L¡¯Inde et l¡¯Afrique relancent leurs relations commerciales
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L¡¯Inde et l¡¯Afrique relancent leurs relations commerciales
Avant de partir ¨¦tudier ¨¤ l¡¯¨¦tranger, Zara Mwanzia ¨¦tait persuad¨¦e que le chapati - ce pain d¨¦licieux dont raffolent les K¨¦nyans - ¨¦tait une sp¨¦cialit¨¦ locale. ? J¡¯ai ¨¦t¨¦? ¨¦tonn¨¦e de d¨¦couvrir que le chapati venait en r¨¦alit¨¦ d¡¯Inde ?, avoue-t-elle songeuse.
On ne peut que pardonner ¨¤ Zara son ignorance tant la culture indienne impr¨¨gne l¡¯Afrique de l¡¯Est et l¡¯Afrique australe. Le th¨¦ chai est un autre exemple. Ce m¨¦lange de th¨¦, de lait, de sucre et d¡¯¨¦pices est la boisson favorite ¨¤ Nairobi, la capitale du Kenya, et dans tout le pays.
Les liens culturels et ¨¦conomiques qui unissent l¡¯Inde et l¡¯Afrique vont bien au-del¨¤ du chapati et du th¨¦ chai et ont travers¨¦ les ¨¦poques: des ¨¦changes commerciaux du d¨¦but du IVe si¨¨cle, ¨¤ la coop¨¦ration politique pour l¡¯ind¨¦pendance de l¡¯Afrique au XXe si¨¨cle, en passant par le transfert de main-d¡¯oeuvre issue des colonies britanniques.?
Des liens de parent¨¦ et d¡¯amiti¨¦
En comptant la seconde g¨¦n¨¦ration, on estime la population indienne en Afrique ¨¤ environ 2,7 millions en 2015. Plus de la moiti¨¦ vit en Afrique du Sud, un tiers ¨¤ l¡¯?le Maurice et une minorit¨¦ dans les pays d¡¯Afrique de l¡¯Est comme le Kenya, la Tanzanie?et l¡¯Ouganda.?
?Nous sommes des amis de longue date et nous avons des liens de parent¨¦ ?, a affirm¨¦ Nirmala Sitharaman,? ministre d¡¯?tat indienne charg¨¦e du commerce devant le Troisi¨¨me Sommet du Forum Inde-Afrique en octobre 2015. Tous les trois ans, les dirigeants indiens et africains s¡¯y r¨¦unissent pour discuter des possibilit¨¦s d¡¯¨¦changes commerciaux et d¡¯investissement? et d¨¦velopper leurs relations diplomatiques.?
L¡¯histoire commune entre l¡¯Inde et l¡¯Afrique renforce la tendance actuelle au rapprochement et ¨¤ la coop¨¦ration ¨¦conomique. Les pays africains se tournent de plus en plus vers l¡¯Est au d¨¦triment de leurs partenaires occidentaux tandis que les ¨¦conomies ¨¦mergentes asiatiques se pr¨¦cipitent pour investir en Afrique.?
La premi¨¨re visite officielle en Afrique du Premier ministre indien Narendra Modi en juillet 2016 pr¨¦c¨¦d¨¦e un mois plus t?t par celle du Pr¨¦sident Pranab Mukharjee, est un signal fort d¡¯un regain d¡¯int¨¦r¨ºt mutuel.
D¡¯apr¨¨s les chiffres du gouvernement indien et de la Banque africaine de d¨¦veloppement (BAD), les ¨¦changes commerciaux bilat¨¦raux entre l¡¯Inde et l¡¯Afrique sont pass¨¦s de 1 milliard de dollars en 1995 ¨¤ 75 milliards en 2015.
De 2010 ¨¤ 2015, le Nig¨¦ria ¨¦tait le premier partenaire ¨¦conomique de l¡¯Inde en Afrique avec un volume d¡¯import - export de 1,6 milliard de dollars, suivi par l¡¯Afrique du Sud avec 1,1 milliard, puis par le Kenya et le Mozambique.
Sur l¡¯ensemble de la p¨¦riode, les exportations de l¡¯Inde vers l¡¯Afrique ont augment¨¦ de 93% et les importations de 28%, d¡¯apr¨¨s le rapport Afrique-Inde: Faits et chiffres 2015, publi¨¦ conjointement par la Commission ¨¦conomique pour l¡¯Afrique? (CEA) et la Conf¨¦d¨¦ration des industries indiennes (CII). Ce rapport indique que la part de l¡¯Afrique dans les exportations indiennes est pass¨¦e de 17,9 milliards de dollars en 2010 ¨¤ 34,6 milliards?en 2015.?
D¡¯apr¨¨s un rapport publi¨¦ en 2015 par le South African Institute of International Affairs, l¡¯?le Maurice serait la destination de pr¨¦dilection de l¡¯investissement direct ¨¦tranger (IDE) qui s¡¯¨¦l¨¨ve ¨¤ 64,2 milliards de dollars pour la p¨¦riode de 2000 ¨¤ 2012.?
Si ce montant repr¨¦sente les trois-quarts de l¡¯IDE de l¡¯Inde en Afrique, les chiffres sont fauss¨¦s. Les investissements sont avant tout li¨¦s aux activit¨¦s des entreprises am¨¦ricaines qui tirent parti de la l¨¦gislation fiscale avantageuse de l¡¯?le et investissent en Inde par le biais des entreprises mauriciennes.?
Le secteur priv¨¦ aux commandes ?
Les investissements indiens continuent d¡¯augmenter en Afrique. Bharti Airtel, l¡¯entreprise multinationale de t¨¦l¨¦communications bas¨¦e ¨¤ New Delhi, en est l¡¯illustration parfaite. Elle domine le march¨¦ dans 18 pays africains depuis son arriv¨¦e en 2010 avec le rachat de Zain, entreprise kowe?tienne, pour un montant de 10 milliards de dollars. Avec plus de 76 millions d¡¯abonn¨¦s et 5 000 employ¨¦s en mars 2015, Airtel est d¨¦sormais le deuxi¨¨me op¨¦rateur de t¨¦l¨¦phonie mobile en Afrique. ?
Tata Africa Holdings est ¨¦galement une entreprise indienne de renom bas¨¦e ¨¤ Johannesburg en Afrique du Sud. On reconna?t ais¨¦ment son logo rouge et blanc sur les diff¨¦rents v¨¦hicules, camions, semi-remorques, et moyens de transports publics, qui arpentent les routes africaines.?
Mais l¡¯entreprise est bien plus qu¡¯une affaire d¡¯assemblage de v¨¦hicules. Forte de sa pr¨¦sence dans 11 pays africains, elle est ¨¦galement impliqu¨¦e dans les technologies de l¡¯information, les produits chimiques, la sid¨¦rurgie et l¡¯ing¨¦nierie, l¡¯industrie h?teli¨¨re, l¡¯¨¦nergie et le secteur minier. En 2016, cette entreprise de 1 500 employ¨¦s investissait plus de 145 milliards de dollars en Afrique.?
D¡¯autres entreprises indiennes sont pr¨¦sentes comme ArcelorMittal (sid¨¦rurgie et mines de fer), Essar Steel (sid¨¦rurgie), Coal India, Vedanta Resources (cuivre et autres m¨¦taux), Varun Industries (min¨¦raux de terres rares), Jindal Steel and Power (sid¨¦rurgie et ¨¦nergie), ou encore Apollo Tyres (fabrication et distribution de pneus).
Renforcer les liens?
R¨¦ciproquement, les investissements africains en Inde s¡¯¨¦l¨¨vent ¨¤ pr¨¨s de 65,4 milliards de dollars, d¡¯apr¨¨s le rapport Afrique-Inde: Faits et chiffres 2015. La majorit¨¦ des investissements provient des entreprises bas¨¦es ¨¤ l¡¯?le Maurice. Les investissements des multinationales sud-africaines dans les infrastructures, les brasseries? et les services financiers repr¨¦sentent ainsi moins d¡¯un milliard de dollars. Un rapport de l¡¯Institut d¡¯ ¨¦tudes strat¨¦giques (ISS) en Afrique du Sud pr¨¦voit cependant une augmentation continue des investissements africains en Inde.?
Lors de la cl?ture du Sommet du Forum Inde-Afrique? en 2015, le Premier ministre indien Narendra Modi avait annonc¨¦ une ligne de cr¨¦dit d¡¯un montant de 10 milliards de dollars pour les entreprises indiennes qui souhaiteraient investir en Afrique. Il s¡¯¨¦tait ¨¦galement engag¨¦ ¨¤ fournir une aide de 600 millions de dollars afin de financer des initiatives communes : 100 millions pour un Fonds de d¨¦veloppement, 10 millions pour un Fonds pour la sant¨¦ et 50 000 bourses pour les ¨¦tudiants africains en Inde sur les cinq ann¨¦es ¨¤ venir.?
Si l¡¯on se r¨¦f¨¨re aux pr¨¦c¨¦dents Sommets du Forum Inde-Afrique en 2008 et 2011 et? au rapport conjoint CEA - CII, une subvention de 7,4 milliards de dollars avait permis de financer? 137 projets dans 41 pays, tandis qu¡¯une aide de 500 millions de dollars avait pu financer un projet de renforcement des capacit¨¦s avec la cr¨¦ation d¡¯institutions sp¨¦cialis¨¦es, l¡¯attribution de bourse d¡¯¨¦tudes et la mise en place du projet de r¨¦seau panafricain des services en ligne? qui connecte actuellement 48 pays africains. De plus, ces? trois derni¨¨res ann¨¦es, ? 25 000 Africains ont fait leurs ¨¦tudes? en Inde ou y ont ¨¦t¨¦? form¨¦s.?
Au cours de sa visite au Ghana en juin 2016, le pr¨¦sident Mukherjee a annonc¨¦ que sa tourn¨¦e faisait partie d¡¯une volont¨¦ plus large de rapprochement et qu¡¯elle serait suivie de celle du Premier ministre Modi dans d¡¯autres pays d¡¯Afrique. D¡¯apr¨¨s ses dires, le sens de son propos ¨¦tait: ? Afrique, nous sommes ¨¤ tes c?t¨¦s ?. Un mois plus tard, M. Modi s¡¯est rendu au Kenya, au Mozambique, en Afrique du Sud et en Tanzanie pour signer plusieurs accords bilat¨¦raux.