Du conflit au renouveau : Mogadiscio, porteuse de r¨ºves et d¡¯espoirs
Get monthly
e-newsletter
Du conflit au renouveau : Mogadiscio, porteuse de r¨ºves et d¡¯espoirs
Le seul nom de Mogadiscio, la capitale somalienne, suffit ¨¤ raviver des images troublantes : des carcasses d¡¯immeubles sans toit cribl¨¦es de trous rappelant les ruines de Dresde (Allemagne) aux derniers jours de la Seconde Guerre mondiale. Ou le bruit de camionnettes ¨¦quip¨¦es de mitrailleuses lourdes et dirig¨¦es par des miliciens m?chant du khat qui d¨¦ferlent dans les d¨¦combres des rues, au milieu des camps de fortune de familles d¨¦munies, arrach¨¦es ¨¤ leur vie par le chaos et le carnage d¡¯une guerre civile faisant rage des d¨¦cennies durant.
Tout ceci, je l¡¯ai v¨¦cu. Je me souviens parfaitement du jour o¨´ nos vies, ¨¤ nous habitants de Mogadiscio, se sont mises ¨¤ basculer. J¡¯¨¦tais un lyc¨¦en de 16 ans et passais un examen de g¨¦ographie lorsque, pour la premi¨¨re fois de ma vie, j¡¯entendais le bruit sourd des obus le 27 janvier 1991. Nous apprenions plus tard que le g¨¦n¨¦ral Mohamed Siad Barre, dictateur militaire de longue date en Somalie, avait ¨¦t¨¦ renvers¨¦. ?
La chute de Siad Barre? d¨¦clencha? une lutte sanglante de plusieurs ann¨¦es entre les milices claniques pour le contr?le de Mogadiscio. Cette lutte a boulevers¨¦ ma vie ¨¤ bien des ¨¦gards : les rafales intermittentes de tirs d¡¯armes l¨¦g¨¨res sont devenues la toile de fond sonore de mon adolescence et des premi¨¨res ann¨¦es de ma vie d¡¯adulte. Un de mes neveux fut? enlev¨¦ avant d¡¯¨ºtre tu¨¦, car aux yeux de ses ravisseurs, il appartenait au mauvais clan.?
Autrefois connue pour ses grands boulevards et son architecture coloniale d¡¯inspiration italienne qui faisaient d¡¯elle l¡¯une des plus belles capitales africaines, Mogadiscio se retrouvait divis¨¦e et morcel¨¦e entre des seigneurs de guerre rivaux. Les ¨¦coles et h?pitaux publics ¨¦taient devenus les cibles privil¨¦gi¨¦es des pillards, bien r¨¦solus ¨¤ an¨¦antir les derniers vestiges du r¨¨gne de 22 ans de Siad Barre. ? ? ? ? ?
Sortie du gouffre
Aujourd¡¯hui, une nouvelle Mogadiscio se rel¨¨ve du pass¨¦ tumultueux de la Somalie. Depuis que les militants d¡¯Al-Shabaab se sont retir¨¦s de la ville en ao?t 2011, la capitale somalienne conna?t une renaissance ¨¦conomique que peu de personnes auraient soup?onn¨¦e il y a cinq ans ¨¤ peine.?
Les rues du quartier autrefois r¨¦put¨¦ de Shingaani ont retrouv¨¦ une vie nocturne anim¨¦e, les familles et les jeunes couples ont repris possession de la plage du Lido pour y passer le week-end. Au c?ur de Mogadiscio, un jardin de la paix abrite des caf¨¦s, deux terrains de football et des bancs publics o¨´ les Somaliens peuvent lire la presse locale ou discuter des derniers potins politiques.?
Mogadiscio est en convalescence.
? La ville est comme? un patient qui aurait ¨¦t¨¦? plong¨¦ dans un coma profond et qui, tout ¨¤ coup, remue les doigts et ouvre les yeux. Maintenant, il peut bouger les bras et d¨¦plier les jambes?, explique? le Dr Mohamed Yusuf, directeur de l¡¯h?pital Madina, qui? , dans les ann¨¦es 1990, au plus fort de la guerre civile, faisait tout au plus office de camp de personnes d¨¦plac¨¦es ¨¤ l¡¯int¨¦rieur du pays.? ?
Le monde ext¨¦rieur commence ¨¤ le remarquer. Lors d¡¯une r¨¦cente ¨¦tude portant sur les villes ¨¤ plus forte croissance comptant au moins 1 million d¡¯habitants, le cabinet-conseil Demographia, ¨¦tabli aux ?tats-Unis, a class¨¦ Mogadiscio au deuxi¨¨me rang, derri¨¨re la ville indon¨¦sienne de Batam. Demographia a estim¨¦ le taux de croissance annuel de Mogadiscio ¨¤ 6,9 %, aliment¨¦ en grande partie par le retour progressif des Somaliens de la diaspora qui cherchent ¨¤ renouer avec leurs racines et ¨¤ sonder les possibilit¨¦s d¡¯investissements maintenant que la situation est plus s?re.?
L¡¯une des plus riches vitrines de la nouvelle Mogadiscio est un complexe immobilier? haut de gamme situ¨¦ ¨¤ 7 km de la capitale, qui a ouvert ses portes en ao?t 2015. ? son ach¨¨vement, la banlieue de Daru Salaam comptera 500 logements. Pr¨¨s de 50 habitations, disponibles ¨¤ partir de 70 000 dollars environ, avaient ¨¦t¨¦ construites ¨¤ la fin de l¡¯ann¨¦e 2015. D¡¯apr¨¨s les estimations, la premi¨¨re phase de construction aurait co?t¨¦ 20 millions de dollars ; une banque locale a financ¨¦ le d¨¦veloppement du lotissement de Daru Salaam, dont le nom signifie ? Maison de la paix ?.? ? ?
Pour la plupart des ¨¦trangers arrivant ¨¤ Mogadiscio, le point d¡¯entr¨¦e est l¡¯a¨¦rogare rutilante de l¡¯a¨¦roport international Aden Adde. Remise en ¨¦tat par une soci¨¦t¨¦ turque ayant sign¨¦ un contrat de gestion de l¡¯a¨¦roport d¡¯une dur¨¦e de 15 ans, l¡¯a¨¦rogare a ¨¦t¨¦ inaugur¨¦e en janvier 2015 en pr¨¦sence du Pr¨¦sident turc Recep Tayyip Erdogan.? ? ? ?
Je sais qu¡¯il reste ¨¤ cette ville de plus de 2 millions d¡¯?mes un long chemin ¨¤ parcourir avant de retrouver toute sa gloire d¡¯antan. Des dizaines de b?timents meurtris sont toujours l¨¤ pour nous rappeler? les affrontements qui ont d¨¦vor¨¦ la ville des ann¨¦es durant. La capitale somalienne ne cesse de faire la une des journaux pour tous les aspects n¨¦gatifs : des extr¨¦mistes d¡¯Al-Shabaab ont attaqu¨¦ deux des h?tels les plus connus de Mogadiscio en juillet et en novembre 2015, et un restaurant de la plage du Lido et le jardin de la paix de la ville ont ¨¦t¨¦ la cible du groupe en janvier et en f¨¦vrier, respectivement. De nombreux hommes politiques et d¡¯affaires ¨¦minents ne se rendent plus aux r¨¦unions sans ¨ºtre accompagn¨¦s de gardes du corps lourdement arm¨¦s. Cependant, il y a espoir de voir la situation s¡¯am¨¦liorer.
Une vue d¡¯ensemble
Un petit tour dans certains quartiers auparavant d¨¦vast¨¦s r¨¦v¨¨le combien Mogadiscio a chang¨¦. Le quartier des affaires est de nouveau une ruche d¡¯activit¨¦s commerciales. Le boulevard principal de la ville, Maka-Al-Mukarama, offre des sc¨¨nes de rue qui n¡¯ont rien ¨¤ envier ¨¤ celles de Dar es Salaam en Tanzanie ou d¡¯Addis-Abeba en ?thiopie. Certains matins, je peux voir au large des c?tes des porte-conteneurs aux pavillons ¨¦trangers qui se d¨¦tachent sur l¡¯horizon, attendant dans les eaux bleues de l¡¯oc¨¦an Indien leur tour pour entrer au principal port maritime de Mogadiscio.?
Le toit de l¡¯un des plus? hauts ¨¦difices de Mogadiscio offre une vue a¨¦rienne de la ville o¨´ certains de ses monuments les plus illustres se retrouvent ¨¤ mes pieds : l¡¯h?pital Erdogan, l¡¯h?tel Jazeera, les bureaux de la soci¨¦t¨¦ de t¨¦l¨¦communications Hormuud et le stade de football Konis.?
Tout en observant un jet moderne d¨¦coller de la piste de l¡¯a¨¦roport international Aden Adde en bord de mer, je me projette dans? l¡¯avenir et vois Mogadiscio, florissante, reflet de l¡¯esprit indestructible? de ceux qui l¡¯habitent. C¡¯est l¨¤ ? la ville que ma g¨¦n¨¦ration l¨¦guera, je l¡¯esp¨¨re, ¨¤ nos enfants et petits-enfants.