Nous pouvons am¨¦liorer nos syst¨¨mes
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Nous pouvons am¨¦liorer nos syst¨¨mes
Le Dr Matshidiso Moeti, du Botswana, est la premi¨¨re femme ¨¤ diriger le Bureau r¨¦gional de l¡¯Organisation mondiale de la Sant¨¦ (OMS) pour l¡¯Afrique. La nouvelle directrice r¨¦gionale poss¨¨de plus de 36 ans d¡¯exp¨¦rience dans le domaine de la sant¨¦ publique. Son but est de rendre l¡¯Organisation plus dynamique, efficace et ax¨¦e sur les r¨¦sultats. Elle ambitionne d¡¯acc¨¦l¨¦rer l¡¯atteinte des Objectifs de d¨¦veloppement convenus au plan mondial, tout en faisant face aux menaces ¨¦mergentes. Voici un extrait adapt¨¦ de son entretien avec Tefo Pheage pour Afrique Renouveau.
Afrique Renouveau : Vous avez r¨¦cemment organis¨¦ votre deuxi¨¨me rencontre annuelle avec les ministres africains de la sant¨¦. ?tes-vous satisfaite de son issue ?
Dr Moeti : Oui, elle s¡¯est r¨¦v¨¦l¨¦e tr¨¨s productive. Les ministres ont adopt¨¦ des strat¨¦gies et des cadres cl¨¦s couvrant les vastes domaines de la s¨¦curit¨¦ sanitaire, des syst¨¨mes de sant¨¦, de la sant¨¦ des enfants, des femmes et des adolescents, de la vieillesse, des maladies transmissibles et non transmissibles, du financement et de la gouvernance de l¡¯OMS. Ils se sont engag¨¦s ¨¤ ?uvrer en faveur d¡¯un engagement politique et ¨¤ mobiliser davantage de ressources pour la sant¨¦, ainsi qu¡¯¨¤ renforcer leur collaboration dans le cadre du programme de d¨¦veloppement durable.
En ressort-il quelque chose qui va influencer votre strat¨¦gie ??
L¡¯enthousiasme renouvel¨¦ en faveur de meilleurs soins de sant¨¦ en Afrique m¡¯inspire. Je suis convaincue que, si chacun y met du sien , il sera possible de? les am¨¦liorer.
Parlez-nous de votre premi¨¨re ann¨¦e en tant que directrice et de ce que vous esp¨¦rez accomplir au cours de vos cinq ann¨¦es de mandat.?
La premi¨¨re ann¨¦e, ma priorit¨¦ ¨¦tait de mettre fin ¨¤ la flamb¨¦e du virus Ebola en Afrique de l¡¯Ouest, ce qui a ¨¦t¨¦ accompli en d¨¦cembre 2015, ainsi que d'am¨¦liorer l'¨¦tat de? pr¨¦paration et la capacit¨¦ de r¨¦action de la r¨¦gion face? aux ¨¦pid¨¦mies et aux urgences. Nous avons ¨¦galement commenc¨¦ ¨¤ restructurer l¡¯OMS en Afrique afin d¡¯y traiter efficacement les priorit¨¦s. Mon mandat s¡¯articule autour de cinq objectifs : am¨¦liorer la s¨¦curit¨¦ sanitaire, renforcer les syst¨¨mes nationaux de sant¨¦, faire une large place aux? Objectifs de d¨¦veloppement durable li¨¦s ¨¤ la sant¨¦, aborder les d¨¦terminants sociaux de la sant¨¦ et mettre sur pied un Secr¨¦tariat de l¡¯OMS en Afrique qui soit dynamique et ax¨¦ sur les r¨¦sultats.
Vous avez ¨¦t¨¦ nomm¨¦e alors que le virus Ebola ravageait la Guin¨¦e, le Lib¨¦ria et la Sierra Leone. Qu¡¯est-ce qui a permis de le vaincre ??
Certains facteurs ¨¦taient primordiaux pour l¡¯¨¦radiquer, notamment un engagement intense aupr¨¨s des pays touch¨¦s, des bailleurs, des organismes techniques et des collectivit¨¦s. Je me suis rendue dans? les trois pays touch¨¦s pour nouer le dialogue avec? leur pr¨¦sident, les? autorit¨¦s nationales, les? partenaires et? la communaut¨¦, afin? que toutes les mesures n¨¦cessaires pour juguler l¡¯¨¦pid¨¦mie soient mises en ?uvre. Nous avons ensuite mobilis¨¦ les ressources financi¨¨res n¨¦cessaires pour soutenir les op¨¦rations sur le terrain. Enfin, nous avons d¨¦ploy¨¦ plus de 3 800 diff¨¦rents experts, qui ont jou¨¦ un r?le essentiel dans la mise en ?uvre des interventions sur le terrain, comme le suivi des contacts, le traitement des malades, la d¨¦tection du virus ¨¤ l¡¯aide de laboratoires mobiles et le partage des donn¨¦es et des informations avec la communaut¨¦ mondiale.
Comment ces pays pourraient-ils mieux se pr¨¦parer contre les futures ¨¦pid¨¦mies, le virus Zika, par exemple ??
Il est crucial pour eux de renforcer leurs capacit¨¦ et moyens de pr¨¦paration et de r¨¦ponse ¨¤ toute crise? de sant¨¦ publique susceptible de menacer la s¨¦curit¨¦ sanitaire publique, en mettant en ?uvre le R¨¨glement sanitaire international. Cet ensemble de r¨¨gles adopt¨¦es par tous les pays vise ¨¤ renforcer leurs capacit¨¦s de base, fournir un financement ad¨¦quat et collaborer avec les partenaires. Ces r¨¨gles? sont ¨¦galement con?ues pour renforcer la coop¨¦ration transfrontali¨¨re en mati¨¨re de? pr¨¦paration et de? r¨¦ponse aux menaces d¨¦coulant de maladies ¨¤ tendance ¨¦pid¨¦mique et pand¨¦mique. La participation de la soci¨¦t¨¦ civile et du secteur priv¨¦ est ¨¦galement capitale.
Quelles mesures concr¨¨tes les pays d¡¯Afrique peuvent-ils prendre pour am¨¦liorer leurs syst¨¨mes de sant¨¦ ??
Renforcer le leadership et la gouvernance des secteurs sanitaires pour gagner la confiance de toutes les parties prenantes. Les gouvernements devraient aussi ¨ºtre plus innovants pour g¨¦n¨¦rer des revenus de sources int¨¦rieures et assurer ¨¤ toute la population un acc¨¨s aux services de sant¨¦ essentiels. Ils devraient am¨¦liorer la qualit¨¦ des services de sant¨¦ et la s¨¦curit¨¦ des patients et du personnel? de? sant¨¦, ainsi que s¡¯associer avec la soci¨¦t¨¦ civile et d¡¯autres partenaires afin d¡¯¨¦largir l¡¯acc¨¨s. Investir dans les syst¨¨mes de sant¨¦ au niveau des districts et des collectivit¨¦s devrait ¨ºtre une priorit¨¦ pouvant contribuer ¨¤ la couverture sanitaire universelle et ¨¤ la r¨¦alisation des Objectifs de d¨¦veloppement durable.
Le 3e Objectif de d¨¦veloppement durable consiste ¨¤ permettre ¨¤ tous de vivre en bonne sant¨¦ et promouvoir le bien-¨ºtre de tous. Quel r?le les gouvernements et les partenaires tels que l¡¯OMS doivent-ils jouer pour aider l¡¯Afrique ¨¤ cet ¨¦gard ? ?
Les Objectifs de d¨¦veloppement durable n¨¦cessiteront une nouvelle approche int¨¦gr¨¦e et holistique de la part des gouvernements. Bien que le 3e objectif porte sur la sant¨¦, une compl¨¦mentarit¨¦ et une synergie intersectorielles sont essentielles pour l¡¯atteindre. Les gouvernements ont besoin de nouvelles plateformes pour coordonner les besoins des secteurs social et sanitaire, mais aussi pour prot¨¦ger les citoyens les plus vuln¨¦rables. Notre r?le, ¨¤ l¡¯OMS et aux autres partenaires, consiste ¨¤ aider ¨¤ renforcer la capacit¨¦ du secteur de la sant¨¦ de sorte que les techniciens et les d¨¦cideurs puissent r¨¦pondre ¨¤ ces besoins.?
Quel sera le r?le de l¡¯OMS dans la mobilisation des ressources destin¨¦es aux pays pauvres ne pouvant se permettre de consacrer ¨¤ la sant¨¦ une ¨¦norme part de leur budget ??
Nous encourageons vivement les partenaires et les pays donateurs ¨¤ offrir un soutien, notamment financier, aux pays les plus en difficult¨¦. Cependant, il faut reconna?tre que les bailleurs se lassent des conflits, des crises migratoires et humanitaires, qui exigent davantage de ressources de la part de la communaut¨¦ internationale. Nous devons mobiliser plus de ressources de notre propre r¨¦gion, pour r¨¦duire progressivement la d¨¦pendance ¨¤ l¡¯¨¦gard des dons ext¨¦rieurs. Les pays africains devront peut-¨ºtre? aussi? envisager? des moyens novateurs de? mobiliser des ressources au moyen de r¨¦gimes fiscaux cibl¨¦s (comme cela a ¨¦t¨¦ fait ailleurs avec les imp?ts sur les billets d¡¯avion et sur les ? vices ?). L¡¯OMS offrira ses conseils techniques et son expertise pour renforcer la capacit¨¦ de mobilisation? des ressources et assurer leur utilisation? plus efficace, tout en garantissant la transparence et la responsabilit¨¦ .?
L¡¯OMS a, au fil des ans, propos¨¦ de d¨¦velopper des services de sant¨¦ mentale communautaires dans le monde entier. Quelle est la situation en Afrique ¨¤ cet ¨¦gard ??
De tels services sont d¨¦velopp¨¦s ou renforc¨¦s dans plusieurs pays africains. Ils int¨¨grent g¨¦n¨¦ralement une approche ax¨¦e sur le r¨¦tablissement, qui donne la priorit¨¦ ¨¤? l¡¯aide apport¨¦e aux personnes atteintes de troubles mentaux ou psychosociaux, aux personnes vuln¨¦rables ou victimes de violences. La majorit¨¦ des services communautaires de la r¨¦gion sont assur¨¦s? par des ONG et des groupes religieux, avec le soutien des familles et des aidants. Dans certains pays, le gouvernement contribue ou assume l¡¯enti¨¨re responsabilit¨¦. Les pays qui ont adopt¨¦ ces services sont notamment le B¨¦nin, le Burkina Faso, le Kenya, la RDC, le Ghana, la Namibie, le Rwanda, le S¨¦n¨¦gal, l¡¯Afrique du Sud, le Togo, l¡¯Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe.?
Le VIH/sida et le paludisme sont encore des probl¨¨mes de sant¨¦ majeurs en Afrique, qui compte 11 % de la population mondiale, mais abrite 60 % des personnes atteintes du? VIH/sida. O¨´ en serons-nous dans les? ann¨¦es qui viennent ??
Nous avons fait d¡¯importants progr¨¨s en r¨¦duisant les d¨¦c¨¨s dus au paludisme de 66 % ces 15 derni¨¨res ann¨¦es ; les d¨¦c¨¨s dus au VIH/sida ont baiss¨¦ de pr¨¨s de la moiti¨¦ ces 10 derni¨¨res ann¨¦es. Cela a ¨¦t¨¦ en grande partie possible gr?ce ¨¤ un engagement politique accru, un partenariat mondial plus fort, un financement ¨¤ la hausse, une meilleure couverture permettant des interventions efficaces et une implication concr¨¨te? des malades du sida.?
Et en ce qui concerne l¡¯avenir ?
Les cinq prochaines ann¨¦es seront cruciales et nous devrons travailler dur si nous voulons atteindre les objectifs consistant ¨¤ ce que 90 % des personnes vivant avec le VIH soient inform¨¦es de leur s¨¦ropositivit¨¦, que 90 % des personnes s¨¦ropositives soient plac¨¦es sous traitement antir¨¦troviral et que 90 % des personnes sous traitement connaissent une suppression de la charge virale.
?Sur les 20 pays mondiaux enregistrant les plus hauts taux de mortalit¨¦ maternelle, 19 se trouvent en Afrique, qui affiche ¨¦galement le taux de mortalit¨¦ n¨¦onatale le plus ¨¦lev¨¦ au monde. O¨´ l¡¯Afrique se trouve-t-elle ??
Des efforts sont d¨¦ploy¨¦s pour lutter contre ce nombre ¨¦lev¨¦ de d¨¦c¨¨s. Onze de ces 19 pays ont ¨¦t¨¦ confront¨¦s ¨¤ des crises humanitaires, ou se trouvaient en situation de conflit ou de post-conflit. Cela a pu entra?ner l¡¯effondrement des syst¨¨mes de sant¨¦, provoquant une forte hausse des d¨¦c¨¨s des suites de complications normalement faciles ¨¤ traiter. Quelques progr¨¨s ont n¨¦anmoins ¨¦t¨¦ r¨¦alis¨¦s.?
Dans quels domaines ??
? la fin de 2015, la mortalit¨¦ maternelle a diminu¨¦ de 45 % dans la r¨¦gion. L¡¯OMS a sp¨¦cialement? soutenu l¡¯¨¦laboration de feuilles de route visant ¨¤ la r¨¦duction de la mortalit¨¦ maternelle et n¨¦onatale en Afrique, et les d¨¦c¨¨s de nouveau-n¨¦s ont chut¨¦ de 38 %. L¡¯OMS a aid¨¦ plus de 36 pays ¨¤ renforcer leur capacit¨¦ en mati¨¨re de soins aux nouveau-n¨¦s, en ¨¦tablissement et au sein de la communaut¨¦. Ce travail se poursuit. Il convient aussi de noter que les d¨¦c¨¨s maternels li¨¦s au VIH sont pass¨¦s de 10 % en 2005 ¨¤ 2 % ¨¤ la fin de 2015.
Beaucoup pensent qu¡¯un certain nombre de travailleurs de la sant¨¦ africains ont ¨¦migr¨¦ en Occident. Avec cet exode des cerveaux, comment l¡¯Afrique peut-elle garantir des ressources humaines ad¨¦quates pour le secteur ??
Nous continuons ¨¤ encourager les pays ¨¤ d¨¦velopper la formation priv¨¦e des travailleurs de la sant¨¦. Nous pr¨¦conisons une r¨¦mun¨¦ration ad¨¦quate et opportune des travailleurs de la sant¨¦, ainsi que des incitations pour les retenir dans les r¨¦gions recul¨¦es. Les pays devraient ¨¦galement tenir compte du Code de pratique mondial de l¡¯OMS pour le recrutement international des personnels de sant¨¦. Ce code encourage les pays de destination ¨¤ collaborer avec les pays d¡¯origine afin de former davantage de travailleurs de la sant¨¦. Nous exhortons ¨¦galement les pays ¨¤ d¨¦courager le recrutement actif de personnel de sant¨¦ originaire de pays en d¨¦veloppement confront¨¦s ¨¤ une grave p¨¦nurie. Toutefois, l¡¯environnement de travail et les conditions de vie d¨¦terminent? le rendement et la motivation des travailleurs de la sant¨¦ existants, et nous exhortons les gouvernements ¨¤ y rem¨¦dier.? ?