En Afrique, le bambou s¡¯enracine
Get monthly
e-newsletter
Au Kenya : le tr¨¦sor vert?
On le surnomme la plante merveilleuse : de toutes les esp¨¨ces bois¨¦es, le bambou est celle qui conna?t la croissance la plus forte et la plus rapide au monde. Sa contribution au commerce mondial, o¨´ les pays asiatiques se taillent la part du lion, est estim¨¦e ¨¤ quelque deux milliards de dollars des ?tats-Unis par an. L¡¯industrie du bambou va de la production de papier aux ¨¦chafaudages en passant par les parquets de luxe et l¡¯alimentation. Aujourd¡¯hui, l¡¯Afrique conna?t elle aussi un essor de la culture du bambou.?
Dans les pays africains qui le produisent, la recherche et le d¨¦veloppement sur le bambou est g¨¦n¨¦ralement assur¨¦e par les secteurs forestiers et agricoles. Mais pour cro?tre, il faut que ce secteur dispose de comp¨¦tences? dans des domaines sp¨¦cialis¨¦s qui sont plut?t l¡¯apanage du secteur priv¨¦ : d¨¦veloppement des micro-entreprises, production de bambou ¨¤ petite ¨¦chelle ou ¨¤ l¡¯¨¦chelle industrielle, ¨¦laboration de produits d¨¦riv¨¦s.
Au Kenya, l¡¯industrie du bambou b¨¦n¨¦ficie d¡¯une approche multipartite. Les ¨¦changes entre diff¨¦rents acteurs du secteur (minist¨¨res, ONG, instituts de recherche, universit¨¦s ou autres) sont coordonn¨¦s par l¡¯Institut k¨¦nyan de recherche foresti¨¨re (KEFRI, Kenya Forestry Research Institute).?
L¡¯un des acteurs les plus importants ¨¤ s¡¯¨ºtre engag¨¦ dans le d¨¦veloppement de la fili¨¨re k¨¦nyane du bambou est Green Pot Enterprises, une organisation cr¨¦¨¦e en 2014 pour promouvoir la culture du bambou dans le pays et l¡¯aider ¨¤ maximiser les retours commerciaux de cette culture.
Green Pot a d¨¦j¨¤ aid¨¦ les agriculteurs ¨¤ planter plus de 400 hectares de terrain ¨¤ Narok, o¨´ 810 hectares suppl¨¦mentaires devraient ¨ºtre plant¨¦s? cette ann¨¦e. Le but est de d¨¦passer les 1 600 hectares de surface plant¨¦e ¨¤ la fin de l¡¯ann¨¦e 2016. ?
Le plan de d¨¦veloppement de cette organisation s¡¯organise autour de deux axes principaux. Le premier axe consiste en une ? communaut¨¦ prot¨¦g¨¦e de for¨ºts ?,?pour laquelle Green Pot ach¨¨te d¡¯importantes surfaces. Selon le site Internet de l¡¯organisation, elle les divise ensuite en terrains de 4 et 0,8 hectares, qu¡¯elle c¨¨de aux K¨¦nyans en ¨¦change d¡¯un bail, pour?? un loyer raisonnable ?.?
Chaque acheteur re?oit des actions (l¡¯exploitation est g¨¦r¨¦e comme un tout m¨ºme si elle appartient ¨¤ plusieurs personnes) et un droit de sous-location sur 30 ans. L¡¯entreprise plante et assure l¡¯entretien des for¨ºts et commercialise le bambou d¨¨s qu¡¯il est exploitable. ?
Le deuxi¨¨me axe du plan de d¨¦veloppement s¡¯articule autour d¡¯un programme de type communautaire : pour chaque m¨¨tre carr¨¦ de bambou plant¨¦ dans les ? communaut¨¦s prot¨¦g¨¦es?, un m¨¨tre carr¨¦ correspondant est plant¨¦ par des membres de la communaut¨¦ locale. Ce programme permet, selon Green Pot, de financer l¡¯achat de nouveaux plants de bambou. ? La demande mondiale de bambou est forte en raison des ¨¦normes avantages financiers et environnementaux li¨¦s ¨¤ son exploitation, explique ¨¤ Afrique Renouveau Caroline Kariuki, pr¨¦sident directeur g¨¦n¨¦ral de Green Pot. Le bambou cr¨¦e de la richesse, nettoie les rivi¨¨res, stoppe l¡¯¨¦rosion des sols.?
Pour le Kenya, Green Pot a s¨¦lectionn¨¦ trois esp¨¨ces de bambou : le moso, le bambou g¨¦ant et le Dendrocalamus membranaceus. Ces esp¨¨ces, plus viables ¨¦conomiquement que d¡¯autres vari¨¦t¨¦s, sont aussi particuli¨¨rement adapt¨¦es aux r¨¦gions o¨´ elles seront implant¨¦es. ? Lorsque nous avons engag¨¦? ce projet, notre plan strat¨¦gique a voulu? s¡¯assurer que le march¨¦ ¨¦tait en mesure d¡¯accueillir la production de nos arboriculteurs. Les usines que nous construisons sont sp¨¦cialis¨¦es dans trois domaines : la construction de mat¨¦riaux tels que les parquets, panneaux en lattes et placages, les textiles issus du bambou et les produits ¨¦nerg¨¦tiques, qui vont de la production d¡¯¨¦lectricit¨¦ aux briquettes combustibles ¨¤ usage domestique?,?d¨¦taille Caroline Kariuki. ?
En Tanzanie, des nouveaux revenus pour 5 000 femmes en milieu rural?
En tant que produit forestier, le bambou a pris de l¡¯importance en Tanzanie ces vingt derni¨¨res ann¨¦es. Selon l¡¯INBAR, le bambou est appr¨¦ci¨¦ localement pour la confection d¡¯objets artisanaux et de cl?tures, mais aussi dans l¡¯horticulture, pour la fabrication d¡¯accessoires destin¨¦s aux plantations de bananes, fabrication de meubles et d¡¯autres produits d¡¯entreprises artisanales, comme la vannerie et les cure-dents.
Presque tous les produits issus du bambou et fabriqu¨¦s dans le pays sont utilis¨¦s localement. L¡¯installation de fermes de bambou devrait permettre d¡¯assurer un approvisionnement durable ¨¤ de nombreux secteurs, comme ceux de l¡¯artisanat, de la construction ou de l¡¯horticulture.
En partenariat avec le Fonds international de d¨¦veloppement agricole, l¡¯INBAR a aid¨¦ 100 p¨¦pini¨¨res de bambou et plusieurs micro-entreprises ¨¤ s¡¯installer. ?
En Ethiopie : le potentiel strat¨¦gique de la culture du bambou?
Avec son million d¡¯hectares de bambouseraies, l¡¯Ethiopie est le premier producteur de bambou en Afrique. On y trouve deux vari¨¦t¨¦s indig¨¨nes : Yushania alpina, plant¨¦e par les agriculteurs des r¨¦gions montagneuses, et Oxytenanthera abyssinica, qui pousse ¨¤ l¡¯¨¦tat naturel dans les plaines. Le pays alimente 67 % du?march¨¦ africain.
Malgr¨¦ la taille de ses bambouseraies naturelles, l¡¯?thiopie n¡¯a que r¨¦cemment commenc¨¦ ¨¤ exploiter cette ressource. Elle veut aujourd¡¯hui s¡¯engager fermement sur la voie des technologies du bambou et du transfert de savoir gr?ce ¨¤ l¡¯apport de l¡¯INBAR, mais aussi d¡¯un certain nombre d¡¯experts chinois.? ? Le bambou est l¡¯atout strat¨¦gique le plus important, et le plus d¨¦cisif en termes de croissance, pour le reboisement des r¨¦gions montagneuses et d¨¦grad¨¦es du pays?, affirmait encore r¨¦cemment le ministre ¨¦thiopien de l¡¯Agriculture, Ato Sileshi Getahun.
En ?thiopie, le bambou est utilis¨¦ dans l¡¯agriculture pour prot¨¦ger les rigoles et pour la culture intercalaire des plantes. On s¡¯en sert aussi pour prot¨¦ger les cultures du soleil et du vent, ou encore sous forme de paillis pour lutter contre la s¨¦cheresse. Les ?thiopiens l¡¯utilisent comme combustible, mais aussi pour leurs cl?tures ou leurs meubles. ?
Au Ghana : une culture ignor¨¦e, devenue une manne
Le Ghana dispose actuellement de?400 000 hectares de bambou qui pousse plus ou moins naturellement dans l¡¯ouest du pays. Certaines esp¨¨ces exotiques ont ¨¦t¨¦ introduites, comme le bambou Beema d¡¯Inde, ¨¤ parois ¨¦paisses ou encore le tr¨¨s robuste Oxytenanthera abyssinica d¡¯?thiopie. Ces deux esp¨¨ces sont particuli¨¨rement utiles pour produire de l¡¯¨¦nergie ¨¤ partir de la biomasse et s¡¯adaptent mieux aux r¨¦gions s¨¨ches.
Selon Michael Kwaku, le directeur du R¨¦seau international sur le bambou et le? rotin (INBAR, International Network for Bamboo and Rattan) pour le Ghana, 18 esp¨¨ces de bambou d¡¯Hawa? ont ¨¦t¨¦ introduites dans le pays en 2004 par le bureau ghan¨¦en du Programme de d¨¦veloppement du bambou et du rotin? (BARADEP, Bamboo and Rattan Development Programme) dans le cadre d¡¯un projet mis en place avec l¡¯Opportunities Industrialization Centre, un centre de promotion industrielle . Le projet a aussi ¨¦t¨¦ ¨¦tendu au Togo voisin.?
BARADEP-Ghana a distribu¨¦ les esp¨¨ces ¨¤ des institutions et organisations non gouvernementales (ONG), qui les ont diss¨¦min¨¦es tout en surveillant leur croissance et leur adaptation ¨¤ l¡¯environnement du Ghana. Le but de cette op¨¦ration est d¡¯identifier les plants les mieux adapt¨¦s pour les exploitants priv¨¦s et commerciaux de plantations de bambou.?
Les d¨¦fis de la commercialisation
Les d¨¦fis du d¨¦veloppement commercial du bambou sont nombreux. Lenteur de l¡¯¨¦tat, manque de soutien ¨¤ un secteur encore jeune, institutions financi¨¨res frileuses qui h¨¦sitent encore ¨¤ accorder des facilit¨¦s de cr¨¦dits et des pr¨ºts font partie des probl¨¨mes ¨¤ r¨¦soudre. Selon Michael Kwaku, la faiblesse structurelle des micro-entreprises complique aussi le soutien des acteurs du secteur. Il existe en outre un foss¨¦ technologique important et un manque crucial de comp¨¦tences.?
En Afrique de l¡¯ouest, l¡¯INBAR offre de l¡¯aide par le biais d¡¯une campagne de sensibilisation sur le potentiel ¨¦conomique du bambou et sur les partenariats avec les gouvernements. Huit pays d¡¯Afrique de l¡¯ouest et d¡¯Afrique centrale ont mis en place des ateliers et organis¨¦ des voyages ¨¦ducatifs en Chine pour acqu¨¦rir une exp¨¦rience directe de? l¡¯¨¦conomie du bambou. ? Le bambou constitue un avantage d¨¦cisif pour le d¨¦veloppement d¡¯une ¨¦conomie verte, mais ce qui devrait susciter le plus d¡¯int¨¦r¨ºt dans la population, c¡¯est la promesse de revenus pour les m¨¦nages ?, a r¨¦cemment indiqu¨¦ Nii Osha Mills, le ministre ghan¨¦en des Terres et des Ressources naturelles, lors d¡¯un ¨¦v¨¦nement organis¨¦ par l¡¯INBAR. ?
En Zambie, le meilleur de l¡¯innovation
En Zambie, une entreprise locale, Zambikes, produit des v¨¦los en bambou, des remorques ¨¤ v¨¦los pour le transport des produits agricoles, ou encore des ? Zambulances ? tir¨¦es par des v¨¦los, qui seront utilis¨¦es par les centres hospitaliers de la capitale, Lusaka.
Les potentialit¨¦s encore non exploit¨¦es du bambou pour la r¨¦habilitation des terres ou des for¨ºts, le stockage du carbone ou l¡¯approvisionnement de millions de personnes dans les communaut¨¦s rurales sont immenses.
Outre les possibilit¨¦s pour le secteur manufacturier, le bambou peut fortement contribuer ¨¤ la r¨¦duction des ¨¦missions de carbone. Rien qu¡¯en Chine, le bambou devrait permettre le stockage de plus d¡¯un million de tonnes de carbone ¨¤ l¡¯horizon 2050.
Le directeur g¨¦n¨¦ral de l¡¯INBAR estime cependant que les d¨¦cideurs, planificateurs et responsables des plans nationaux de d¨¦veloppement durable n¡¯ont pas pris la mesure des b¨¦n¨¦fices que cette ressource peut apporter ¨¤ la soci¨¦t¨¦. ? Bien utilis¨¦, explique le Dr. Hans Friederich, le bambou peut aider un grand nombre de pays ¨¤ faible ou moyen revenu ¨¤ atteindre leurs objectifs de d¨¦veloppement durable.? ?