Thabo Mbeki mobilise contre les flux financiers illicites
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Thabo Mbeki mobilise contre les flux financiers illicites
Quand il s¡¯agit des questions de d¨¦veloppement socio¨¦conomique et politique de l¡¯Afrique, la voix de l¡¯ancien pr¨¦sident sud-africain, Thabo Mbeki, temp¨¦r¨¦e par l¡¯?ge et l¡¯exp¨¦rience continue de se faire entendre.?
Sept ans apr¨¨s avoir quitt¨¦ le pouvoir, M. Mbeki ne cache pas son impatience face ¨¤ l¡¯incapacit¨¦ de l¡¯Afrique ¨¤ profiter de son ¨¦norme potentiel. A l¡¯heure actuelle, Thabo Mbeki m¨¨ne une guerre contre les flux financiers illicites (FFI) en provenance d¡¯Afrique, en sa qualit¨¦ de chef du groupe de haut niveau de l¡¯Union africaine sur les FFI constitu¨¦ de 10 membres.
L¡¯Afrique perd au moins 50 milliards de dollars par an du fait des transactions ill¨¦gales. Le continent aurait perdu jusqu¡¯¨¤ mille milliards? de dollars au cours des 50 derni¨¨res ann¨¦es. Selon,? Global Financial Integrity, un organisme de recherche et de conseil ¨¤ but non lucratif bas¨¦ ¨¤ Washington? et engag¨¦ dans la lutte contre les FFI, les principaux canaux de FFI sont les activit¨¦s commerciales n¨¦fastes des multinationales, le trafic de drogue et la contrebande, la corruption et le d¨¦tournement de fonds. Certaines entreprises pratiquent ¨¦galement? la surfacturation ou la sous-¨¦valuation des accords commerciaux, la manipulation des prix de transfert (¨¦viter les taxes en fixant des prix entre leurs divisions), les services bancaires offshores et le recours aux paradis fiscaux.?
Au regard de l¡¯ampleur des FFI en provenance d¡¯Afrique, M. Mbeki ne nage-t-il pas ¨¤ contre-courant ?
? Les flux financiers illicites repr¨¦sentent un d¨¦fi pour nous en tant qu¡¯Africains, mais il est ¨¦vident que la solution est mondiale. Nous ne pouvons r¨¦soudre ce probl¨¨me ¨¤ notre niveau uniquement ?,?a d¨¦clar¨¦ M. Mbeki lors d¡¯une interview accord¨¦e ¨¤ Afrique Renouveau ¨¤ New York.
L¡¯ancien pr¨¦sident a ¨¦mis ses plus s¨¦v¨¨res critiques dans un avant-propos provocateur r¨¦dig¨¦ pour un rapport publi¨¦ en 2015 par son groupe. ? L¡¯Afrique est un cr¨¦ancier net pour le reste du monde ?, soutient-il ce qui laisse entendre? que les flux financiers illicites sortant du continent sont nettement plus importants que l¡¯aide au d¨¦veloppement.
Int¨¦r¨ºts communs
En f¨¦vrier, M. Mbeki a conduit son groupe de trava?l aux ?tats-Unis afin de faire connaitre son rapport et ainsi de sensibiliser le grand public ¨¤ la question des FFI en provenance d¡¯Afrique. Le point r¨¦current de ses discours devant diff¨¦rents auditoires? ¨¤ New York et Washington? a ¨¦t¨¦? la n¨¦cessit¨¦ de r¨¦soudre la question de ces FFI.?
Alors que des milliards sont gagn¨¦s aux d¨¦pens du continent et lui sont soutir¨¦s, plus de 400 millions d¡¯Africains vivent avec moins de 1,25 dollar par jour (seuil de pauvret¨¦ absolue), et le produit int¨¦rieur brut par personne sur le continent est de 2000 dollars seulement ce qui repr¨¦sente un cinqui¨¨me de la moyenne mondiale, selon le rapport du groupe dirig¨¦ par M. Mbeki intitul¨¦ Track It! Stop It! Get It!
L¡¯Occident est-il pr¨ºt ¨¤ s¡¯engager aupr¨¨s de l¡¯Afrique pour combattre les FFI ? ? Oui ?, a r¨¦pondu M. Mbeki, parce que la ? [coop¨¦ration] est d¡¯importance capitale pour l¡¯Occident pas? parce que les Occidentaux sont soudainement ¨¦pris des Africains ou du monde en d¨¦veloppement, mais surtout parce qu¡¯il existe un int¨¦r¨ºt commun entre les pays d¨¦velopp¨¦s et ceux en d¨¦veloppement ¨¤ faire face ¨¤ ce probl¨¨me. ??
Son groupe de travail a rencontr¨¦ ¨¤? deux reprises des repr¨¦sentants du gouvernement am¨¦ricain (en 2014 et 2016), et m¨ºme? le vice-pr¨¦sident Joe Biden. ? Le gouvernement am¨¦ricain nous a communiqu¨¦ ses propres rapports quant ¨¤ ses actions relatives aux questions d¡¯imposition, de corruption et de l¨¦gislation nationale. Nous avons donc convenu de travailler ensemble de mani¨¨re structur¨¦e? afin de r¨¦soudre ces questions le travail est en cours. ?
Dans sa qu¨ºte d¡¯une alliance mondiale dans la lutte contre les FFI, le succ¨¨s du groupe de travail dirig¨¦ par M. Mbeki d¨¦pendra de son efficacit¨¦? ¨¤ pouvoir faire comprendre ¨¤ tous que cette victoire servira l¡¯int¨¦r¨ºt g¨¦n¨¦ral. L¡¯ancien pr¨¦sident est optimiste? du fait des avanc¨¦es r¨¦alis¨¦es en ralliant le soutien de plusieurs institutions internationales telles que les Nations Unies, la Banque mondiale, le Fonds mon¨¦taire international, l¡¯Organisation de coop¨¦ration et de d¨¦veloppement ¨¦conomiques (OCDE) et autres.?
Relever le d¨¦fi.
De plus, ? le G7 et le G20 discutent de la mani¨¨re d¡¯¨¦radiquer les flux financiers illicites, car cette question inqui¨¨te tout le monde ?, a d¨¦clar¨¦ M. Mbeki.
Durant leur s¨¦jour aux ?tats-Unis, M. Mbeki et son ¨¦quipe ont ¨¦chang¨¦ avec la Banque mondiale et le FMI ¨¤ Washington. Ils ont rencontr¨¦ des responsables des Nations Unies ¨¤ New York, dont? le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral, Ban Ki-moon, et des membres du Conseil ¨¦conomique et social des Nations Unies (ECOSOC). Auparavant, ils ¨¦taient ¨¤ Paris, en France, pour des rencontres avec l¡¯OCDE et au Parlement europ¨¦en ¨¤ Bruxelles afin de nouer le dialogue avec? l¡¯Organisation mondiale des douanes. Les r¨¦sultats de ces contacts? sont impressionnants. La Banque mondiale ¨¦labore actuellement un plan d¡¯action sur les FFI. Le FMI a exprim¨¦ son engagement ¨¤ combattre les FFI et les Nations Unies sont pr¨ºtes ¨¤ aider.?
? Le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies, Ban Ki-moon, a indiqu¨¦ que l¡¯ensemble du syst¨¨me des Nations Unies, et pas seulement? l¡¯ECOSOC, ¨¦tait pr¨ºt ¨¤ engager des actions pratiques ¨¤ divers niveaux, ? a confirm¨¦ M. Mbeki.?
D¡¯apr¨¨s lui, le groupe de travail appelle ¨¤ une mobilisation internationale, mais les Africains ne sont pas en reste. ? Nous avons discut¨¦ avec la soci¨¦t¨¦ civile africaine et l¡¯engouement pour la lutte contre les FFI est r¨¦el. ? Il a mentionn¨¦ la campagne?? Stop the Bleeding ? (Arr¨ºter l¡¯h¨¦morragie )?men¨¦e par la Fondation Trust Africa et visant ¨¤ mettre un terme aux FFI comme un exemple palpable de l¡¯engagement de la soci¨¦t¨¦ civile ¨¤ d¨¦fendre cette cause. ? Il ne s¡¯agit pas pour le continent africain de dire au reste du monde, ? faites ceci contre les flux financiers illicites. ? Mais plut?t de dire ? ensemble, agissons contre ce fl¨¦au. ??
M. Mbeki? affirme que les autorit¨¦s douani¨¨res africaines , la police, les banques centrales, le syst¨¨me bancaire et les services de renseignement financier doivent intensifier la lutte il a toutefois reconnu qu¡¯un d¨¦ficit de capacit¨¦s dans ce domaine pourrait freiner? les efforts globaux.?
? Les capacit¨¦s de ces institutions sont insuffisantes. Le plan d¡¯action issu? de la conf¨¦rence sur le financement du d¨¦veloppement tenue ¨¤ Addis-Abeba [en juillet 2015] appelle le reste du monde ¨¤ aider le continent africain ¨¤ combler ce d¨¦ficit de capacit¨¦s, ? a t-il dit, en ajoutant que les donn¨¦es fiscales ¨¦chang¨¦es au sein du syst¨¨me financier mondial ? pourraient s¡¯av¨¦rer inutiles si on ne sait pas comment les traiter. ??
En d¨¦pit de? ces faibles capacit¨¦s, les dirigeants? africains sont d¨¦termin¨¦s ¨¤ mener la lutte contre les FFI, affirme M. Mbeki. La mise sur pied de ce groupe de travail est une preuve de volont¨¦ politique. ? Nous sommes convaincus du d¨¦sir des gouvernements africains de r¨¦soudre la question. ?
Pr¨¦server les fonds recouvr¨¦s?
L¡¯impression incontestable de corruption a? terni l¡¯image de nombreux? gouvernements et institutions en Afrique. En effet que pourrait r¨¦pondre M. Mbeki aux critiques qui maintiennent? que les fonds recouvr¨¦s pourraient ¨ºtre d¨¦tourn¨¦s une fois rapatri¨¦s en Afrique ? ? Cette initiative a ¨¦t¨¦ motiv¨¦e par le besoin de g¨¦n¨¦rer davantage de fonds pour faire face aux d¨¦fis du d¨¦veloppement ?, r¨¦torque-t-il. ?tant donn¨¦ que ce groupe de travail doit? pr¨¦senter ¨¤ l¡¯Union africaine un rapport annuel sur les FFI, ces rapports pourraient ¨¤ l¡¯avenir int¨¦grer des informations sur l¡¯utilisation des fonds recouvr¨¦s.?
? Disons que le continent? arrive ¨¤ r¨¦cup¨¦rer 25 milliards de dollars. Il serait naturel de dire : gr?ce ¨¤ ces 25 milliards de dollars, deux ponts ont ¨¦t¨¦ construits et 20 000 km de routes ont ¨¦t¨¦ bitum¨¦es,? d¨¦clare-t-il.
Le groupe de travail dirig¨¦ par M. Mbeki mesure l¡¯ampleur de la t?che ¨¤ accomplir. Dans le cadre de l¡¯interview accord¨¦e ¨¤ Afrique Renouveau, il a tenu ¨¤ mettre l¡¯accent sur le lien qui existe entre les FFI et les ressources naturelles. ? Les ressources naturelles sont l¡¯une des principales sources de flux illicites. Rappelez-vous que pendant la guerre au Lib¨¦ria, l¡¯exploitation foresti¨¨re ill¨¦gale a contribu¨¦ ¨¤ prolonger le conflit. Aussi le gouvernement ¨¦lu a fait appel ¨¤ une firme internationale charg¨¦e de marquer chaque bille de bois export¨¦e du Lib¨¦ria et de suivre cette bille jusqu¡¯¨¤ ce qu¡¯elle soit d¨¦charg¨¦e ¨¤ Rotterdam [en Hollande] ou quelque part en Europe.
D¡¯apr¨¨s? M. Mbeki, ? Le d¨¦fi est plus grand en ce qui concerne d¡¯autres ressources. Par exemple, un pays qui produit du cuivre peut assurer son raffinage jusqu¡¯¨¤ un certain degr¨¦,? et ensuite l¡¯exporter ailleurs pour compl¨¦ter le processus.? ? Un tel pays ne peut pas conna?tre la quantit¨¦ de cuivre export¨¦e car il n¡¯a pas ¨¦t¨¦ compl¨¨tement? transform¨¦ localement. Il nous faut? donc un syst¨¨me de tra?abilit¨¦ similaire afin que le pays d¡¯origine sache exactement le volume de cuivre export¨¦.?
Malgr¨¦ ces difficult¨¦s, le message de fond de M. Mbeki est que l¡¯Afrique ne peut pas continuer de subir? une exploitation abusive de ses ressources du fait des flux financiers illicites.?