? La Somalie rena?t de ses cendres ?
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? La Somalie rena?t de ses cendres ?
Il arrive souvent que les Somaliens se rem¨¦morent leur vie avant la guerre. Avec nostalgie, ils repensent aux? jours heureux o¨´ ils nageaient, pique-niquaient, allaient? au cin¨¦ma ; ¨¤ l¡¯¨¦poque o¨´ les enfants fr¨¦quentaient l¡¯¨¦cole, o¨´ l¡¯¨¦conomie et les affaires ¨¦taient florissantes, offrant ¨¤ des milliers de citoyens somaliens un emploi. ? ?
Cette ¨¦poque dor¨¦e a brusquement pris fin en 1991, lorsqu¡¯a? d¨¦but¨¦ une guerre d¨¦vastatrice qui a mis ¨¤ bas l¡¯¨¦conomie et an¨¦anti? le syst¨¨me bancaire. Aujourd¡¯hui, le nom de la Somalie ¨¦voque les images terrifiantes des op¨¦rations meurtri¨¨res des militants chabab, d¡¯attentats suicides ou de pirates. ?
Mais la Somalie de la guerre civile, caract¨¦ris¨¦e par toutes sortes d¡¯atrocit¨¦s, c¨¨de peu ¨¤ peu la place ¨¤ une nouvelle Somalie, de plus en plus pacifique, o¨´ les progr¨¨s socio-¨¦conomiques et politiques, malgr¨¦ leur lenteur, sont constants et bien r¨¦els. Malheureusement, peu de gens se rendent compte de cette ¨¦volution.? ?
? La Somalie, c¡¯est l¡¯histoire d¡¯une r¨¦ussite ¨¤ venir, mais cet ¨¦lan doit ¨ºtre soutenu ?, d¨¦clarait Nicholas Kay, l¡¯ancien repr¨¦sentant sp¨¦cial de l¡¯ONU en Somalie, en d¨¦but d¡¯ann¨¦e.?
Une constatation partag¨¦e par le ministre des Affaires ¨¦trang¨¨res somalien, Abdusalam Omer : ? De vrais progr¨¨s ont ¨¦t¨¦ r¨¦alis¨¦s. La Somalie est en train de rompre avec son sombre pass¨¦. ?
Le Fonds mon¨¦taire international (FMI), qui a renou¨¦ ses relations avec le pays en avril 2013, croit en cette nouvelle Somalie. Son rapport sur la situation ¨¦conomique du pays, le premier depuis plus de vingt ans, souligne qu¡¯entre 2012 et 2014, le PIB r¨¦el de la Somalie a augment¨¦ de 3,7%. Bien que la Somalie ne puisse encore pr¨¦tendre ¨¤ une aide financi¨¨re du FMI en raison des arri¨¦r¨¦s de paiement qu¡¯elle n¡¯a pas r¨¦gl¨¦s depuis longtemps, et dont le montant a atteint 328 millions de dollars fin 2015, cette nouvelle ¨¦valuation du FMI constitue une ¨¦tape cruciale et prouve que le pays remet en ordre? son fonctionnement administratif.? ? ?
La croissance ¨¦conomique de la Somalie a ¨¦t¨¦ en partie aliment¨¦e par une augmentation de la production agricole. D¡¯apr¨¨s l¡¯Organisation pour l¡¯alimentation et l¡¯agriculture (FAO), la Somalie a export¨¦, en 2014, plus de cinq millions de t¨ºtes de b¨¦tail vers les ?tats du Golfe,? la plus importante quantit¨¦ d¡¯animaux vivants export¨¦s depuis 20 ans soit 4,6 millions de ch¨¨vres et de moutons, 340 000 bovins et 77 000 chameaux pour une valeur totale estim¨¦e ¨¤ 360 millions de dollars, qui repr¨¦sente 40% du PIB.?
? Le pays a r¨¦alis¨¦ d¡¯incroyables progr¨¨s?, indique le chef de la mission du FMI en Somalie, Rogerio Zandamela, ajoutant que ? le FMI n¡¯a pas ¨¦t¨¦ seul ¨¤ aider la Somalie. La Banque africaine de d¨¦veloppement, la Banque mondiale, les donateurs bilat¨¦raux tels que l¡¯Union europ¨¦enne, et des pays comme le Kenya, la Norv¨¨ge, la Turquie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont extr¨ºmement actifs ?. ?
Les effets de la reprise de l¡¯activit¨¦ ¨¦conomique se remarquent facilement ¨¤ Mogadiscio, la capitale, o¨´ des immeubles de bureaux et des r¨¦sidences attrayants remplacent peu ¨¤ peu des b?timents d¨¦labr¨¦s et cribl¨¦s de? balles. ?
Autrefois zone d¡¯acc¨¨s interdit pour les avions de ligne, Mogadiscio est aujourd¡¯hui desservie de nouveau par des vols quotidiens. Les restaurants, les compagnies de taxi, les agences pour l¡¯emploi, les pressings, les salles de gym, les agences immobili¨¨res et les fast-food se multiplient ¨¤ travers la capitale et dans d¡¯autres villes du pays. ?
La croissance que connaissent les secteurs de l¡¯¨¦levage et de la p¨ºche ainsi que la reprise du secteur priv¨¦, en particulier l¡¯industrie des services qui comprend les t¨¦l¨¦communications, la construction et le transfert de fonds, stimulent l¡¯¨¦conomie. ? Si la situation s¨¦curitaire continue de s¡¯am¨¦liorer, le secteur priv¨¦ restera le contributeur le plus dynamique ¨¤ la croissance ¨¦conomique?, estime M. Zandamela avec enthousiasme. ? ? ?
Les ressources potentielles de la Somalie laissent pr¨¦sumer que la situation socio-¨¦conomique peut s¡¯am¨¦liorer encore davantage. Selon le responsable r¨¦gional du FMI, ? le pays poss¨¨de des ressources naturelles comme le gaz et le p¨¦trole, des ressources marines aussi, et bien davantage. Il est donc vital que la Somalie g¨¨re correctement l¡¯exploitation de ses ressources.?? ?
En octobre dernier, la Banque mondiale a annonc¨¦ un partenariat avec la Banque centrale de Somalie (CBS) visant ¨¤ faciliter l¡¯envoi de fonds aux Somaliens et a nomm¨¦ un agent charg¨¦, en collaboration? avec la CBS, de mettre en place un cadre de r¨¦gulation et de supervision appropri¨¦ ¨¤ ces transferts. ? C¡¯est une premi¨¨re ¨¦tape tr¨¨s importante qui permettra d¡¯am¨¦liorer la supervision et d¡¯officialiser le secteur commercial que constitue le transfert de fonds en Somalie?, indique Bella Bird,? directrice de la Banque mondiale pour la Somalie, qui s¡¯occupe ¨¦galement du Burundi, du Malawi et de la Tanzanie. ? Ces mesures devraient permettre de renforcer la confiance de la communaut¨¦ internationale vis-¨¤-vis du secteur financier somalien?.
La politique et l¡¯humanitaire
La Somalie devient progressivement un lieu d¡¯investissement commercial attrayant en Afrique de l¡¯Est, notamment en raison de l¡¯am¨¦lioration des conditions de s¨¦curit¨¦. Depuis 2012, le gouvernement somalien et la Mission de maintien de la paix de l¡¯Union africaine en Somalie, l¡¯AMISOM ont men¨¦ des op¨¦rations conjointes pour renforcer la s¨¦curit¨¦. Mais les experts pr¨¦viennent qu¡¯une mauvaise gestion des enjeux politiques pourrait g?cher ces efforts. Dans un rapport au Conseil de s¨¦curit¨¦ de l¡¯ONU publi¨¦ en octobre 2015, le Groupe de contr?le pour la Somalie lance des accusations de corruption et d¡¯incomp¨¦tence ¨¤ l¡¯encontre du gouvernement de transition, remet en question l¡¯efficacit¨¦ de l¡¯AMISOM et avertit des cons¨¦quences graves qu¡¯aurait un retour des milices chabab. ? ?
Les Somaliens doivent se rendre aux urnes en ao?t 2016 pour ¨¦lire un nouveau gouvernement. Le pr¨¦sident actuel, Hassan Sheikh Mohamud, qui a ¨¦t¨¦ ¨¦lu en 2012 et salu¨¦ pour avoir ¨¦t¨¦ l¡¯artisan du retour progressif ¨¤ la normale, a l¡¯intention de se repr¨¦senter.? ?
Bien que le Pr¨¦sident Mohamud ait donn¨¦ des signaux positifs aux investisseurs en indiquant qu¡¯il c¨¦dera pacifiquement le pouvoir? s¡¯il perd l¡¯¨¦lection, son gouvernement n¡¯a pas encore? clairement indiqu¨¦? la forme que prendont ces ¨¦lections, en raison ? de la situation en mati¨¨re de s¨¦curit¨¦?. Le Pr¨¦sident a d¨¦clar¨¦ toutefois ¨¤ un groupe de Somaliens de la diaspora : ? Si je suis ¨¦lu, je continuerai. Sinon, je c¨¦derai le pouvoir au vainqueur. ??
Outre les ¨¦lections ¨¤ venir, la crise humanitaire et les r¨¦percussions de la guerre continuent de poser des? d¨¦fis au gouvernement. Plus de deux millions de Somaliens ne sont toujours pas rentr¨¦s chez eux, dont 1,1 million sont d¨¦plac¨¦s ¨¤ l¡¯int¨¦rieur du pays et 967 000 sont r¨¦fugi¨¦s dans des pays voisins. Le Kenya accueille 420 000 r¨¦fugi¨¦s somaliens, principalement au camp de Dadaab, l¡¯un des plus grands camps de ce type dans le nord-est du pays. On compte aussi 250 000 r¨¦fugi¨¦s somaliens en Ethiopie et 200 000 au Y¨¦men. ?
Le Kenya, la Somalie et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les? r¨¦fugi¨¦s (HCR) ont conclu, en 2013, un accord pour le rapatriement volontaire des r¨¦fugi¨¦s en Somalie, preuve de la stabilit¨¦ croissante du pays. Le HCR a d¨¦j¨¤ aid¨¦ au retour vers la Somalie de plus de 6 000 r¨¦fugi¨¦s au Kenya entre d¨¦cembre 2014 et d¨¦cembre 2015.?
D¡¯un point de vue ¨¦conomique, les r¨¦fugi¨¦s rentrant dans leur pays risquent de mettre ¨¤ rude ¨¦preuve? les infrastructures sociales d¨¦j¨¤ insuffisamment d¨¦velopp¨¦es comme les logements, les h?pitaux et les r¨¦seaux de distribution d¡¯eau. Certains ¨¦conomistes estiment toutefois que le retour des r¨¦fugi¨¦s peut ¨ºtre un facteur positif pour l¡¯¨¦conomie, en permettant d¡¯am¨¦liorer la coh¨¦sion sociale. Nombre de r¨¦fugi¨¦s pourront s¡¯impliquer dans des activit¨¦s productives comme l¡¯agriculture, contribuant ainsi au bien-¨ºtre ¨¦conomique g¨¦n¨¦ral du pays. ?
Inqui¨¦tudes s¨¦curitaires
Bien que l¡¯Union africaine et l¡¯arm¨¦e somalienne aient r¨¦ussi ¨¤ chasser de Mogadiscio les militants? chabab rattach¨¦s? ¨¤ Al-Qaeda qui, ¨¤ une certaine ¨¦poque, contr?laient? presque toute? la Somalie, les responsables politiques admettent que la question de la s¨¦curit¨¦ est encore probl¨¦matique. Actuellement, tous les investisseurs ne sont pas tr¨¨s enthousiastes ¨¤ l¡¯id¨¦e de s¡¯engager dans des projets ¨¤ long terme, ce qui peut expliquer la croissance disproportionn¨¦e de l¡¯industrie des services, o¨´ les mouvements de fonds sont fr¨¦quents, par rapport aux secteurs o¨´ les retours sur investissement peuvent prendre du temps.? ?
En janvier 2016, les forces k¨¦nyanes se sont retir¨¦es de deux bases militaires en Somalie ¨¤ la suite d¡¯attaques perp¨¦tr¨¦es par les Chabab? ¨¤ El-Adde dans lesquelles ont? p¨¦ri des dizaines de soldats et elles ont install¨¦ un nouveau camp pr¨¨s de la fronti¨¨re avec le Kenya. La force de l¡¯Union africaine, qui combat les militants chabab, compte 4 000 soldats k¨¦nyans sur ses 22 000 hommes. Bien que le gouvernement du Kenya ait qualifi¨¦ le changement de base de ? tactique militaire de routine?, cet ¨¦v¨¦nement a rendu le contexte s¨¦curitaire en Somalie plus pr¨¦caire.? ? ? ?
Pour les Nations Unies, le lien entre la s¨¦curit¨¦ en Somalie d¡¯une part, et la stabilit¨¦ politique et ¨¦conomique de l¡¯autre est ¨¦vident. ? Nous ferons tout notre possible pour d¨¦jouer les efforts d¨¦sesp¨¦r¨¦s men¨¦s par les combattants chabab en vue de saper les espoirs du peuple somalien?, d¨¦clare Michael Keating, repr¨¦sentant sp¨¦cial du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU en Somalie.?