L¡¯accord de Paris et l¡¯Afrique
Get monthly
e-newsletter
Les sp¨¦cialistes africains du d¨¦veloppement? et des changements climatiques ne doutent pas que l¡¯accord historique de Paris sur le changement climatique adopt¨¦ unanimement en d¨¦cembre dernier ¨¤ Paris sera avantageux pour le continent. Lors du sommet de Paris, 195 pays ont convenu de r¨¦duire les ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre et d¡¯am¨¦liorer l¡¯adaptation de? mani¨¨re ¨¤? maintenir l¡¯augmentation de la temp¨¦rature mondiale ? bien en dessous de 2¡ã C ? et, de fa?on? plus optimiste,? de tenter de la limiter ¨¤ 1,5 degr¨¦ Celsius.?
Pour l¡¯Afrique, l¡¯attrait de cet accord tient au fait qu¡¯il a ¨¦t¨¦ convenu? d¡¯affecter? des fonds aux? efforts? d¡¯adaptation et d¡¯att¨¦nuation du changement climatique des pays en d¨¦veloppement. Les n¨¦gociateurs africains avaient exhort¨¦ les pays riches ¨¤ donner suite ¨¤? la promesse des pays d¨¦velopp¨¦s? d¡¯accro?tre le financement de la lutte contre le changement? climatique de 100 milliards de dollars d¡¯ici ¨¤ 2020 pour les pays en d¨¦veloppement, conform¨¦ment ¨¤ l¡¯engagement pris ¨¤ Canc¨²n en 2012.? Ils ont obtenu plus qu¡¯il n¡¯esp¨¦raient, parce que l¡¯accord de Paris pr¨¦voit que l¡¯engagement de 100 milliards de dollars sera r¨¦vis¨¦ ¨¤ la hausse ¨¤ partir de 2025.?
Toutefois, selon l¡¯accord,? s¡¯il est vrai que les pays riches devront d¨¦bourser davantage de fonds, les pays en d¨¦veloppement sont aussi tenus d¡¯apporter une contribution. Le deuxi¨¨me rapport du Programme des Nations Unies pour l¡¯environnement (PNUE) sur l¡¯¨¦cart de l¡¯adaptation en Afrique? indique que les pays africains devront mobiliser jusqu¡¯¨¤ 3 milliards de dollars par an entre 2016 et 2020. Pour garantir la transparence, l¡¯accord sur le climat impose la communication tous les deux an d¡¯informations sur le financement pr¨¦vu.
Avant la Conf¨¦rence de Paris, 189 pays, y compris tous les pays africains, ont soumis un plan climat national, connu sous le nom de Contribution pr¨¦vue d¨¦termin¨¦e au niveau national, qui indique ce qu¡¯ils vont faire pour lutter contre le changement climatique, et ce qu¡¯ils feront en plus? si un financement leur est offert. A Paris, les pays ont convenu de soumettre tous les cinq ans des plans mis ¨¤ jour? qui d¨¦tailleront les activit¨¦s et les efforts men¨¦s? pour atteindre les objectifs de l¡¯Accord de Paris. Chaque plan devrait ¨ºtre plus ambitieux que le pr¨¦c¨¦dent.?
Si l¡¯on tient compte des ¨¦missions comparativement n¨¦gligeables de l¡¯Afrique au fil des ans, et du fait que les changements climatiques auront plus d¡¯impacts sur l¡¯Afrique que sur beaucoup d¡¯autres continents, le plan de financement de l¡¯adaptation pr¨¦vu par l¡¯accord de Paris et son m¨¦canisme d¡¯examen solide s¡¯accompagnent? de fortes d¨¦clarations d¡¯intention. L¡¯objectif pour les pays africains consiste ¨¤ exploiter les possibilit¨¦s existantes en mati¨¨re d¡¯adaptation et d¡¯att¨¦nuation et ainsi de parvenir ¨¤ un d¨¦veloppement industriel durable avec des ¨¦missions minimales ou nulles.
On pourrait par exemple, en exploitant les vastes ressources ¨¦nerg¨¦tiques renouvelables du continent, comme l¡¯¨¦nergie solaire et ¨¦olienne, combler le d¨¦ficit ¨¦nerg¨¦tique, soutenir l¡¯adaptation au changement climatique et ouvrir? des possibilit¨¦s? de revenus en Afrique, selon l¡¯International Policy Digest, une publication ind¨¦pendante de politique ¨¦trang¨¨re. Le Digest conseille aux dirigeants africains de renforcer les cha?nes de valeur agricoles par le biais d¡¯approches de l¡¯adaptation fond¨¦e sur les ¨¦cosyst¨¨mes (EBA) y compris l¡¯agroforesterie, l¡¯irrigation et la conservation efficaces, dans le cadre desquelles le sol est exploit¨¦ de telle mani¨¨re que? sa structure et sa biodiversit¨¦ restent intacts.
Le rapport 2015 sur les progr¨¨s en Afrique (APP), publi¨¦ par un groupe de 10 Africains distingu¨¦s, dont l¡¯ancien Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU, Kofi Annan, pr¨¦conise un d¨¦veloppement durable en Afrique et renforce la n¨¦cessit¨¦ de mettre l¡¯accent sur les ¨¦nergies renouvelables. Le rapport indique que la pauvret¨¦ ¨¦nerg¨¦tique de l¡¯Afrique subsaharienne est ¨¦lev¨¦e,? plus de 60 % de la population n¡¯ayant pas acc¨¨s ¨¤ l¡¯¨¦lectricit¨¦ et? 80% ¨¦tant priv¨¦s?d¡¯ installations ad¨¦quates pour la? cuisson de leurs aliments. Dans les zones rurales, o¨´ vivent 70 % des pauvres d¡¯Afrique, l¡¯acc¨¨s au r¨¦seau d¡¯¨¦lectricit¨¦ est estim¨¦ entre 1 % et 8 %. Pourtant, la population de ces r¨¦gions paie 20 fois plus (soit 10 milliards de dollars par an selon les estimations) pour des sources d¡¯¨¦clairage insalubres, pour la plupart des lampes ¨¤ p¨¦trole, que les m¨¦nages riches raccord¨¦s au r¨¦seau d¨¦pensent pour l¡¯¨¦clairage, ce qui renforce encore la pauvret¨¦.?
En outre, l¡¯Afrique d¨¦pense 50 milliards de dollars par an en subventions p¨¦troli¨¨rres, qui? profitent essentiellement aux 40 % des m¨¦nages les plus riches.? Si l¡¯on tient compte du fait que 50 milliards de dollars correspondent ¨¤ 5,7 % du PIB de l¡¯Afrique, ce qui d¨¦passe les d¨¦penses de sant¨¦, la r¨¦orientation de ces fonds vers des initiatives ¨¤ faible ¨¦mission de carbone pourrait grandement contribuer ¨¤ am¨¦liorer le niveau de vie et m¨ºme favoriser la durabilit¨¦ environnementale. Les investissements dans l¡¯¨¦nergie propre comme l¡¯¨¦nergie solaire et ¨¦olienne sont les plus ¨¦conomiques pour l¡¯¨¦lectrification des zones recul¨¦es, et ces investissements am¨¦liorent l¡¯¨¦pargne des m¨¦nages et cr¨¦ent des emplois, soutient l¡¯International Policy Digest. ?
En ce qui concerne l¡¯¨¦nergie solaire, des repr¨¦sentants de gouvernements, d¡¯entreprises et de la soci¨¦t¨¦ civile ont annonc¨¦ de nombreuses initiatives et engagements nouveaux ¨¤ Paris parmi lesquels figurent des plans visant ¨¤? mobiliser jusqu¡¯¨¤ 1 milliard? de dollars par an pour les ¨¦nergies? propres, au profit d¡¯investissements solaires ¨¤ travers le monde entier, ce qui est une bonne nouvelle? pour l¡¯Afrique.? En 2015, le secteur des ¨¦nergies renouvelables a cr¨¦¨¦ 7,7 millions d¡¯emplois dans le monde, soit une augmentation de 18 % par rapport ¨¤ 2014. Bien que sa part d¡¯¨¦nergie renouvelable soit encore d¨¦risoire, l¡¯Afrique peut cr¨¦er une industrie ¨¦lectrique prosp¨¨re, et de surcro?t, ajouter environ 2,5 millions d¡¯emplois temporaires et permanents, selon le rapport de McKinsey, un Cabinet conseil? mondial en mati¨¨re de? gestion. ?
L¡¯exemple du Bangladesh est source d¡¯inspiration : bien que le Bangladesh fasse partie des pays les moins avanc¨¦s, le secteur des SSD y a cr¨¦¨¦ plus de 115 000 emplois directs et 50 000 emplois indirects gr?ce ¨¤ des investissements dans l¡¯¨¦nergie solaire en zones rurales. Les gouvernements africains peuvent suivre l¡¯exemple du Bangladesh en fournissant un soutien financier et technique au secteur des ¨¦nergies renouvelables.?
En outre, les m¨¦nages pauvres d¡¯Afrique peuvent ¨¦conomiser jusqu¡¯¨¤ 8 milliards de dollars par an gr?ce ¨¤ l¡¯acc¨¨s ¨¤ des options renouvelables telles que l¡¯¨¦nergie solaire. En adoptant? l¡¯¨¦nergie propre, l¡¯Afrique subsaharienne peut sortir entre 16 et 26 millions de personnes de la pauvret¨¦, selon le rapport APP.? ? ?
L¡¯¨¦nergie propre est b¨¦n¨¦fique pour l¡¯environnement. D¡¯ici ¨¤ 2040, l¡¯Afrique pourrait r¨¦aliser une r¨¦duction de 27 % des ¨¦missions de dioxyde de carbone, selon diverses projections. L¡¯Accord de Paris offre un cadre strat¨¦gique, ainsi qu¡¯un soutien technique et une aide ¨¤ l¡¯investissement, pour les efforts de r¨¦duction des ¨¦missions du continent.
Cha?nes de valeur agricoles?
?tant donn¨¦ que? l¡¯accord sur le climat insiste sur la n¨¦cessit¨¦ de restaurer pas moins de 127 millions d¡¯hectares de terres d¨¦grad¨¦es en Afrique et en Am¨¦rique latine, principalement par le biais des ¨¦cosyst¨¨mes agricoles,? l¡¯Afrique pourrait en retirer une augmentation de la productivit¨¦ agricole qui ouvrirait la voie ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire, l¡¯adaptation climatique et la cr¨¦ation de revenus et d¡¯emplois. L¡¯agriculture emploie environ 64 % d¡¯Africains, et offre? des moyens de subsistance ¨¤ 70 % des pauvres des zones rurales, selon le Fonds international de d¨¦veloppement agricole.
Les approches de l¡¯adaptation fond¨¦e? sur les ¨¦cosyst¨¨mes am¨¦liorent la productivit¨¦ agricole et assurent la pr¨¦servation des ¨¦cosyst¨¨mes qui continuent de fournir de l¡¯eau, de favoriser la formation des sols, pr¨¦server les insectes pollinisateurs, r¨¦guler ? l¡¯hydrologie - et plus encore. L¡¯application de ces techniques ¨¤ l¡¯agriculture peut accro?tre les rendements jusqu¡¯¨¤ 128 %, am¨¦liorer la capacit¨¦ des ¨¦cosyst¨¨mes et l¡¯adaptation aux changements climatiques, diminuer les risques d¡¯¨¦chec des cultures li¨¦s au climat et accro?tre les revenus des agriculteurs. ?
Les experts estiment que si l¡¯on fournit un financement abordable, un acc¨¨s fiable et efficace aux march¨¦s et ¨¤ une ¨¦nergie propre aux agriculteurs qui pratiquent l¡¯adaptation ¨¦cosyst¨¦mique, il sera possible de parvenir ¨¤ cr¨¦er jusqu¡¯¨¤ 17 millions d¡¯emplois gr?ce ¨¤ l¡¯agro-industrialisation et de stimuler le secteur agricole africain, qui devrait repr¨¦senter un milliard de dollars en 2030. La Banque mondiale d¨¦clare qu¡¯une augmentation de 10 % des rendements des cultures se traduit par une r¨¦duction d¡¯environ 7 % de la pauvret¨¦ en Afrique, et que la croissance agricole est au moins deux ¨¤ quatre fois plus efficace pour r¨¦duire la pauvret¨¦ que des croissances comparables dans d¡¯autres secteurs.
Mise en ?uvre de l¡¯Accord?
Tout en se f¨¦licitant de l¡¯Accord de Paris, les experts du d¨¦veloppement de l¡¯Afrique reconnaissent ¨¦galement que le bilan en mati¨¨re de mise en ?uvre n¡¯a pas ¨¦t¨¦ brillant sur le continent. Toutefois, de l¡¯avis? g¨¦n¨¦ral, l¡¯Afrique semble d¨¦termin¨¦e ¨¤ mettre en ?uvre l¡¯accord.?
Richard Munang est expert en mati¨¨re de changement climatique pour l¡¯Afrique et expert en politique de d¨¦veloppement. Robert Mgendi est expert en politique d¡¯adaptation.? Ils travaillent tous deux pour le PNUE.?