L’Afrique est aux prises avec une myriade de défis environnementaux et climatiques, allant de la sécheresse à la perte de biodiversité, en passant par les cyclones et la pollution plastique. Zipporah Musau, d’Afrique Renouveau, s’est entretenue avec la Directrice exécutive adjointe du Programme des Nations Unies pour l’environnement, Mme Joyce Msuya, sur la façon dont les pays africains peuvent surmonter certains de ces défis et sur les possibilités qui s’offrent à eux.
Cela fait environ un an que vous avez été nommée Directrice exécutive adjointe du PNUE et, pendant un certain temps, vous en avez été la Directrice exécutive. Comment décririez-vous cette expérience ?
J’ai rejoint le PNUE en août 2018 et c’est une expérience vraiment enrichissante. Étant donné le caractère absolument central de l’environnement dans le développement — dans l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) —, il a été formidable de voir le rôle de premier plan que l’ONU a joué à bien des égards. Ainsi, nous avons récemment publié le sixième rapport sur l’avenir de l’environnement mondial, qui montre que nous faisons de plus en plus le lien entre l’environnement et les questions de développement au sens large.
Quels sont certains des événements marquants de votre expérience au PNUE ?
La quatrième Assemblée de l’ONU pour l’environnement, qui s’est tenue en mars 2019, et qui a mis l’accent sur les innovations susceptibles de nous aider à parvenir à une production et à une consommation durables, a certainement été un événement marquant. À l’issue de cinq jours de discussions, les ministres de plus de 170 États Membres de l’ONU ont présenté un plan audacieux pour le changement, affirmant que le monde devait accélérer la transition vers un nouveau modèle de développement afin de respecter la vision définie dans les ODD pour 2030.
Les États Membres se sont mis d’accord sur 23 résolutions non contraignantes couvrant une série de défis environnementaux, notamment une économie mondiale plus circulaire, des marchés publics durables, la lutte contre le gaspillage de denrées alimentaires et le partage des meilleures pratiques concernant les solutions frigorifiques sûres et à haut rendement énergétique. Si les pays respectent tout ce qui a été convenu et mettent en œuvre les résolutions, nous pourrions faire un grand pas vers un nouvel ordre mondial pour ne plus nous développer aux dépens de la nature et voir plutôt les hommes et la planète prospérer ensemble.
Je suis entourée d’une équipe solide : le personnel du PNUE et le reste de la famille des Nations Unies. En tant que femme d’Afrique de l’Est, c’est une expérience très émouvante que de servir au sein de l’organisation et d’être basée au siège du PNUE à Nairobi pour travailler sur les questions environnementales.
Quels sont certains des principaux défis environnementaux auxquels l’Afrique est confrontée aujourd’hui et comment peut-on les relever ?
Je résumerai les plus grands défis auxquels l’Afrique est confrontée aujourd’hui en quatre catégories. Le premier est l’impact du changement climatique, étant donné que la plupart des économies africaines dépendent encore du secteur agricole. Le deuxième est la perte de biodiversité, car cela produit un impact sur la sécurité alimentaire et les écosystèmes naturels. Le troisième est l’énergie, car de nombreuses économies africaines connaissent une croissance rapide et ont besoin d’un approvisionnement suffisant en énergie. Enfin, en examinant les tendances démographiques, on constate une forte croissance dans les zones urbaines, les populations se déplaçant vers les villes. Cela pose des défis, notamment celui de la gestion des déchets.
Des opportunités s’offrent-elles ?
Oui, des opportunités passionnantes. Après l’Accord de Paris, il y a eu un engagement mondial et une volonté politique de lutter contre le changement climatique. Nous travaillons actuellement avec les pays africains pour les aider à élaborer des plans de développement nationaux en matière d’atténuation et d’adaptation. En ce qui concerne la nature, l’année prochaine, une grande réunion mondiale se tiendra en Chine sur la Convention sur la diversité biologique, qui permettra aux États membres africains de façonner le programme mondial relatif à la diversité biologique en partageant les stratégies qui portent fruit et qui peuvent être reproduites ailleurs. L’Afrique bénéficie de nombreuses heures d’ensoleillement ; comment pouvons-nous promouvoir une utilisation accrue de l’énergie solaire et d’autres énergies renouvelables pour alimenter les économies africaines ?
Le PNUE milite en faveur d’une économie verte en promouvant des politiques favorisant la réduction des émissions de carbone, l’utilisation efficace des ressources et l’inclusion sociale. Comment les pays africains peuvent-ils en tirer parti ?
En privilégiant des sources d’énergie plus propres. Nous constatons déjà plusieurs développements en ce sens. Si vous suivez ce qui se passe en Afrique du Sud - le pays essaie de faire passer son secteur industriel manufacturier lourd de la dépendance au charbon à une énergie plus propre... c’est un processus lent. La transition des mauvaises sources d’énergie vers les énergies renouvelables prend du temps. Ensuite, nous devons interdire la déforestation et élaborer des plans pour une économie verte. Des pays comme l’Éthiopie, le Ghana et l’Afrique du Sud vont dans cette direction. Il faut que les ministres de l’Environnement collaborent très étroitement avec les ministres des Finances pour élaborer ces plans. Le PNUE utilise son rôle de rassembleur pour aider les États membres dans ce sens.
Comment les pays africains font-ils face à la menace du plastique ?
Les gouvernements, les citoyens, le secteur privé et la société civile ont tous un rôle à jouer en ce qui concerne les plastiques. Les gouvernements et les citoyens africains peuvent agir à trois niveaux. Le leadership et la volonté politique de mettre en place des règlements pour interdire les plastiques à usage unique et promouvoir la réutilisation des plastiques intelligents en sont un premier. Deuxièmement, les gens doivent faire des choix intelligents, les enfants disant à leurs parents : « maman, papa, n’achetez pas de plastique s’il vous plaît ». Le choix des consommateurs peut influencer l’empreinte environnementale des plastiques. Troisièmement, nous devons encourager et faire progresser les initiatives locales comme « Flip Flopi », au Kenya, qui a fabriqué un bateau entier à partir de plastiques ramassés sur les plages. Il a récemment navigué de Lamu à Zanzibar pour sensibiliser l’opinion publique. Enfin, les partenariats avec le secteur privé. Si vous voulez des exemples de cas où les plastiques à usage unique ont été interdits, les gouvernements ont collaboré avec le secteur privé pour l’encourager à trouver d’autres moyens plus durables de remplacer les sacs en plastique.Ìý Le rôle du PNUE consiste en partie à promouvoir le partage de ces expériences. Un certain nombre de pays africains, dont le mien, la Tanzanie et le Kenya, cherchent des moyens de préserver les parcs nationaux pour soutenir l’industrie du tourisme et les moyens de subsistance. Enfin, nous devons voir comment faire face à la menace plastique en introduisant plus de circularité dans les économies. C’est là que l’appui au renforcement des capacités des gouvernements sera essentiel.
Comment le PNUE aide-t-il les États membres en Afrique à réaliser les ODD et le programme de développement durable à l’horizon 2030 ? En particulier, comment le PNUE assure-t-il la coordination avec des organisations panafricaines telles que l’Union africaine pour faire face aux effets du changement climatique ?
ONU-Environnement soutient et présente des politiques fondées sur des principes scientifiques capables de transformer la relation de l’humanité avec son environnement. Nous accueillons également des plateformes mondiales — de l’Assemblée de l’ONU pour l’environnement aux réseaux financiers internationaux en passant par les accords environnementaux multilatéraux — qui dynamisent l’action. Et nous militons, de concert avec les citoyens du monde entier pour inspirer le changement. Cependant, nous ne pouvons pas agir seuls en raison de l’ampleur du défi, mais il existe d’énormes possibilités de faire une différence et les partenariats sont donc essentiels. Pour les activités de plaidoyer politique, nous sommes en contact avec l’Union africaine par l’intermédiaire de notre bureau à Addis-Abeba. Nous offrons des conseils stratégiques, une assistance technique et un renforcement des capacités. Nous travaillons avec le NEPAD et discutons avec la Communauté d’Afrique de l’Est pour voir comment soutenir les initiatives sous-régionales et régionales. J’étais au Cap, en Afrique du Sud, plus tôt cette année, avec d’autres organismes régionaux, pour apprendre comment les pays élaborent des plans économiques verts.
Comment le PNUE mobilise-t-il les femmes et les jeunes ?
Nous les sollicitons à divers niveaux dans le cadre du processus intergouvernemental. Les femmes et les jeunes sont au cœur de la mise en œuvre de nos programmes. Lors de la quatrième Assemblée de l’ONU pour l’environnement, nous avons entendu de nombreux jeunes militants nous expliquer pourquoi ils commencent à s’impatienter et exigent que des mesures soient prises.
L’Afrique a un rôle important à jouer en matière d’environnement. Tous ces défis mondiaux ont un impact sur le continent, d’où la nécessité d’entendre les voix africaines à tous les niveaux dans les forums mondiaux. En outre, il est essentiel d’intégrer l’environnement dans toutes les activités menées au niveau national et de les traduire en actions. Les partenariats sont primordiaux :
l’Afrique est hétérogène, mais nous pouvons nous appuyer sur cette hétérogénéité pour mener une action collective. Nos défis ne peuvent être résolus individuellement. Il faut tout un village pour élever un enfant en Afrique ; il va falloir tout un village pour résoudre nos problèmes environnementaux.Ìý Ìý Ìý