Afrique: la maturit¨¦ d¨¦mocratique
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Afrique: la maturit¨¦ d¨¦mocratique
D¡¯apr¨¨s les experts, la solution aux probl¨¨mes politiques et socio-¨¦conomiques de l¡¯Afrique se r¨¦sume en deux mots : bonne gouvernance. Celle-ci? devrait assurer aux 54 pays d¡¯Afrique et ¨¤ son 1,2 milliard?d¡¯habitants, une forte croissance ¨¦conomique, l¡¯¨¦radication de la pauvret¨¦ et la prosp¨¦rit¨¦.
Responsabilit¨¦, transparence, devoir, ¨¦quit¨¦ et ?tat de droit : autant d¡¯¨¦l¨¦ments qui, selon le Conseil ¨¦conomique et social de l¡¯ONU (ECOSOC), d¨¦finissent ce qu¡¯est une bonne gouvernance.
Un voyage sans fin
Cr¨¦¨¦ par l¡¯Union africaine (UA), le M¨¦canisme africain d¡¯¨¦valuation par les pairs (MAEP) vise? ¨¤ promouvoir la stabilit¨¦ politique, la croissance ¨¦conomique et l¡¯int¨¦gration, afin de d¨¦montrer l¡¯impact d¡¯une bonne gouvernance sur le continent. Tout commence avec les constitutions nationales, reflet des id¨¦aux d¨¦mocratiques.?
Toujours d¡¯apr¨¨s le MAEP, de nombreux autres facteurs caract¨¦risent une bonne gouvernance : l¡¯efficacit¨¦ des instances ¨¦lectorales pour assurer des ¨¦lections libres et justes, le respect de la r¨¨gle de droit, l¡¯engagement de la responsabilit¨¦, la s¨¦paration des pouvoirs (notamment l¡¯ind¨¦pendance de la justice) et le respect des droits des femmes, des enfants et des groupes vuln¨¦rables, y compris des populations d¨¦plac¨¦es et des r¨¦fugi¨¦s.?
Ces facteurs de bonne gouvernance sont n¨¦anmoins largement aspirationnels et d¡¯autant plus difficiles ¨¤ ¨¦valuer concr¨¨tement que les pays s¡¯auto¨¦valuent en r¨¦pondant ¨¤ un questionnaire.? ? ?
La plupart des pays ne peuvent donc que tendre vers cet id¨¦al. L¡¯ONU, la Banque mondiale, l¡¯UA encouragent les ?tats et les citoyens ¨¤ s¡¯orienter dans cette direction, tandis que d¡¯autres organisations telles que Transparency International (TI), la Banque mondiale ou Afrobarom¨¨tre mesurent r¨¦guli¨¨rement le chemin parcouru.
Le Programme de? d¨¦veloppement durable ¨¤ l¡¯horizon 2030 adopt¨¦ par l¡¯ONU en septembre 2015 se concentre ¨¦galement sur la bonne gouvernance. Le 16¨¨ime Objectif du d¨¦veloppement durable (ODD) favorise? par exemple l¡¯av¨¨nement de soci¨¦t¨¦s pacifiques, justes et inclusives tandis que le 5¨¨ objectif pr?ne? l¡¯¨¦galit¨¦? des sexes et l¡¯autonomisation? des femmes et des filles.
Parall¨¨lement,? la feuille de route de l¡¯UA insiste sur la n¨¦cessit¨¦ de raviver la flamme du panafricanisme - ce m¨¦lange d¡¯unit¨¦, d¡¯autonomie, d¡¯int¨¦gration et de solidarit¨¦ qui a si bien r¨¦ussi ¨¤ l¡¯Afrique au 20¨¨ si¨¨cle.? L¡¯Agenda 2063 mise sur la bonne gouvernance et ¨¦nonce 7 objectifs destin¨¦s ¨¤ r¨¦inventer l¡¯avenir socio-¨¦conomique et politique de l¡¯Afrique dans les? 50 ann¨¦es ¨¤ venir.?
La 3i¨¨me aspiration de l¡¯Afrique pour 2063 pr¨¦voit ? Une Afrique o¨´ bonne gouvernance, d¨¦mocratie, respect des droits de l¡¯homme, justice et ¨¦tat de droit sont ¨¤ l¡¯ordre du jour ?, tandis que la 6¨¨ envisage ? Une Afrique dont le d¨¦veloppement est ax¨¦ sur les populations, qui s¡¯appuie? sur le potentiel de ses populations, notamment celles des femmes et des jeunes, et qui se soucie du bien-¨ºtre des enfants ?.
La plupart des gouvernements annoncent des politiques de bonne gouvernance ces politiques sont ensuite ¨¦valu¨¦es par TI et d¡¯autres organisations pour ¨¦viter qu¡¯elles ne restent? lettre morte.
Mesurer la performance
Class¨¦ 28i¨¨me sur 167 pays, le Botswana est le meilleur ¨¦l¨¨ve de l¡¯indice 2015 de Transparency International qui mesure la perception du niveau de corruption, suivi par le Cap-Vert ¨¤ la 40i¨¨me position. Les pays les moins bien class¨¦s sont la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud, l¡¯Angola, la Libye et la Guin¨¦e-Bissau.
D¡¯apr¨¨s ce classement, les conflits nuisent ¨¤ la bonne gouvernance. Cependant, la Commission ¨¦conomique pour l¡¯Afrique des Nations Unies (CEA) conteste l¡¯utilisation de la ? perception ? comme indicateur de corruption. ? Aucun indicateur unique ne devrait ¨ºtre utilis¨¦ ?,?dit Carlos Lopes, Secr¨¦taire ex¨¦cutif? de la CEA, dans la pr¨¦face du? 4i¨¨me rapport sur la gouvernance africaine en 2016. Selon lui, la mesure de la corruption en Afrique devrait inclure des informations relatives aux activit¨¦s des acteurs internationaux qui se livrent au? rapatriement de capitaux ou au blanchiment d¡¯argent.
L¡¯Indice Ibrahim est un autre instrument de mesure de la gouvernance africaine sur une ann¨¦e. Il prend en compte 90 indicateurs r¨¦partis en 14 sous-cat¨¦gories, 4 cat¨¦gories et une estimation globale de la qualit¨¦ de la gouvernance. En 2015, l¡¯?le Maurice figure ¨¤ la t¨ºte du classement, suivie par le Cap-Vert, le Botswana, l¡¯Afrique du Sud, la Namibie, les Seychelles et le Ghana dans cet ordre. La Somalie se retrouve ¨¤ nouveau en derni¨¨re position, derri¨¨re le Soudan du Sud, la R¨¦publique centrafricaine et le Soudan.
Les femmes rwandaises?
L¡¯?le Maurice est ¨¦galement class¨¦e 32i¨¨me sur 189 pays dans Doing Business 2016, la publication phare de la Banque mondiale, soulignant ainsi le lien entre bonne gouvernance et d¨¦veloppement ¨¦conomique. En 2013, le pays a confirm¨¦ sa r¨¦putation de centre d¡¯investissements devant l¡¯Afrique du Sud et s¡¯est m¨ºme dot¨¦ d¡¯un minist¨¨re des services financiers, de la bonne gouvernance et des r¨¦formes institutionnelles afin de lutter contre la fraude et la corruption.?
Certains pays africains affichent des donn¨¦es impressionnantes sur la participation politique des citoyens, notamment des femmes. Avec 51 si¨¨ges sur 80 (63,8%), le Rwanda domine le monde en taux de repr¨¦sentation des femmes au Parlement, d¡¯apr¨¨s un rapport de 2015 de l¡¯Union interparlementaire, l¡¯organisation internationale des Parlements. Le S¨¦n¨¦gal arrive en cinqui¨¨me position, avec 64 si¨¨ges sur 150 (42,7%).
Pour l¡¯UA, comme pour la Communaut¨¦ ¨¦conomique des ?tats de l¡¯Afrique de l¡¯Ouest (CEDEAO), la d¨¦mocratie est le socle d¡¯une bonne gouvernance et une condition sine qua non pour devenir membre. Apr¨¨s le coup d¡¯?tat militaire au Mali en mars 2012 et en Guin¨¦e-Bissau un mois plus tard, la CEDEAO a suspendu les deux pays.
Hormis le Mali et la Guin¨¦e-Bissau, les tentatives de coups d¡¯?tat en Afrique ont diminu¨¦ d¡¯un tiers selon une ¨¦tude de la Banque africaine de d¨¦veloppement (BAD) publi¨¦e en 2012 sur la p¨¦riode de 1970 ¨¤ 1989 (99 coups d¡¯?tat) et de 1990 ¨¤ 2010 (67 coups d¡¯?tat). La BAD attribue cette diminution ¨C ou cette progression d¨¦mocratique ¨C ¨¤ une soci¨¦t¨¦ civile fortement impliqu¨¦e (notamment les jeunes et la classe moyenne), un changement de l¡¯environnement international (moins d¡¯ing¨¦rence dans les pays africains) et une pression de la part de groupes r¨¦gionaux tels que la CEDEAO (qui peuvent parfois infliger des sanctions aux r¨¦gimes militaires).
Le chemin ¨¤ parcourir
Cependant, l¡¯absence d¡¯¨¦lections libres et justes repr¨¦sente une menace pour l¡¯¨¦quilibre politique. ? Des ¨¦lections entach¨¦es d¡¯irr¨¦gularit¨¦s? que l¡¯on fait passer pour libres, justes et cr¨¦dibles, contraignent les citoyens ¨¤ se r¨¦volter pour obtenir un changement de r¨¦gime ? ¨¦crit Emma Birikorang, ma?tre? de recherches au Centre international Kofi Annan? de formation au maintien de la paix (KAIPTC) ¨¤ Accra dans un article intitul¨¦ ? Coup d¡¯?tat en Afrique :?une pratique r¨¦volue ? ?.?
La s¨¦rie de rapports publi¨¦e par The Economist Intelligence Unit ¨¦value l¡¯indice d¨¦mocratique des pays sur le ? processus ¨¦lectoral et le pluralisme, les libert¨¦s civiles, le fonctionnement du gouvernement ainsi que la participation ¨¤ la vie politique. ? Les gouvernements sont r¨¦partis en quatre groupes : les d¨¦mocraties ¨¤ part enti¨¨re, les d¨¦mocraties imparfaites, les r¨¦gimes hybrides, et les r¨¦gimes autoritaires.?
Les d¨¦mocraties ¨¤ part enti¨¨re sont exemplaires en termes de gouvernance, notamment sur les libert¨¦s civiles et la tenue d¡¯¨¦lections libres et justes. Les d¨¦mocraties imparfaites organisent des ¨¦lections plus ou moins libres et justes mais au faible taux de participation. Les r¨¦gimes hybrides organisent des ¨¦lections mais les libert¨¦s civiles sont limit¨¦es, tandis que les r¨¦gimes autoritaires ont des dirigeants inamovibles et n¡¯accordent aucune importance aux ¨¦lections.?
D¡¯apr¨¨s l¡¯Indice d¨¦mocratique de 2015, l¡¯?le Maurice ¨¦tait la seule d¨¦mocratie ¨¤ part enti¨¨re en Afrique. Le B¨¦nin, le Botswana, le Cap-Vert, le Maroc, le Nig¨¦ria, l¡¯Afrique du Sud et l¡¯Ouganda sont consid¨¦r¨¦s comme des d¨¦mocraties hybrides. La majorit¨¦ des pays africains appartiennent ¨¤ la cat¨¦gorie des pays autoritaires.
En 2015, des ¨¦lections relativement pacifiques, libres et justes ont ¨¦t¨¦ organis¨¦es au Burkina Faso, au Nig¨¦ria, en Tanzanie et en Zambie. Le Nig¨¦ria a connu une transition sans heurt entre le Parti d¨¦mocratique populaire (PDP) tenant du pouvoir, et le parti de l¡¯opposition, le Congr¨¨s progressiste (APC), une premi¨¨re dans l¡¯histoire du pays. N¨¦anmoins, un amendement constitutionnel controvers¨¦ au Burundi a permis au pr¨¦sident Pierre Nkurunziza de faire un troisi¨¨me mandat, plongeant ainsi le pays dans une crise politique.?
En ?thiopie, le parti du Premier ministre Hailemariam Desalegn, le Front d¨¦mocratique r¨¦volutionnaire des peuples ¨¦thiopiens, a remport¨¦ les ¨¦lections avec 100% des suffrages et obtenu les 546 si¨¨ges parlementaires. Le calendrier ¨¦lectoral de l¡¯Afrique en 2016 comprend la R¨¦publique d¨¦mocratique du Congo, le Ghana,? le Niger, la Somalie, l¡¯Ouganda et la Zambie. Des ¨¦lections r¨¦ussies favoriseraient la bonne gouvernance dans ces pays.?
Dans l¡¯ensemble, la gouvernance en Afrique fait des progr¨¨s continus malgr¨¦ quelques rat¨¦s. Les indicateurs montrent que la gouvernance va dans le bon sens.?
Les Organisations de la soci¨¦t¨¦ civile n¡¯h¨¦sitent pas ¨¤ se faire entendre et ¨¤ demander des comptes aux autorit¨¦s. La justice, les m¨¦dias, le corps ¨¦lectoral et d¡¯autres institutions s¡¯efforcent ¨¦galement de contribuer ¨¤ la bonne gouvernance dans de nombreux pays.?
On peut donc affirmer avec certitude que l¡¯Afrique progresse lentement mais s?rement.? ?