantir l¡¯ind¨¦pendance des juges, tout en les soumettant ¨¤ des m¨¦canismes d¡¯obligation redditionnelle efficaces, aura pour effet de d¨¦courager la corruption de la magistrature et de la police. ??

Ces recommandations constituent la base des programmes de r¨¦forme judiciaire dans tout le continent. Selon les indicateurs actuels d¡¯int¨¦grit¨¦ en Afrique, le continent progresse, mais lentement, en mati¨¨re d¡¯obligation redditionnelle.

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