Sant¨¦ publique : trouver la juste approche
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Sant¨¦ publique : trouver la juste approche
Bernard Natey n'ayant? pu trouver, dans son Togo natal, de chirurgien cardiaque qualifi¨¦ capable de lui implanter un stimulateur cardiaque pour soigner son arythmie, il a rapidement fait ses bagages pour aller s¨¦journer dans un h?pital du Ghana voisin. Bernard Natey a confi¨¦ ¨¤ Afrique Renouveau qu'il envisageait de se faire op¨¦rer ¨¤ l'H?pital Universitaire Korle-Bu de la capitale, Accra, le principal h?pital public du Ghana, qui offre des soins avanc¨¦s et sp¨¦cialis¨¦s rarement disponibles dans d'autres institutions de soins de sant¨¦ d'Afrique de l'Ouest.
L'h?pital se f¨¦licite de compter parmi sa client¨¨le une part importante de patients venus de pays voisins du Ghana, comme le Burkina Faso, le Nig¨¦ria ou le Togo, en raison de son expertise dans le domaine de la chirurgie plastique et reconstructive, du traitement des br?lures, de ses services de chirugie cardiothoracique et de radioth¨¦rapie ainsi que de m¨¦decine nucl¨¦aire .
L'exp¨¦rience de Bernard Natey est commune ¨¤ de nombreux? patients d'Afrique subsaharienne qui ont besoin de soins m¨¦dicaux mais ne peuvent les obtenir dans leur pays d'origine, parce qu'ils ne sont pas propos¨¦s ou que leurs? co?ts sont prohibitifs.
Selon une ¨¦tude d'Afrobarom¨¨tre, un r¨¦seau de recherche panafricain ind¨¦pendant qui r¨¦alise des sondages d'opinion, pr¨¨s de la moiti¨¦ des personnes interrog¨¦es dans 36 pays africains disent n'avoir pas eu acc¨¨s aux soins m¨¦dicaux qu'elles d¨¦siraient en 2014 ou 2015, et 4 personnes sur 10 ont indiqu¨¦ avoir eu? ? du mal? ? ou ? beaucoup de mal? ? ¨¤ obtenir des soins n¨¦cessaires pendant cette p¨¦riode.
Partout en Afrique de l'Ouest, tel est le dilemme qui se pose ¨¤ de nombreux? patients en qu¨ºte ? de soins de sant¨¦ de qualit¨¦. Des citoyens de la C?te d'Ivoire, de la Gambie, du Lib¨¦ria et de la Sierra Leone se rendent souvent? au Ghana pour se faire soigner.
Quels sont donc ces soins de sant¨¦ qu'offre le Ghana et qui attirent les Ghan¨¦ens tout comme les ¨¦trangers ?
Acc¨¨s garanti?
La r¨¦ponse se trouve dans? la disponibilit¨¦ et l¡¯accessibilit¨¦. Afin de rendre les soins de sant¨¦ accessibles ¨¤ tous, le Ghana a ¨¦t¨¦ l'un des premiers pays africains ¨¤ mettre en place un syst¨¨me universel d'assurance maladie ¡ª le National Health Insurance Scheme (NHIS).
Le pays met actuellement en ?uvre un programme de partenariat public-priv¨¦ qui permet ¨¤ un r¨¦seau d'¨¦tablissements priv¨¦s de dispenser des soins de sant¨¦ dans des r¨¦gions d¨¦pourvues de services de sant¨¦ publique. Bien qu'il soit confront¨¦ ¨¤ des d¨¦fis, ce programme a ¨¦t¨¦ applaudi ¨¤ l'¨¦chelle internationale, notamment par les Nations Unies et la Banque mondiale, en tant que mod¨¨le pour l'Afrique subsaharienne, face aux d¨¦fis auxquels sont confront¨¦s les syst¨¨mes de sant¨¦ publique de la r¨¦gion.
Le NHIS est subventionn¨¦? par le gouvernement et? financ¨¦ surtout gr?ce ¨¤? la taxe sur? certains biens et services. Il couvre le traitement des maladies les plus r¨¦pandues dans le pays, dont? le paludisme, les maladies de la peau, les troubles de l'estomac, l'hypertension, le diab¨¨te, l'asthme, les infections oculaires et auriculaires, les rhumatismes et la typho?de. Le syst¨¨me couvre ¨¦galement les soins dentaires.
Conform¨¦ment ¨¤? la loi, toute personne r¨¦sidant au Ghana est tenue de s'inscrire et, ¨¤ moins qu'elle n'appartienne ¨¤ l'un des groupes exempt¨¦s, de payer des primes annuelles. En contrepartie, ces personnes ne sont pas tenues d'effectuer d'autres paiements directs lorsqu'elles ont besoin de soins.
Ce syst¨¨me a subi quelques r¨¦formes depuis son inauguration officielle en 2004. En 2011, le NHIS a ¨¦t¨¦ distingu¨¦ par le Programme des Nations Unies pour le d¨¦veloppement (PNUD) et l'Organisation mondiale de la Sant¨¦ (OMS) pour avoir ? am¨¦lior¨¦ l'acc¨¨s financier aux services de sant¨¦, en particulier pour les pauvres et les personnes marginalis¨¦es ?.?
En 2013, plus de 10 millions de personnes ¨¦taient inscrites au NHIS, soit environ 38 % de la population totale. Dans le classement Afrobarom¨¨tre des pays par pourcentage de citoyens n'ayant pas acc¨¨s aux soins de sant¨¦, le Ghana b¨¦n¨¦ficie du quatri¨¨me plus faible pourcentage (26 %) sur les deux derni¨¨res ann¨¦es, juste derri¨¨re l'Alg¨¦rie (25 %), le Cap-Vert (19 %) et l¡¯?le Maurice (2 %).
La performance du Ghana peut ¨ºtre attribu¨¦e au r¨¦gime d'assurance. Une ¨¦tude sur l'impact du NHIS sur l'utilisation des soins de sant¨¦, publi¨¦e en 2012 dans le Ghana Medical Journal, r¨¦v¨¨le? que les personnes disposant d'une assurance maladie sont? plus susceptibles d'obtenir des ordonnances, de se rendre dans? les cliniques et de chercher des soins de sant¨¦ formels en cas de maladie. Et les auteurs de conclure : ? L'objectif du gouvernement ghan¨¦en d'accro?tre l'acc¨¨s au secteur des soins de sant¨¦ formels gr?ce ¨¤? l'assurance maladie a ¨¦t¨¦ atteint au moins en partie . ? Le recours accru aux soins de sant¨¦ s'explique aussi par le fait que ? le gouvernement s'appuie sur le secteur priv¨¦ pour l'acc¨¨s ¨¤ ces soins. Le Ghana est ? en avance sur de nombreux autres pays [africains] ? du fait d'une politique bien pr¨¦cise? sur le r?le du secteur priv¨¦ dans la sant¨¦, souligne la Banque mondiale dans un document de travail sur l'¨¦valuation du secteur priv¨¦ de sant¨¦ au Ghana .
Le gouvernement a ainsi conclu un partenariat avec l'Association chr¨¦tienne de? sant¨¦ du Ghana (Christian Health Association of Ghana, CHAG), un r¨¦seau confessionnel? d'ob¨¦dience chr¨¦tienne de 183 prestataires de soins, afin d'offrir des services de sant¨¦ dans les zones mal desservies. Aux termes de cet accord, le gouvernement apporte son soutien aux installations du r¨¦seau sous forme de salaires, d'¨¦quipements et de fournitures? m¨¦dicales. Comme les membres du CHAG offrent leurs? services aux collectivit¨¦s? d¨¦favoris¨¦es dans des r¨¦gions ¨¦loign¨¦es ¨¤ travers tout le pays, leur r¨¦seau permet au gouvernement de fournir des soins de sant¨¦ dans? les r¨¦gions ne disposant pas? d'installations publiques.
? Le partenariat public-priv¨¦ entre le Minist¨¨re de la sant¨¦ et le CHAG est unique en Afrique subsaharienne et fonctionne bien, ce qui permet au CHAG d'agir comme une agence du gouvernement, en particulier dans les zones rurales mal desservies ?, explique le rapport de la Banque mondiale.
Crise de croissance ?
Les choses n'ont cependant pas toujours ¨¦t¨¦ simples pour le NHIS depuis sa cr¨¦ation? il y a plus de dix ans et le syst¨¨me semble passer par une crise . Selon les estimations du gouvernement, seulement un peu plus de 38 % de la population? participe au r¨¦gime en place, et les h?pitaux continuent de demander ¨¤ certains assur¨¦s de payer pour leurs soins. Les fournisseurs de soins de sant¨¦ se plaignent r¨¦guli¨¨rement de ne pas ¨ºtre rembours¨¦s assez rapidement.
En outre, bien que l'assurance soit obligatoire pour tous les r¨¦sidents du Ghana et qu'elle soit financ¨¦e par les primes des abonn¨¦s ¡ª 2,5% de cotisation nationale d'assurance maladie, 2,5% de fonds d'affectation de la s¨¦curit¨¦ sociale et de l'assurance nationale, les d¨¦ductions du secteur formel, les fonds du gouvernement, les associations caritatives et les retours d'investissement ¡ª les experts estiment que depuis 2009, le r¨¦gime reste insuffisamment financ¨¦.
La National Health Insurance Authority ( Organisme national d'assurance m¨¦dicale), qui administre la NHIS, note sur son site Web que 69 % des assur¨¦s sont exempt¨¦s du paiement des primes. Il s'agit des? moins de 18 ans et des plus de 70 ans, des femmes enceintes, des n¨¦cessiteux? et de ceux qui appartiennent ¨¤ des cat¨¦gories particuli¨¨res? d'invalidit¨¦.
L'agence reconna?t que le co?t de la prestation de soins a augment¨¦ beaucoup plus rapidement que les ressources financi¨¨res disponibles depuis que le r¨¦gime est devenu op¨¦rationnel en 2005, ce qui a donn¨¦ lieu ¨¤ des d¨¦ficits annuels croissants ces derni¨¨res ann¨¦es.
Alors que le Ghana se pr¨¦pare ¨¤ organiser des ¨¦lections g¨¦n¨¦rales en d¨¦cembre 2016, la durabilit¨¦ du r¨¦gime d'assurance maladie est devenue un point de conflit entre les principaux partis politiques. Le principal parti d'opposition soutient que le r¨¦gime a fait son temps? mais il promet de le ressusciter? s'il est ¨¦lu, tandis que le parti au pouvoir souligne les efforts r¨¦alis¨¦s au niveau national pour inciter les inscrits au r¨¦gime m¨¦dical ¨¤ renouveler leur adh¨¦sion annuelle, t¨¦moignant ainsi de la r¨¦ussite du syst¨¨me.?
Abstraction faite des postures politiques, la plupart des Ghan¨¦ens semblent n¨¦anmoins s'entendre sur la n¨¦cessit¨¦ des r¨¦formes.
En vue de? p¨¦renniser le r¨¦gime, une ¨¦tude command¨¦e par le gouvernement propose de r¨¦duire les co?ts en limitant la couverture m¨¦dicale aux soins de base, maternels et infantiles.
? Le NHIS doit ¨ºtre r¨¦orient¨¦ vers l'acc¨¨s universel aux soins de sant¨¦ de base ¨¤ moyen terme et vers une r¨¦alisation progressive de l'acc¨¨s universel ¨¤ des niveaux de soins plus ¨¦lev¨¦s ¨¤ long terme ?, a recommand¨¦ en avril le comit¨¦ charg¨¦ de l'¨¦tude.
Alors que le pays r¨¦fl¨¦chit ¨¤ la p¨¦rennisation de son r¨¦gime d'assurance et aux probl¨¨mes que rencontrent parfois les ¨¦tablissements publics en ce qui concerne la fiabilit¨¦ des soins, Korle-Bu, le principal h?pital public d'Accra, continue d'attirer des patients venus de l'¨¦tranger du fait de sa r¨¦putation en mati¨¨re d'innovation et de soins de pointe.? ?