Lagos arbore un nouveau look
Get monthly
e-newsletter
Lagos arbore un nouveau look
Une anecdote maintes fois racont¨¦e, concernant les embouteillages de Lagos jadis tristement c¨¦l¨¨bres, veut que l¡¯usager d¡¯un taxi, bloqu¨¦ dans un bouchon, soit sorti du v¨¦hicule, ait rejoint un restaurant de bord de route, y ait mang¨¦, bu une bi¨¨re et fait une sieste avant de retourner au taxi, qui n¡¯avait pas boug¨¦ d¡¯un pouce. Quelques heures plus tard, il atteignait sa destination.
Il y a 10 ans environ, les visiteurs se rendant pour la premi¨¨re fois ¨¤ Lagos ¨¦taient pr¨¦venus : ? Ici, c¡¯est Lagos ?, ce qui signifiait qu¡¯il ne fallait attendre aucune aide de quiconque, mais se pr¨¦parer aux moments difficiles ¨¤ venir.
Avance rapide jusqu¡¯en 2016, o¨´ les embouteillages, le taux de criminalit¨¦ ¨¦lev¨¦, les caniveaux obstru¨¦s et les routes jonch¨¦es d¡¯ordures pourraient bient?t n¡¯¨ºtre qu¡¯un mauvais r¨ºve. Les Lagotiens d¡¯aujourd¡¯hui se r¨¦galent encore d¡¯anecdotes de la ville dystopique, alors m¨ºme que des am¨¦liorations sont visibles dans la ville la plus peupl¨¦e d¡¯Afrique, avec 21 millions d¡¯?mes. De nos jours, le message d¡¯accueil ? Bienvenue ¨¤ Lagos ? laisse pr¨¦sager de meilleures nouvelles.
Base de la transformation
Lagos a commenc¨¦ ¨¤ se transformer sous le mandat de Bola Tinubu, gouverneur de l¡¯?tat de Lagos de 1999 ¨¤ 2007. M. Tinubu avait lanc¨¦ une op¨¦ration de sauvetage que son successeur, Babatunde Fashola, a ensuite poursuivie.?
Ces efforts s¡¯accompagnaient d¡¯avantages politiques et ¨¦conomiques. ? L¡¯?tat de Lagos est l¡¯?tat le plus riche du Nig¨¦ria ; il produit annuellement pr¨¨s de 90 milliards de dollars en biens et services, ce qui fait que son ¨¦conomie est sup¨¦rieure ¨¤ celle de la plupart des pays africains, notamment le Ghana et le Kenya ?, observe The Economist.?
Sa population en croissance rapide (600 000 personnes suppl¨¦mentaires chaque ann¨¦e), sans am¨¦lioration proportionnelle des services sociaux tels que le logement, l¡¯eau et le transport, avait pouss¨¦ le Lagos au bord du gouffre.?
?? Manhattan ? au large? des c?tes
Parmi les impressionnants projets de d¨¦veloppement infrastructurel mis en ?uvre, le plus audacieux est probablement la cr¨¦ation d¡¯une ? nouvelle ville ? contigu? ¨¤ Lagos. Surnomm¨¦e ? Manhattan de l¡¯Afrique ?,
Eko Atlantic sur l¡¯?le Victoria compte 10 millions de m¨¨tres carr¨¦s de terrains gagn¨¦s sur la mer, prot¨¦g¨¦s par une digue de 8,5 km. La construction a commenc¨¦ en 2008 ; il s¡¯agit de sept districts le long du front de mer, comprenant un quartier d¡¯affaires qui devrait accueillir des banques, des compagnies d¡¯assurances et des compagnies p¨¦troli¨¨res de renom, ainsi que la bourse nig¨¦riane, une fois achev¨¦e.
Le gouvernement de Lagos a r¨¦duit le taux de criminalit¨¦ en fournissant une aide logistique aux forces de police dirig¨¦es par le gouvernement f¨¦d¨¦ral. Il a plac¨¦ sous vid¨¦osurveillance la majorit¨¦ de la ville et mis sur pied des programmes d¡¯acquisition de comp¨¦tences destin¨¦s aux ? area boys ? :
des jeunes, pour la plupart sans emploi, extorquant de l¡¯argent aux automobilistes. Il a ¨¦galement cr¨¦¨¦ des tribunaux mobiles, qui rendent des jugements sommaires.
Le march¨¦ d¡¯Oshodi, ¨¤ environ 10 km de l¡¯a¨¦roport international Murtala Mohammed, repr¨¦sentait autrefois les bons et les mauvais c?t¨¦s de Lagos : des milliers de personnes allant et venant ; une cacophonie de voix tonitruantes? ; des autocars bringuebalants se frayant un chemin dans une mar¨¦e humaine ; des pickpockets ¨¤ l¡¯aff?t ; des personnes se battant d¡¯un c?t¨¦, et des personnes dansant sur de la musique diffus¨¦e ¨¤ plein volume , de l¡¯autre. Aujourd¡¯hui, la plus grande partie de ce qui ¨¦tait le march¨¦ d¡¯Oshodi a ¨¦t¨¦ d¨¦molie pour laisser place ¨¤ une ? gare routi¨¨re de classe mondiale ?, selon des responsables gouvernementaux.
? L¡¯endroit [Oshodi] abritait des criminels et un certain nombre d¡¯activit¨¦s inappropri¨¦es ?, a d¨¦clar¨¦ Steve Ayorinde, l¡¯actuel commissaire de l¡¯?tat de Lagos pour l¡¯information et la strat¨¦gie, selon le journal nig¨¦rian Vanguard. M. Fashola lui-m¨ºme consid¨¨re la transformation d¡¯Oshodi comme un grand tournant. Durant son mandat, il a souvent rappel¨¦ aux Lagotiens que, apr¨¨s avoir transform¨¦ Oshodi, il n¡¯y avait rien qu¡¯ils ne puissent? r¨¦aliser.?
Lagos devient une ville propre. Il est possible d¡¯y voir des milliers de travailleurs tard chaque soir balayer? les routes et ¨¦liminer la salet¨¦. Un service de ramassage des ordures efficace soutient les efforts de nettoyage. Plus d¡¯ un million de tonnes de d¨¦chets ont ¨¦t¨¦ d¨¦pos¨¦es dans les d¨¦charges publiques en 2015, contre 71 000 tonnes en 2004. Pr¨¨s de 72 % des habitants de Lagos utilisent actuellement un service d¡¯¨¦limination des d¨¦chets r¨¦glement¨¦ par le gouvernement ; en 2005, seuls 42 % d¡¯entre eux utilisaient un tel service.?
Les Nig¨¦rians regardent g¨¦n¨¦ralement la nouvelle Lagos avec incr¨¦dulit¨¦. ? Ce n¡¯est pas la Lagos que je connaissais ?, dit Sanusi Turay, qui g¨¨re une entreprise de s¨¦curit¨¦ priv¨¦e dans la ville. La nouvelle Lagos est un peu une anomalie, explique M. Turay, avec une pointe de sarcasme. ? Mais, honn¨ºtement, nous sommes tr¨¨s heureux que les choses changent pour le mieux. ??
Juste avant que M. Tinubu ne devienne gouverneur en 1999, la BBC indiquait que
? les r¨¦alit¨¦s de Lagos peuvent contrecarrer les plans ambitieux de M. Tinubu ; la ville s¡¯effondre aussi vite qu¡¯elle se b?tit, disparaissant sous une montagne de d¨¦tritus. ?
Apr¨¨s 15 ans de laborieux efforts, n¨¦anmoins, cette image de Lagos ¨¦volue lentement.?
La strat¨¦gie de M. Fashola
Apr¨¨s le d¨¦part de M. Tinubu, la strat¨¦gie de M. Fashola se concentrait sur trois fronts. Premi¨¨rement, il a sollicit¨¦ le soutien des citoyens pour une nouvelle vision de Lagos. Le slogan Eko o ni baje (Lagos ne doit pas tomber en ruine) a ralli¨¦ les Lagotiens contre le statu quo. Deuxi¨¨mement, il a r¨¦form¨¦ le syst¨¨me fiscal, ce qui a port¨¦ les recettes fiscales ¨¤ 115 millions de dollars par mois en 2015, contre 3,2 millions en 1999. Le respect des r¨¨gles fiscales est pass¨¦ ¨¤ 80 %, contre 30 % environ en 2005. Troisi¨¨mement, M. Fashola a utilis¨¦ ces recettes pour entreprendre des projets ambitieux de transport et d¡¯assainissement, notamment la cr¨¦ation d¡¯un r¨¦seau de chemin de fer, de voies de bus et d¡¯un syst¨¨me de ramassage des d¨¦chets, ainsi qu¡¯une r¨¦habilitation massive des routes.?
Gr?ce au syst¨¨me de bus ¨¤ haut niveau de service (BHNS), le transport ¨¤ Lagos ? est devenu plus rapide, plus s?r, plus r¨¦gulier, relativement moins cher et plus confortable ?, indiquait Vanguard. Le syst¨¨me de BHNS lui-m¨ºme a fourni un emploi ¨¤ 2 500 personnes. La plupart des bus commerciaux de Lagos, notoirement vieux et dangereux, appel¨¦s Molues, ont ¨¦t¨¦ remplac¨¦s par de nouveaux bus chics qui utilisent les voies de bus d¨¦sign¨¦es. Avec le soutien des op¨¦rateurs priv¨¦s, le gouvernement a achet¨¦ environ 1 300 taxis pour desservir la ville.?
En outre, un projet ambitieux de r¨¦seau ferr¨¦ l¨¦ger de plusieurs milliards de dollars lanc¨¦ en 2010 devrait ¨ºtre achev¨¦ en d¨¦cembre prochain. Le projet consiste en sept voies qui, une fois termin¨¦es, faciliteront davantage la circulation? dans la ville de Lagos.
Le voyage n¡¯est pas termin¨¦
Aujourd¡¯hui, les efforts de M. Fashola lui valent des louanges bipartites, un ph¨¦nom¨¨ne rare au Nig¨¦ria. Le critique social nob¨¦lis¨¦ Wole Soyinka d¨¦clare : ? M. Fashola diagnostique les probl¨¨mes et s¡¯y attaque comme un m¨¦canicien qualifi¨¦. ??
? Ce voyage se poursuit? ?, d¨¦clare M. Fashola, dont le mandat a pris fin en 2015 et qui occupe d¨¦sormais les fonctions de ministre? f¨¦d¨¦ral nig¨¦rian de l¡¯?nergie, des Travaux publics et du Logement. Lui et son pr¨¦d¨¦cesseur M. Tinubu ont plac¨¦ la barre haut. Nous ne savons toujours pas ¨¤ quoi nous en tenir concernant l¡¯actuel gouverneur Akinwunmi Ambode, qui a pris les r¨ºnes en mai 2015. Toutefois, pour Lagos, la ville de l¡¯ic?ne de l¡¯afrobeat Fela Kuti et la ville depuis laquelle la personne la plus riche d¡¯Afrique, Aliko Dangote, dirige son empire commercial, le mantra reste en effet Eko o ni baje.? ?