Maria de Jesus dos Reis Ferreira a 茅t茅 nomm茅e en f茅vrier 2018 repr茅sentante permanente de l'Angola aupr猫s de l'ONU, la premi猫re femme 脿 occuper ce poste. Entre autres sujets, elle s'est consacr茅e 脿 la paix et 脿 la s茅curit茅 en Afrique et s'est fait l'茅cho du soutien ferme de son pays 脿 la vaccination universelle de la population mondiale. Dans cet entretien avec Kingsley Ighobor, l'ambassadrice Ferreira parle de l'autonomisation des femmes, du libre-茅change et de ce que le continent peut attendre de la conf茅rence des Nations Unies sur le climat (COP 27) qui se tiendra en 脡gypte plus tard cette ann茅e. Voici des extraits de l'interview :
Quel a 茅t茅 votre parcours jusqu'脿 ce r么le de repr茅sentant permanent de l'Angola aupr猫s des Nations Unies ?听
Mon parcours a 茅t茅 long, je peux en parler pendant des heures. J'ai commenc茅 dans l'arm茅e et, des ann茅es plus tard, je suis pass茅 脿 la diplomatie, ce qui a 茅t茅 un parcours assez int茅ressant et stimulant.
Je travaille en tant que diplomate depuis 1980. Avant mon poste actuel, j'ai travaill茅 comme ambassadrice en Autriche, en Slov茅nie, en Croatie et en Slovaquie, avec r茅sidence 脿 Vienne, o霉 j'茅tais repr茅sentante permanente aupr猫s des Nations Unies.
Je suis la premi猫re femme 脿 occuper ce poste depuis que l'Angola est devenu un 脡tat membre des Nations Unies, il y a 46 ans.
F茅licitations ! Quelles sont vos trois principales r茅alisations 脿 ce jour ?
En parlant de r茅alisations, en ce qui concerne la paix et la s茅curit茅, il est important de noter que, dans le cadre du leadership angolais de la Conf茅rence internationale sur la r茅gion des Grands Lacs (CIRGL) pour la deuxi猫me fois, notre pr茅sident Jo茫o Louren莽o, en sa qualit茅 de pr茅sident, a inform茅 le Conseil de s茅curit茅 des Nations Unies en juin 2021 lors d'une r茅union consacr茅e 脿 la situation en R茅publique centrafricaine. Il a appel茅 脿 la fin de l'embargo sur les armes impos茅 au pays.听
En outre, l'Angola continue de contribuer et de soutenir une r茅solution pacifique du conflit dans l'est de la R茅publique d茅mocratique du Congo.
Toujours en 2021, l'Angola a pr茅sent茅 pour la premi猫re fois son examen volontaire national au Forum politique de haut niveau sur la mise en 艙uvre du Programme de d茅veloppement durable 脿 l'horizon 2030.
Autre grande r茅ussite, l'Assembl茅e g茅n茅rale des Nations Unies, par une r茅solution de f茅vrier 2021, a accord茅 脿 l'Angola trois ann茅es suppl茅mentaires [jusqu'en 2024] pour pr茅parer une transition en douceur de la cat茅gorie des pays les moins avanc茅s 脿 celle des pays 脿 revenu interm茅diaire. Cette d茅cision a 茅t茅 prise apr猫s d'intenses n茅gociations.
Je dois mentionner que l'Angola est, pour la deuxi猫me fois, membre du Comit茅 consultatif pour les questions administratives et budg茅taires (CCQAB) pour la p茅riode triennale 2022-2024. Ce comit茅 est principalement charg茅 d'examiner le budget-programme des Nations Unies.
Quelles sont vos priorit茅s pour 2022 ?
Notre principale priorit茅 pour cette ann茅e est de continuer 脿 nous concentrer sur la paix et la s茅curit茅 en mettant l'accent sur l'Afrique, plus pr茅cis茅ment notre sous-r茅gion.听
Nous continuerons 茅galement 脿 pr锚ter attention aux programmes qui favorisent l'aide humanitaire aux groupes vuln茅rables, notamment les femmes et les enfants, la protection de l'environnement et le d茅veloppement durable.
Il n'y a que quelques repr茅sentantes permanentes africaines aupr猫s des Nations Unies 脿 New York. Que faut-il faire pour augmenter ce nombre ?
Le r么le des femmes dans la diplomatie est essentiel pour r茅former la pr茅dominance masculine dans les relations internationales. La participation des femmes aux m茅canismes de paix et de s茅curit茅 est n茅cessaire pour s'茅carter de la norme patriarcale selon laquelle les hommes sont les d茅cideurs tandis que les femmes restent en retrait.
Cependant, chaque pays a sa propre strat茅gie nationale. Il ne s'agit pas seulement d'augmenter le nombre de femmes RP 脿 New York ou 脿 tout autre poste, il faut aussi que les femmes le m茅ritent.
En Angola, lentement mais s没rement, des mesures positives ont 茅t茅 prises en faveur de l'inclusion de davantage de femmes dans tous les secteurs, y compris la diplomatie. Depuis l'entr茅e en fonction du pr茅sident Jo茫o Louren莽o en 2017, le nombre de femmes chefs de mission n'a cess茅 d'augmenter. Actuellement, 14 femmes dirigent des missions diplomatiques et trois sont repr茅sentantes permanentes. Je suis 脿 New York et une chacune au bureau de l'ONU 脿 Gen猫ve et 脿 l'UNESCO 脿 Paris. Il y a encore un 茅cart en termes d'茅quilibre entre les sexes, car nous avons 40 hommes dans les missions, mais nous avan莽ons dans la bonne direction.
Pourquoi l'autonomisation des femmes est-elle importante en Afrique ?
L'autonomisation des femmes en Afrique favorisera leur sentiment d'estime de soi, leur capacit茅 脿 d茅terminer leurs propres choix et leur droit d'influencer le changement social dans la soci茅t茅. L'茅galit茅 des sexes est atteinte lorsque les hommes et les femmes jouissent des m锚mes droits et opportunit茅s socio-茅conomiques et ont un acc猫s 茅gal 脿 l'茅ducation, aux soins de sant茅, 脿 un travail d茅cent et 脿 la repr茅sentation dans les processus de d茅cision politiques et 茅conomiques.
Les femmes repr茅sentent environ 50 % de la population africaine, mais elles restent sous-repr茅sent茅es dans la prise de d茅cision.
Les derni猫res statistiques montrent que les femmes occupent environ 24 % des si猫ges parlementaires en Afrique, ce qui est tr猫s proche de la moyenne mondiale de 25 %. Malheureusement, les sous-r茅gions de l'Afrique australe (31 %) et de l'Afrique de l'Est (32,4 %) sont les principales responsables de la repr茅sentation des femmes au Parlement africain. Les trois autres sous-r茅gions sont loin derri猫re.
Bien s没r, le programme d'action de P茅kin de 1995 fixe un objectif d'au moins 30 %, tandis que l'Agenda 2063 de l'Union africaine fixe un objectif de 50 % de repr茅sentation des femmes.听
L'Angola a 茅t茅 脿 l'avant-garde de l'appel 脿 la vaccination universelle contre la COVID-19. Que faut-il faire de plus pour r茅ussir dans ce domaine ?
L'Angola, comme de nombreux pays en d茅veloppement, a appel茅 脿 la vaccination universelle contre la COVID-19 afin que personne ne soit laiss茅 pour compte.
Dans son discours 脿 l'Assembl茅e g茅n茅rale des Nations Unies en septembre 2021, le pr茅sident Louren莽o a demand茅 la lev茅e des droits de propri茅t茅 intellectuelle pour permettre 脿 de nombreux pays de fabriquer des vaccins afin qu'ils soient accessibles 脿 tous.听
En f茅vrier dernier, lors de la r茅union de haut niveau sur l'acc猫s universel aux vaccins COVID-19, notre pr茅sident a de nouveau exhort茅 les nations les plus riches 脿 faire don de 5 milliards de dollars par le biais de COVAX pour l'achat urgent d'environ 600 millions de vaccins, et 脿 soutenir la mise en 艙uvre de campagnes de vaccination nationales.
La pand茅mie a une dimension mondiale et n茅cessite donc une r茅ponse mondiale. Son impact a accentu茅 l'interd茅pendance entre les nations. C'est pourquoi nous continuons 脿 plaider pour la renonciation aux droits de propri茅t茅 intellectuelle afin d'am茅liorer la production, la distribution et l'acc猫s 茅quitable.
Je suis heureuse que l'Afrique du Sud, l'脡gypte, le Kenya, le Nig茅ria, le S茅n茅gal et la Tunisie aient 茅t茅 s茅lectionn茅s pour recevoir la technologie n茅cessaire 脿 la production de vaccins 脿 ARNm sur le continent, dans le cadre des efforts de l'OMS pour reproduire ce que l'on pense 锚tre les vaccins sous licence les plus efficaces contre le COVID-19.听
Le monde doit s'unir dans cette lutte contre le COVID-19. L'acc猫s aux vaccins, aux tests et aux traitements pour tous ceux qui en ont besoin est la seule solution.
Nous sommes maintenant dans la deuxi猫me ann茅e de la Zone de libre-茅change continentale africaine (ZLECAf). Que pensez-vous de la mani猫re dont les femmes africaines peuvent b茅n茅ficier du libre-茅change ?
Il ne fait aucun doute que les femmes sont des acteurs cl茅s du d茅veloppement de l'茅conomie africaine. Avant tout, les femmes constituent 70 % des commer莽ants informels, c'est pourquoi la ZLECAf reconna卯t l'importance du genre dans le commerce intra-africain.听
Mais nous devons prendre des mesures suppl茅mentaires. Par exemple, nous devons promouvoir des politiques qui r茅duisent l'茅cart entre les sexes. 听En examinant l'impact potentiel de la ZLECAf sur les Africains, posons-nous la question de savoir si un tel impact contribuera 脿 r茅duire l'in茅galit茅 entre les sexes.
La bonne nouvelle est que, selon la Banque mondiale, la ZLECAf pourrait potentiellement sortir 30 millions d'Africains de l'extr锚me pauvret茅 et augmenter les revenus de 68 millions d'autres qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour. Et nous disposons d'un march茅 combin茅 de 1,3 milliard de personnes dont les femmes commer莽antes peuvent tirer d'immenses b茅n茅fices.
En outre, la ZLECAf peut renforcer le r么le des femmes dans les emplois de diff茅rents secteurs, par exemple le secteur agricole, et l'expansion des march茅s d'exportation offre d'茅normes possibilit茅s aux femmes.听
N'oubliez pas non plus que l'industrialisation et la diversification accrues peuvent profiter aux femmes dans les industries manufacturi猫res, car elles rendront les emplois plus qualifi茅s et mieux r茅mun茅r茅s plus disponibles et plus accessibles pour elles. De mani猫re significative, les femmes entrepreneurs, y compris celles des PME, r茅colteront les fruits des cha卯nes de valeur r茅gionales.
L'脡gypte accueillera la CdP27 dans le courant de l'ann茅e. Qu'est-ce que l'Angola en g茅n茅ral souhaite voir sortir de cet 茅v茅nement ?
Tout d'abord, je voudrais f茅liciter l'脡gypte d'锚tre l'h么te de la CdP27.
L'Angola consid猫re le changement climatique comme l'un des plus grands d茅fis auxquels l'humanit茅 est confront茅e en raison de ses effets directs et indirects sur la vie 茅conomique et sociale des nations. Le changement climatique pr茅sente des risques syst茅miques pour nos 茅conomies, nos investissements en infrastructures, nos syst猫mes d'approvisionnement en eau et en nourriture, notre sant茅 publique, notre agriculture et nos moyens de subsistance, qui menacent collectivement de r茅duire 脿 n茅ant les acquis du d茅veloppement de l'Afrique.听
L'Afrique est le continent le plus vuln茅rable aux effets du changement climatique dans tous les sc茅narios climatiques sup茅rieurs 脿 1,5 degr茅 Celsius.
Actuellement, la matrice 茅nerg茅tique nationale de l'Angola incorpore 62 % de sources d'茅nergie non polluantes, et nous visons 脿 atteindre 70 % en 2025. Nous avons clairement d茅fini notre contribution concr猫te 脿 la r茅duction du carbone dans la production d'茅lectricit茅 jusqu'en 2025. Nous prenons 茅galement des mesures compl茅mentaires dans le domaine de la gestion durable des for锚ts, des transports et de l'agriculture.
Un meilleur accord pour l'Afrique sera synonyme de justice climatique pour un continent qui ne repr茅sente que trois pour cent des 茅missions mondiales cumul茅es de CO2, mais qui en subit les effets de plein fouet. Pourtant, les pays moins d茅velopp茅s sont soumis 脿 une pression croissante pour adopter un d茅veloppement 脿 faible 茅mission de carbone et faire passer leurs 茅conomies 脿 un niveau net z茅ro d'ici 2050.
Selon moi, la CdP27 repr茅sente une occasion unique pour l'Afrique de mener la conversation sur le climat et de n茅gocier de meilleurs accords climatiques pour le continent.
